Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 19 novembre 2021 à 21h24
En demi-finale de la Coupe du Monde de rugby 1999, l'équipe de France signait le plus gros coup de son histoire en renversant la Nouvelle-Zélande de Jonah Lomu (43-31). Retour sur cette rencontre d'anthologie.
C'est pour beaucoup le plus beau match de l'histoire de la Coupe du Monde. Pour certains, c'est même le meilleur de l'histoire du rugby tout court. Rien que ça. C'est en tout cas le plus grand exploit du rugby français à ce jour. Cette fameuse rencontre mémorable date du 31 octobre 1999, un jour de demi-finale à Twickenham, le temple du ballon ovale et théâtre majestueux qui a vu prendre corps un scénario incroyable et particulièrement inattendu.
L'équipe de France défie la Nouvelle-Zélande pour une place en finale de la quatrième Coupe du Monde de la spécialité. Le XV tricolore accède au dernier carré, ce qui constitue déjà une sacrée performance. L'année 1999 est en effet spécialement compliquée pour les hommes de Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux. Après deux Grands Chelems en 1997 et 1998, le Tournoi des Cinq Nations (le dernier avant de passer à six représentants) est catastrophique en début d'année. Double tenante du titre, la France termine à... la dernière place ! D'abord victorieuse de justesse de l'Irlande (10-9), elle s'incline successivement devant le pays de Galles (33-34), l'Angleterre (10-21) et l'Ecosse (22-36), lauréate devant le XV de la Rose grâce à une meilleure différence de points. La tournée estivale en Nouvelle-Zélande s'est ensuite avérée sinistre. Après un succès inaugural face aux Samoa, les Français s'inclinent contre les Tonga (16-20) avant de subir une déculottée d'envergure face aux All Blacks (7-54). L'une des plus grosses raclées de l'histoire du XV frappé du coq. Les hommes en noir passent sept essais aux Tricolores, dont un triplé de Tana Umaga.
Un début de Mondial laborieux
A trois mois de la Coupe du Monde, le coup d'arrêt est terrible et le pessimisme ambiant pour les Bleus dont le premier tour de la compétition suprême va être laborieux. Sur le sol national car les joutes de la poule C se déroulent en France, les Bleus commencent par dominer le Canada (33-20) à Béziers puis ils écrasent la Namibie (47-13) à Bordeaux. Ils n'obtiennent leur qualification pour les quarts que grâce à un essai litigieux face aux Fidji, battus 28-19 au Stadium de Toulouse. Le collectif des partenaires de Raphaël Ibanez n'est pas rayonnant. « Je ne voudrais vraiment pas que la France devienne la Roumanie du rugby international », lâche le capitaine du XV national.
En quarts, l'équipe de France parvient enfin à jouer le jeu qu'elle répète à l'entrainement depuis le début du mois d'août. Les courses sont inspirées, les partenaires bien servis. A Lansdowne Road, les Bleus sont entreprenants et se font, aussi, peur. Mais ils s'en sortent et éjectent les Pumas (47-26). Ils accèdent donc au dernier carré où les y attendent les All Blacks. Favoris, comme toujours, de la compétition, les partenaires de Jonah Lomu ont traversé la poule B avec une aisance déconcertante. Trois succès contre les Tonga (45-9), l'Angleterre (30-16) et l'Italie (101-3), confirmés en quarts contre l'Ecosse (30-18). Véritable force de la nature, Lomu écrase tout sur son passage. Le phénomène empile les essais, les actions de classe et fait peur à tous les opposants qui ne peuvent le stopper, même en s'y mettant à plusieurs.
La France cotée à 20/1
Avec un tel élément surpuissant, la Nouvelle-Zélande, dont l'équipementier a placardé des affiches dans toute l'Europe, s'avance en écrasant favori de la confrontation. La France est cotée à 20/1 par les bookmakers qui proposent plutôt de miser sur l'envergure de la raclée qu'encaisseront les Bleus. En attendant la rencontre, le sélectionneur australien, Rod McQueen, s'est dit « certain » de retrouver Lomu et Cie en finale. Mais les Français sont capables de tout, du pire comme du meilleur. Va alors se nouer un incroyable exploit à Londres le 31 octobre 1999...
Les représentants français sont détendus dans le vestiaire. Un fou rire éclate entre Emile Ntamack et Fabien Galthié, qui deviendra sélectionneur vingt-et-un ans plus tard. Les Bleus sont ravis dé défier les Néo-Zélandais qui les avaient battus en finale lors de la première édition de la Coupe du Monde en 1987 (29-9) avant de faire chou blanc sur les deux compétitions suivantes (3eme et finaliste). « Si tu n'as pas le sourire au moment de rencontrer les All Blacks en demi-finale de la Coupe du Monde, quand trouveras-tu ton plaisir dans ce jeu ? », lance Jean-Claude Skrela. Les demi-finalistes pénètrent sur la pelouse et les Bleus encaissent sans broncher le fameux haka. Costauds d'entrée, les Tricolores inscrivent vite les premiers points sur une pénalité de Christophe Lamaison (3-0) à la 2eme minute. Andrew Mehrtens répond et donne l'avantage sur deux coups de pieds adroits (6-3 après 18 minutes). Agressive, la troupe de Skrela et Villepreux mène l'assaut dans le camp adverse sur une énorme percée de Christophe Dominici puis Lamaison inscrit le premier essai suite à un renversement de Richard Dourthe, et transforme. Elle reprend l'avantage après 20 minutes (10-6).
Lomu en déménageur
Entre alors en scène Lomu après une pénalité de Mehrtens. Servi à près de trente mètres de l'en-but, l'ailier fait parler sa puissance et déménage tout sur son passage. Cinq Français sont démolis et le géant de 1,95 m, tristement décédé d'un arrêt cardiaque à seulement 40 ans en 2015, signe l'un des essais les plus éclatants de sa carrière (14-10, essai non transformé). Le combat est intense, les deux formations se rendent coup pour coup. Mehrtens permet aux Blacks de mener à la pause (17-10). Au retour des vestiaires, Lomu remet ça avec un nouvel essai prodigieux que son ouvreur transforme (24-10). Le match semble alors plié.
Les Français, déchaînés, infligent un 33-0 en 26 minutes aux Blacks !
Mais impossible n'est pas français. « Titou » Lamaison enquille deux drops sur deux possessions offensives tricolores et passe deux pénalités. La France est presque revenue (24-22). Le festival du XV frappé du coq débute. Derrière une chandelle de Galthié, Dominici saisit le ballon au rebond, au nez et à la barbe de deux assaillants et aplatit. Les Bleus passent devant après la transformation (29-24). Les All Blacks ne les reverront plus. Déchainés, les Français écœurent les meilleurs joueurs du monde qui lancent un assaut insuffisant. Dourthe puis Philippe Bernat-Salles, qui remonte 80 mètres et aplatit après une incroyable course d'Olivier Magne et un coup de pied de Lamaison, ajoutent deux autres essais fabuleux. Toujours aussi adroit, Lamaison transforme (43-24). Les Bleus viennent d'infliger un 33-0 aux All Blacks en vingt-six minutes ! Malgré un baroud d'honneur et un essai transformé de Jeff Wilson, l'équipe de France tient son exploit à l'issue d'une demi-finale d'anthologie (43-31). Ils ne confirmeront malheureusement pas en finale une semaine plus tard (défaite 35-12 contre l'Australie).