Vendée Globe / Attanasio : " Il faut absolument que je finisse "

Aurélie SACCHELLI, Media365, publié le mercredi 21 octobre 2020 à 00h09

Quinzième du Vendée Globe en 2016-17, Romain Attanasio (43 ans) sera de nouveau au départ le 8 novembre prochain, à la barre de Pure - Best Western. Le skipper s'est confié à notre site sur ses doutes en cette année 2020 si particulière et ses objectifs.

Romain Attanasio, où en sont les préparatifs à moins de trois semaines du départ du Vendée Globe ?
Ça y est, on est dans la marmite (rires), depuis lundi et l'ouverture du village. On va vivre les trois semaines les plus « horribles » de chaque départ de course. On n'est plus trop maître de notre emploi du temps, on nous dit « il faut faire ci, il faut faire ça ». Nous, on est déjà un peu dans notre course, on est déjà un peu partis, donc on commence à oublier des trucs et avoir un peu la tête ailleurs. Ce n'est pas une période très simple à gérer. Et la pression monte, forcément.

Votre bateau est-il prêt ?
Le bateau va bien. J'ai la chance d'avoir un projet depuis le dernier Vendée avec mes partenaires. Les coups durs de cette année, on a pu les absorber assez facilement, car on était déjà prêts.

Justement, cela doit être un soulagement d'être au départ, car la tenue du Vendée Globe en 2020 a longtemps été incertaine...
Carrément ! On a fait beaucoup de lobbying au téléphone pendant les mois de confinement. On était assez solidaires au sein de l'Imoca, la classe qui régit les bateaux du Vendée Globe. On avait des réunions tous les vendredis et on est restés assez unis. Il y a un petit pourcentage de la flotte qui a voulu repousser le départ. Ils étaient peu nombreux mais ils ont fait beaucoup de bruit. Mais bon, on a dit que la course était en novembre, qu'on partait à huis clos. Ça fait 40 ans qu'on nous reproche d'avoir un sport qui se court à huis clos, on va pouvoir en tirer profit cette fois-ci. Il fallait que ça se court, car on ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. On nous promet une année 2021 difficile. Là, les budgets étaient réunis. On s'est dit qu'il y aurait plus de dégâts à repousser qu'à partir maintenant. Ça a été beaucoup de travail avec les organisateurs, avec les autres coureurs, pour monter ça. On est là, et ce n'était pas gagné.

Avez-vous pu rattraper le temps perdu pendant le confinement ?
Finalement, c'est l'année où on aura le moins navigué... On a mis le bateau à l'eau fin juin. D'habitude, on navigue un mois et demi avant ça. Tout a pris du retard. En plus, c'est l'année où les partenaires sont encore plus présents sur le projet que d'habitude, il faut faire naviguer tout le monde. On a fait moins de courses, avec l'annulation de la Transat vers New York. Ce n'est pas l'année pour aller aux Etats-Unis... Personnellement, ce n'est pas un problème, car j'ai fait deux Jacques Vabre et une Route du Rhum avec ce bateau.

Attanasio : "100 jours à se demander à quel moment tout va nous péter à la tronche"

Comment se déroule le protocole sanitaire aux Sables d'Olonne ?
On a dû arriver avec un test négatif de moins de 72 heures. On a fait un test à Port-la-Forêt. Avec quatre bateaux, ça représentait une quarantaine de personnes à tester. Ensuite, on est parti en convoyage, et on a dû présenter le test pour avoir notre accréditation. Ensuite, il y a 5 000 personnes sur le village au lieu de 100 000. On aura un confinement obligatoire les sept derniers jours, avec un test à J-7 et la veille du départ. Et c'est chaud, car si on est testé positif, quels que soient les symptômes, on n'a pas le droit de partir.

C'est une grosse épée de Damoclès au-dessus de votre tête...
C'est sûr ! Les grosses équipes peuvent se permettre de mettre leur skipper à l'abri, certains vont faire les quinze derniers jours ailleurs qu'au village. Moi, c'est plus difficile. Je fais gaffe. De toute façon, c'est masque obligatoire dans tout le village, mais aussi toute la ville. On ne fait plus de visites du bateau comme avant, où on avait une heure tous les jours pour que les partenaires viennent visiter le bateau. Maintenant, ils restent sur le quai. Les séances de dédicace, c'est à deux mètres des gens, avec du gel tous les dix posters. Mais c'est le prix à payer pour avoir un départ de course.

