Quand Lavillenie a fait tomber Bubka

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le samedi 26 juin 2021 à 10h56

Le 15 février 2014, Renaud Lavillenie battait le record du monde du saut à la perche et effaçait la barre mythique de Sergueï Bubka en franchissant 6,16 m. Retour sur ce moment mémorable du sport français.

Ahurissant, inconcevable, extraordinaire, inimaginable, fabuleux, invraisemblable, prodigieux, impensable, magnifique. Ce samedi 15 février 2014, les qualificatifs sont légion. Le monde du sport vit un séisme. Le record de Sergueï Bubka vient de tomber. Oui, ce fameux record du monde du saut à la perche que l'on pensait imbattable. La marque de l'Ukrainien tenait depuis vingt-et-un ans. Une éternité. Et c'est un Français qui vient de l'effacer ! Renaud Lavillenie frappe un énorme coup en améliorant le chiffre d'un centimètre.

Et, aussi incroyable que cela puisse être, l'athlète français signe son exploit sur les terres de l'ancien roi de la perche. Il franchit 6,16 mètres en salle à Donetsk, en Ukraine ! Là même où le tsar de la discipline avait établi son dernier record planétaire, le 21 février 1993. Quoi de plus beau pour effacer la barre mythique ? L'effet est retentissant en cet hiver 2014, d'autant que Lavillenie réussit sa prouesse dès son premier essai.

Lavillenie Champion olympique en 2012

Durant cette saison hivernale, le natif de Barbezieux-Saint-Hilaire affiche un état resplendissant. Avec un saut à 6,04 m à sa première tentative à Rouen, il bat son record de France en salle avant de rater ses trois essais à 6,16 m. Puis il réalise 6,08 m à Bydgoszcz en Pologne. Il débarque à Donetsk sûr de sa force. Depuis plusieurs saisons, c'est lui le maître de la perche. Champion d'Europe en salle en 2009, il a franchi les 6 mètres pour la première fois cette année-là. La saison suivante, il est devenu champion d'Europe en plein air avant d'obtenir la consécration à Londres. En 2012, il a été sacré champion olympique avec un saut à 5,97 m. En 2013, il a manqué le titre de champion du monde en plein air pour la troisième fois, seul grand titre qui lui fait défaut, mais peu importe, 2014 va arriver.

En forme, Lavillenie a aussi changé son planning de meetings afin d'être présent sur le terrain de son illustre devancier. Ce 15 février 2014, à Donetsk, un meeting qu'il a déjà remporté les trois années précédentes, il doit pourtant s'employer pour passer 6,01 m, marque qu'il n'efface qu'à son troisième essai, après avoir passé 5,76 m et 5,91 m au premier essai. Il demande ensuite que l'on place la barre quinze centimètres plus haut...

Sous les yeux de Bubka qui le félicite chaleureusement

La perche bien droite devant lui, Lavillenie entame sa course, encouragé bruyamment par l'assistance. Puis il s'envole dans le ciel de la salle ukrainienne. Il produit son effort, passe les jambes au-dessus de la barre puis son corps avec une petite marge. Sans la toucher. Le légendaire record, pensait-on depuis de si longues années, est tombé. Plein air et salle confondus. Depuis 2000, les règles de compétition de l'IAAF précisent en effet que les records du monde peuvent être désormais établis dans une enceinte sportive « avec ou sans toit ».

L'athlète à la tenue bleue marine écarte les bras de stupeur, incrédule. Ne semblant pas y croire, il se prend la tête entre les mains et entame une course enflammée de quelques mètres, le sourire jusqu'aux oreilles. Le diffuseur TV braque alors son objectif sur Bubka, présent dans une loge. Fairplay, le roi déchu applaudit, souriant. Quelques instants plus tard, la gloire locale descend dans l'arène et félicite Lavillenie qu'elle enlace chaleureusement. Les deux hommes s'échangent quelques mots.

Lavillenie se blesse en tentant 6,21 m

« C'était totalement incroyable ! Je n'ai jamais utilisé cette perche pour 6,16 m. Pour ma première tentative, je souhaitais réaliser le meilleur saut possible. J'ai demandé 6,16 m parce que c'est le meilleur endroit pour battre le record de Sergueï Bubka, 21 ans après son record », s'épanche le nouveau recordman du monde devant les journalistes. « C'est une performance incroyable, dans ma ville. Je suis très content et heureux pour lui. Je lui souhaite de continuer à écrire l'histoire de la perche », confie Bubka.

Quatrième français à battre un record du monde à la perche après Thierry Vigneron, Philippe Houvion et Pierre Quinon, Lavillenie a ensuite tenté d'améliorer son nouveau record sur un essai à 6,21 m. En vain. Il s'est même blessé légèrement au pied droit après avoir été violemment renvoyé par sa perche sur la piste d'élan. Le 8 février 2020, Lavillenie sera détrôné par Armand Duplantis qui passera 6,17 m à Torun. Son record aura tenu quasiment six ans. Le jeune Suédois améliorera le record d'un centimètre la semaine suivante à Glasgow dès sa première tentative (6,18 m).

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