Mathieu Warnier, Media365 : publié le dimanche 02 juin 2024 à 18h50
Immortalisé par Michael Chang lors de l'édition 1989 de Roland-Garros, le service à la cuillère retrouve de son lustre après avoir longtemps avoir été critiqué quand certains joueurs tentaient ce coup inhabituel.
C'est un geste qui avait longtemps disparu. Alors que le service est essentiellement effectué avec un lancer, certains joueurs n'hésitent plus à utiliser la technique dite de la cuillère. En 1989, Michael Chang avait fait beaucoup parler en l'utilisant lors de son huitième de finale de Roland-Garros contre Ivan Lendl. Ces dernières années, c'est un des joueurs les plus fantasques du circuit masculin qui a pris un malin plaisir à l'utiliser pour déstabiliser ses adversaires. En effet, Nick Kyrgios n'a pas hésité à ajouter cette arme à son arsenal, au point de piéger Rafael Nadal sans réactions lors d'un duel en quarts de finale de l'édition 2022 du Masters 1000 d'Indian Wells. Cette année, sur la terre battue de Roland-Garros, c'est Corentin Moutet qui a redonné ses lettres de noblesse au service à la cuillère, notamment à l'occasion de ses succès sur Alexander Shevchenko et Sebastian Ofner. En conférence de presse après sa victoire contre le Kazakh, le Tricolore avait assuré que « c'est un coup un peu comme un autre » à ses yeux, lui qui a commencé à l'utilise à l'occasion d'un match contre Dominic Thiem lors du tournoi Challenger de Bordeaux l'an passé.
Moutet vise l'efficacité
« Pourquoi on ne pourrait pas servir par le bas, s'est-il également interrogé On peut servir par le haut. On peut faire des amorties. Pourquoi on ne peut pas le faire au service ? Je trouve que c'est un coup comme un autre tant qu'il reste performant et que ce n'est pas pour se moquer de l'adversaire. » Un geste peu orthodoxe que Corentin Moutet assure utiliser « pour gagner le point à chaque fois » et quand « c'est le bon coup à jouer ». « Il faudrait que je regarde mes statistiques, mais je gagne beaucoup de points quand je le fais, a-t-il ajouté. Si c'était l'inverse et que j'en perdais plus que j'en gagnais, j'aurais arrêté de le faire. Pour moi, c'est une autre manière de gagner un point. » Un point de vue que son entraîneur Petar Popovic a confirmé, lui qui considère que ce coup est « une vraie arme » qui a un but précis. « Cela lui permet de faire dézoner son adversaire et de s'ouvrir le court derrière, assure le technicien dans des propos recueillis par le quotidien Ouest-France. Il a un sacré touché, il faut en profiter. »
Popovic assure que Moutet le travaille
Néanmoins, son utilisation n'est pas sans risque car « il use physiquement parce qu'il oblige à un sprint vers l'avant » et demande un travail particulier au quotidien. « Il s'entraîne tous les jours. Une bonne dizaine de services par jour. Et moi, je n'ai rien contre ça, affirme Petar Popovic. Peut-être que les autres entraîneurs vont me dire de ne pas le laisser faire. Mais moi, je trouve ça marrant et ça marche. Alors, pourquoi changer ? » Un travail qui paye quand d'autres joueurs, tels Alexander Bublik ont plus tendance à l'utiliser de manière moins organisée. S'il fait beaucoup parler, ce service à la cuillère ne devrait pas subir les foudres des autorités sportives tant il apporte une dimension supplémentaire au tennis. « L'interdire, je pense que ça irait à l'encontre de ce que les instances du tennis veulent développer en ce moment, a assuré l'ancienne joueuse Camille Pin dans les colonnes du quotidien 20 Minutes. Ils veulent du spectacle, et c'est un coup qui va dans ce sens. » A l'occasion de la session de nuit prévue ce dimanche, Jannik Sinner doit se tenir prêt.