Ali vs Foreman 1974 : Un combat de légende

Ali vs Foreman 1974 : Un combat de légende©Panoramic, Media365

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le jeudi 21 mai 2020 à 13h24

Le 30 octobre 1974 à Kinshasa, Mohamed Ali signait son retour au sommet en prenant le meilleur sur George Foreman, alors champion du monde des poids lourds, grâce à une tactique surprenante mais décisive. Un combat mythique resté dans toutes les têtes.

Cela demeure l'un des plus grands combats de l'histoire de la boxe. Une joute qui remonte à presque 46 ans, déjà. Pour certains, c'était comme hier, sans doute. Les plus jeunes en ont peut-être entendu parler ou en ont peut-être aperçu quelques bribes sur les réseaux sociaux. Il y avait eu les Ali contre Frazier puis il y eut l'affrontement entre Ali et Foreman. Un duel qui a même eu droit à son documentaire intitulé « La bagarre dans la jungle » (oscarisé en 1996), nom donné à cette affiche prestigieuse qui s'est tenue le 30 octobre 1974 à Kinshasa.

Pour que ce combat se tienne entre l'ancien champion du monde des poids lourds, probablement le meilleur boxeur de tous les temps, et le tenant du titre, un colosse qui semble alors invincible, au cœur de l'Afrique, dans la capitale d'alors du Zaïre, ancienne dénomination de l'actuelle République démocratique du Congo (RDC), il a fallu que plusieurs éléments s'imbriquent. Ce qui a évidemment pris un certain temps.

Il faut mettre au moins 5 millions de dollars sur la table pour ce "combat du siècle"

L'histoire prend corps près de deux ans plus tôt. « Le combat du siècle » naît peut-être un jour de janvier 1973. Loin de Kinshasa, à Kingston, en Jamaïque. Champion du monde en titre de la catégorie reine de la boxe, les poids lourds, George Foreman domine Joe Frazier, un de ses rivaux d'envergure. Dick Sadler, manageur et entraîneur de Foreman, savoure la victoire de son poulain et lance une idée en forme de boutade. Foreman affrontera Mohamed Ali, l'ancien champion de la catégorie à une condition : si quelqu'un est prêt à mettre au moins 5 millions de dollars sur la table.

Une somme faramineuse à l'époque, totalement indécente. Mais l'incroyable concept fait son chemin. Un an plus tard, Mohamed Ali qui a amorcé sa reconquête vers les sommets prend une belle revanche sur Joe Frazier, le premier à l'avoir vaincu en 1971. Un autre manager, un certain Don King, homme excentrique au passé sulfureux, prend au mot Sadler avec le désir de frapper les esprits. Le futur impresario de Mike Tyson propose un Championnat du monde Ali-Foreman avec à la clé 5 millions de dollars pour chacun des deux boxeurs.

Mobutu offre d'accueillir le "combat du siècle" entre Mohamed Ali et George Foreman

Les cachets appréciés et validés, il faut encore trouver les financements idoines. En rencontrant par hasard le président Mobutu Sese Seko lors d'un voyage au Moyen-Orient, Ali va faciliter les choses. Au pouvoir depuis 1965, Mobutu voit les choses en grand et propose à l'ancien maitre des lourds une exhibition. Ali évoque alors le fameux projet de championnat du monde contre Foreman que le chef d'état offre rapidement d'accueillir. Voilà un moyen de faire la promotion de son pays...

Le choix de la capitale zaïroise étonne mais en pleine période d'affirmation du Tiers monde et des peuples noirs, Ali le militant, très populaire chez les Africains, est ravi. Cela revêt une portée symbolique et politique. Une première date est annoncée : le 25 septembre 1974 à 3 heures du matin. Ali et Foreman débarquent au Zaïre dans la première quinzaine de septembre, effectuent leur entraînement et suscitent un incroyable engouement.

