Roland-Garros 1983 : l'exploit de Yannick Noah !

Roland-Garros 1983 : l'exploit de Yannick Noah !©Media365
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Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mardi 24 mars 2020 à 18h12

Yannick Noah réalisait son rêve en remportant Roland-Garros en 1983. Retour sur ce grand moment du sport français.

Ce chaud dimanche 5 juin 1983, la France retient son souffle. Yannick Noah va tenter de devenir le premier lauréat français de Roland-Garros depuis Marcel Bernard en 1946. Il est le troisième à s'y essayer en 37 ans. Pierre Darmon s'est cassé les dents en finale sur l'Australien Roy Emerson en 1963 (défaite en 4 sets) et Patrick Proisy a subi la loi de l'Espagnol Andres Gimeno en 1972 (revers en quatre manches). Soutenu par "50 millions de Français" comme le titre L'Equipe ce jour-là, Noah, alors numéro 6 mondial à 23 ans, affronte le jeune Suédois Mats Wilander (18 ans), numéro 5 de la hiérarchie et tenant du titre.

Avant les concerts et les albums, le tennis et la consécration à l'âge de 23 ans

Vainqueur auparavant des tournois de Madrid et Hambourg, Noah affiche une forme rayonnante. En face, Wilander veut confirmer une année après son exploit aux dépens de Guillermo Vilas, le premier titre de sa carrière à seulement 17 ans. Avant ce Roland-Garros 1983, il a remporté les épreuves de Monte-Carlo, Lisbonne et Aix-en-Provence. Très régulier et redoutable sur terre battue, sa surface favorite, le Suédois use ses adversaires. Avant le coup d'envoi de la grande finale, les deux rivaux sont à égalité parfaite dans leurs confrontations (2-2). Noah a notamment battu Wilander à Hambourg, mi-mai en quarts de finale, et pris sa revanche sur le Suédois qui l'avait auparavant dominé en finale à Lisbonne.

Noah sort Lendl en quarts, Wilander cède quatre sets avant la finale

Les deux concurrents aux tempéraments opposés se connaissent par cœur. Noah sert très bien, joue l'attaque et la volée. Wilander excelle en fond de court et maîtrise parfaitement l'art du passing-shot. Quart de finaliste à Roland-Garros les deux années précédentes, Noah brigue son 1er titre du Grand Chelem en 1983 et réalise une entame idéale sous le soleil parisien. Le natif de Sedan, qui a préparé la quinzaine à l'abri des regards au Tennis Club de la Rochette, près de Melun, a passé une première semaine tranquille Porte d'Auteuil. Il a battu en 3 sets le Suédois Anders Järryd (6-1, 6-0, 6-2), le Paraguayen Victor Pecci (6-4, 6-3, 6-3), son tombeur de 1981, et l'Américain Pat Dupré (7-5, 7-6, 6-2). En huitièmes de finale, Yannick Noah prend le meilleur sur l'Australien John Alexander (6-2, 7-6, 6-1) et gagne le droit de se frotter au redoutable Ivan Lendl en quarts. Numéro 3 mondial, le Tchécoslovaque au tempérament glacial donne des soucis au chouchou du public français qu'il n'apprécie guère. Mais Noah se qualifie pour le dernier carré en infligeant un 6-0 à Lendl au quatrième set sous un soleil de plomb (7-6, 6-2, 5-7, 6-0). Il inflige deux autres « roues de bicyclette » en demi-finales à son compatriote et ami Christophe Roger-Vasselin (6-3, 6-0, 6-0), tombeur surprise au tour précédent de Jimmy Connors, alors numéro 1 mondial.

Sa grande taille fait des ravages au filet

L'exubérant Noah n'a donc perdu qu'un set contre quatre à Wilander, qui cède une manche contre l'Espagnol Avendano, le Français Bedel, l'Américain McEnroe et l'Espagnol Higueras, avec au passage deux 6-0 pour conclure face aux deux derniers en quarts et en demies. La finale, le Français l'entame idéalement. Il impose son physique et son jeu offensif, Wilander subit. Noah empoche le premier set 6-2 en 36 minutes en s'arrachant sur sa droite pour placer une volée de coup droit imparable. Patrice Hagelhauer, son entraineur, et Jean-Paul Loth, patron de l'équipe de France, sont détendus en tribune. Noah distille ses coups slicés des deux côtés, poursuit dans sa quête offensive et se détache dans la seconde manche (5-3). Personne ne résiste à Noah depuis le début du tournoi, le Français fait chavirer le court central . Mais Wilander se rebiffe et lâche notamment un somptueux passing de revers croisé après avoir été lobé. Il distille aussi ses fameux lobs liftés et revient à 5-5. Noah s'accroche pourtant à son rêve et fait encore la différence au filet pour mener deux sets à rien (7-5).