Quel est votre objectif sur ce Vendée Globe 2020-2021 ?
Finir. C'est difficile à définir, car j'ai un bateau (construit en 2007, ndlr) qui n'est pas de la dernière génération, qui est à dérives. Il y aura cette course dans la course entre les bateaux à foils et à dérives. Il y a quatre ans, je voulais vraiment finir, je ne m'en serais jamais remis d'abandonner. J'ai réussi à repartir après avoir cassé mes safrans en Afrique du Sud et réparé. Là, ça fait trois ans que je me dis « j'ai un bateau plus performant, je vais attaquer un peu plus, quitte à risquer l'abandon." Mais plus le départ approche, moins je me dis ça. Je me dis qu'il faut absolument que je finisse, c'est tellement incroyable de boucler ce parcours. Ce n'est pas évident de placer le curseur, car il faudra attaquer pour être dans le groupe des bateaux de cette génération, mais en même temps c'est un tour du monde, et on sait quand on part qu'il n'y en a que la moitié qui vont arriver. J'ai pris de la nourriture pour 100 jours, car je vise entre 80 et 90 jours mais il faut prévoir s'il y a un coup dur.

Qu'avez-vous retenu de l'expérience d'il y a quatre ans ?
Disons que je sais là où c'est dur. Je sais ce qui est délicat, dangereux, là où il faut faire gaffe. Le Vendée, ce n'est pas que c'est dur physiquement, même si on dort peu, le bateau est gros..., mais c'est plus dans la tête que c'est difficile car on passe 100 jours à se demander à quel moment tout va nous péter à la tronche et où on va être obligé d'abandonner. Surtout qu'on peut casser quelque chose sur le bateau, mais aussi taper quelque chose qui est dans l'eau. La dernière fois, après avoir réparé mes safrans, pendant trois jours je me tenais tout le temps. Il a fallu que je fasse un travail sur moi, pour me dire que ça ne servait à rien n'avoir peur. Donc quand on passe la ligne d'arrivée, c'est un peu la délivrance, plus rien ne peut nous arriver.

Attanasio : "Je n'osais pas appeler mes petits partenaires pendant le confinement"

Vous avez réussi l'exploit de trouver un co-partenaire-titre, qui plus est dans le domaine hôtelier, en plein confinement. Comment avez-vous fait ?
C'est un projet que je menais avec Best Western depuis le début de l'année. On avait commencé les échanges en janvier-février. J'avais rendez-vous avec eux le vendredi 13 mars, quatre jours avant le confinement. Le rendez-vous a été annulé, je suis reparti. Il s'est passé un mois un peu flottant, et puis on s'est recontacté, et ils m'ont dit qu'ils voulaient continuer. Ils ont dit « on arrête plein de choses mais ça on veut vraiment le faire ». Le patron, comme celui de Pure, mon autre partenaire-titre, dit qu'au contraire c'est pendant la crise qu'il faut communiquer. Ce sont des boites solides, c'est le moment de marquer le coup. C'est pour ça qu'on a pas mal communiqué là-dessus, je trouvais que c'était un message très positif, notamment pour mes copains-concurrents. C'est vrai que pendant nos réunions du vendredi, on s'inquiétait en se disant « on va être les premiers à être touchés ». Mais non. Et d'ailleurs, d'autres partenaires sont venus chez d'autres concurrents.

Et vos autres petits partenaires, ils sont tous restés ?
Oui, et ça a été super. Au début, après trois semaines de confinement, je me suis dit « je vais rappeler tout le monde », je n'osais pas, j'avais peur que les chefs d'entreprise me disent « désolé, ça va pas le faire ». Mais toutes les entreprises m'ont dit : « ne t'inquiètes pas, prépares ton bateau et nous on s'occupe du reste ». Ça a vraiment été une aide précieuse.

Sur ce Vendée Globe, vous serez en concurrence avec votre femme, Samantha Davies (Initiatives-Cœur), c'est forcément particulier...
Oui, c'est particulier mais c'est plus dans l'organisation que c'est difficile. Partir tous les deux, c'est chaud. C'est là qu'on se rend compte vraiment de l'importance des conjoints, pour gérer l'intendance, ne serait-ce que pour gérer la maison qu'on loue avant le départ. En général, le skipper part sans se soucier du reste, et la femme ou le mari gère les poubelles, la remise des clés au propriétaire... Ça demande un peu plus d'organisation.

Comment cela va-t-il se passer avec votre fils de 9 ans ?
Les grands-parents viennent à la maison pour s'occuper de lui. Lui, sa vie ne change pas, c'est ça qui est important. Il a l'habitude. C'est un peu plus long que d'habitude, mais il est un peu plus grand. Il en entend un peu plus parler, il voit bien que c'est plus gros que d'habitude. On lui explique tout. Il fait de la voile le samedi. Il fait de l'optimiste en club depuis l'année dernière et il est passé du club « promotion » au club « performance » après trois semaines de reprise. Il aime ça aussi. Je pense qu'il est content de nous voir partir. Il était ravi d'arriver au village. Il va voir tous les bateaux, tout le monde le connait en plus, il a ses entrées (sourires).

Crédit photo : Tiphaine Puerto

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