Ali : « Je danse comme un papillon et je pique comme une abeille »

Fidèle à son personnage, Ali séduit les locaux et multiplie les déclarations fracassantes comme la célèbre « Je danse comme un papillon et je pique comme une abeille » Il lance aussi : « Pour ce combat, j'ai lutté avec les alligators. Je me suis battu avec une baleine. J'ai mis les menottes à un éclair, j'ai jeté le tonnerre en prison. Vous savez, je suis mauvais. J'ai tué un rocher, blessé une pierre, envoyé une brique à l'hôpital. Je suis si méchant que je rends la médecine malade ! Je suis si rapide que je peux traverser un ouragan sans me mouiller. Quand il me verra, George Foreman paiera sa dette. Je peux noyer une gorgée d'eau et tuer un arbre mort. Attendez et vous verrez Mohamed Ali ! »

Ali, anciennement appelé Cassius Clay avant sa conversion à l'islam à l'âge de 22 ans, est apprécié pour son engagement dans la lutte contre la ségrégation et son refus d'aller se battre au Vietnam. Lorsqu'il effectue son jogging dans les rues, il est chaleureusement encouragé. « Ali, tue-le ! », lui lance-t-on en évoquant Foreman. Débarqué du Texas, le champion en titre a lui aussi ses partisans, même s'ils sont moins fournis.

Ali se réfugie dans les cordes !

L'événement est considérable et beaucoup d'Afro-Américains se déplacent au Zaïre pour assister au choc, d'autant qu'un festival de musique est organisé en marge du combat. Les célébrités présentes sont fourmillantes : James Brown, B.B. King, Celia Cruz, Carlos Santana, The Spiners, Manu Dibango... Durant trois soirs, c'est la fiesta au stade du 20 mai. Cependant, un petit accroc survient. Foreman, qui s'entraîne en frappant au sac et en martyrisant ses sparring partners alors qu'Ali court pour renforcer son endurance et s'entraîne à encaisser des coups violents avec son ami Larry Holmes, se blesse. Le combat est reporté au 30 octobre.

Puis le grand moment arrive enfin. Agé de 32 ans, Ali ne part pas avec les faveurs des pronostics face à Foreman, 25 ans, mais la foule zaïroise l'encourage massivement. Tant attendu, le combat débute par une surprise de taille dans la chaleur moite de Kinshasa. Les 100 000 spectateurs chauffés à blanc sont saisis : Ali se réfugie dans les cordes du ring ! L'élément dont le meilleur coup est le jab et dont le principal atout constitue la mobilité reste sur les bords de la brûlante arène. Après avoir étudié avec méticulosité le style de son rival, Ali avait pointé son manque d'endurance. Face à un boxeur ayant gagné l'essentiel de ses combats dans les premiers rounds, Ali choisit de faire durer l'affrontement.

Ali résiste puis lance une rafale tonitruante de coups

Alors, Ali encaisse et encaisse. S'il surprend en décochant davantage de directs du droit que du gauche, l'aîné résiste dans la douleur à la violence des coups portés par Foreman et rebondit contre les cordes. Ali harangue son rival : « C'est ton meilleur coup George ? Tu n'as que cela à m'offrir ? Tu es une fillette ! » Le champion en titre domine mais est contraint d'aller au-delà des cinq rounds. Durant les sept premiers épisodes du combat, il continue de cogner dur mais il se fatigue sans véritablement réussir à ébranler son vieil opposant qui riposte par de nombreux enchaînements. Foreman a le visage enflé à l'attaque de la huitième reprise quand Ali lance une rafale tonitruante de coups qui va s'avérer irrésistible.

Ali envoie Foreman au tapis. Tel un pantin désarticulé, George Foreman, pourtant sept ans plus jeune, s'écroule. Compté K.-O, il se relève une seconde trop tard. Mohamed Ali triomphe et reprend son titre, dix ans après son premier combat contre Liston ! Devant une foule déchainée, Ali tient sa revanche et son retour au sommet. Il jubile : « Rampez connards de journalistes, je vous avais dit que ce type n'était rien ! » De son côté, Foreman confie ses regrets : « J'ai commis l'erreur de prendre trop de risques avec Ali qui est un maître en matière d'obstruction. Je me suis épuisé à le frapper sans résultat positif. Après cinq reprises, je me suis senti sans force. Mohamed Ali avait tout le pays pour lui ».

"The Rumble in the Jungle", la plus grande victoire tactique de Mohamed Ali

Après le combat choc, surnommé "The Rumble in the Jungle" ou "Le combat dans la jungle", Ali savoure : « Foreman est fort et puissant mais ce n'est pas un grand boxeur. Il est trop rudimentaire et manque complètement d'intelligence de ring. Il ne m'a jamais touché sérieusement. Joe Frazier m'a donné plus de mal. Je vais poursuivre ma carrière et défendre mon titre mondial. » « The Greatest », disparu en 2016 à 74 ans, signe alors sa plus grande victoire tactique et conservera son bien jusqu'au 15 février 1978 et sa défaite à 36 ans contre Leon Spinks.

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