Noah se jette dans les bras de son père

La troisième manche est la plus disputée. Noah accuse un peu le coup et Wilander en profite pour reprendre de la confiance. Les débats s'équilibrent. Le Suédois joue plus juste. Les deux rivaux vont se départager au tie-break lors duquel Wilander s'adjuge le plus beau point de la finale en parvenant à passer Noah après cinq volées du Français. Noah fait parler son service, harangue le public pour qui le suspense devient intenable. Sa maman Marie-Claire remet en place nerveusement ses cheveux, la tension est palpable pour les spectateurs et téléspectateurs. La deuxième balle de match est la bonne. Noah claque une première balle slicée au T, Wilander se déporte sur sa droite et délivre un retour de coup droit au-delà de la ligne de fond. Après 2h25 de jeu, Noah regarde la balle s'échapper en dehors des limites du court. Il a gagné Roland-Garros !

Un bonheur ocre à défaut d'être indigo

Il s'écroule de joie à genoux sur la terre ocre, serre frénétiquement sa raquette puis il se relève et lève fièrement les bras. Il serre rapidement la main de Wilander, enjambe le filet et la folie s'empare de l'enceinte parisienne. Le court est envahi, un individu se jette sur Noah qui n'a d'yeux que pour une autre personne. Son père. Parvenu sur le court, Zacharie Noah se jette dans ses bras de son fils qu'il étreint longuement. La maman observe, émue, la scène depuis les tribunes, les bras en l'air. « Papa, on a gagné ! », lance le nouveau héros national. Marcel Bernard, dernier lauréat français de Roland-Garros en 1946, remet la Coupe des Mousquetaires à Noah devant un public conquis. Le journal L'Equipe titrera le lendemain « Une étoile est née ». « Cette première grande victoire propulse Noah parmi les cinq premiers joueurs mondiaux. Une nouvelle étoile du sport est née », écrit le quotidien sportif.

Noah attend toujours son successeur

« J'ai toujours envie de partager, ce n'est pas tellement que je sois comme ça, mais je pense qu'il y a tellement de gens qui le méritent avec moi. Patrice (Hagelhauer) et Jean-Paul (Loth) sont là, il y a toute la Fédération, tous ces gens qui ont travaillé avec moi depuis très longtemps et je pense que c'est un peu le fruit de tout ce travail en commun que cette victoire à Roland-Garros. J'espère que derrière ça suivra, que ça donnera de l'ambition à d'autres jeunes parce que ce n'est pas parce qu'on est Français qu'on perd en finale ou qu'on fait de bons résultats de temps en temps, on peut également gagner. Et je pense qu'on l'a prouvé tous ensemble aujourd'hui », confiera Noah qui donnera ce jour-là des envies de petite balle jaune à une certaine Amélie Mauresmo.

Noah dédie sa victoire à sa famille, son clan, à la France et également à son deuxième pays : le Cameroun, dont il porte les couleurs au poignet droit. Le président de la République François Mitterrand lui adresse ses félicitations par télégramme. Noah devient alors le cinquième représentant tricolore à remporter les Internationaux de France après René Lacoste, Henri Cochet, Jean Borotra et Marcel Bernard. Depuis, il attend toujours son successeur. Que ce soit à Roland-Garros, ou en Grand Chelem tout court. Henri Leconte a bien atteint la finale à Paris en 1987, mais Wilander l'a terrassé. Sébastien Grosjean, Gaël Monfils et Jo-Wilfried Tsonga se sont arrêtés en demi-finales dans la capitale, tandis que le dernier a subi la loi de Novak Djokovic en finale de l'Open d'Australie en 2008, comme Arnaud Clément en 2001 (défaite contre Andre Agassi). Cédric Pioline a lui raté la dernière manche devant Pete Sampras à l'US Open 1993 et Wimbledon 1997.

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