Championnat du monde 1996 : Olivier Panis, roi de Monaco

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mercredi 27 mai 2020 à 15h28

Lors du Grand Prix de Monaco 1996, Olivier Panis avait dompté la pluie et signé une victoire d'envergure. La seule de la carrière du pilote français qui avait tiré profit de très nombreuses défections.

Dimanche dernier aurait dû se tenir le Grand Prix de Monaco. Une épreuve souvent spectaculaire qui a vu le dernier Français sacré en Formule 1. Il faut remonter assez loin pour trouver cette trace spéciale. A 1996, précisément. Mais quel est donc le dernier Français à avoir levé les bras de joie en F1 cette année-là ? Alain Prost ? et bien non, il avait pris sa retraite trois ans plus tôt, en 1993... Alors Jean Alesi ?! Non plus... Il s'agissait d'un vainqueur sacrément surprise : Olivier Panis !

Eh oui, le dernier représentant tricolore lauréat d'un Grand Prix de Formule 1 se nomme Olivier Panis. Aussi étonnant que cela puisse s'écrire, le pilote de Ligier avait su déjouer tous les éléments qui s'étaient dressés sur le tracé de la Principauté ce 19 mai 1996 pour passer la ligne d'arrivée en tête. Derrière lui, ils avaient d'ailleurs été seulement deux autres hommes à l'imiter : David Coulthard et Johnny Herbert !

Seulement trois voitures passent la ligne d'arrivée du circuit

Oui, seules trois monoplaces avaient franchi le drapeau à damiers, battant ainsi le record de l'édition monégasque 1966 (quatre). Largement perturbé par la pluie, ce Grand Prix s'était en effet mué en une véritable hécatombe et son arrivée avait été jugée deux heures après son départ. Déjouant tous les pronostics, Panis s'était montré le plus fort pour triompher des éléments contraires. Et décrocher sa toute première victoire. Un succès qui resterait unique dans la carrière du pilote alors âgé de 29 ans.

« La pluie, c'est la seule occasion où l'on peut dépasser à Monaco. Il pleuvait mais j'étais tellement en osmose avec ma Ligier ce jour-là qu'il ne pouvait rien m'arriver. J'ai pu prendre des risques. Ce que j'ai réussi aurait été impossible sur le sec », se souvenait dans L'Equipe le coureur français, auteur de la course de sa vie sur le tracé détrempé. Le matin même, Panis avait senti le podium accessible et l'avait confié à sa femme Anne. Mélange de magnifique intuition et de pressentiment furieusement prémonitoire.

Panis 14eme au départ sous la pluie

Sous la pluie, sur les coups de 14h30 ce dimanche après-midi de mai 1996, Panis s'était élancé en 14eme position sur la grille de départ. Très loin derrière Michael Schumacher, auteur de la pole position sur sa Ferrari. Vainqueur les deux années précédentes après un quintuplé d'Ayrton Senna, l'Allemand n'avait pas flambé bien longtemps en tête. Le futur septuple champion du monde était parti à la faute dès le premier tour... Un paquet d'autres concurrents avaient aussi déchanté.

Dans le brouillard de brume aveuglant projeté par les voitures devant lui, Panis ne se doutait pas qu'il allait réaliser une remontée fantastique dans la prestigieuse épreuve, sixième de l'exercice 1993 après les GP d'Australie, du Brésil, d'Argentine, d'Europe et de Saint-Marin. D'autant que dans les rues de Monte-Carlo, personne ne s'était jamais imposé en partant plus loin que la 9eme place (Maurice Trintignant en 1955). Même sur une piste sèche. Mais à Monaco où il est si difficile de doubler, la pluie en offre l'occasion. Et sur sa Ligier-Mugen numéro 9, Panis allait imiter Jean-Pierre Beltoise, victorieux en 1972 dans des conditions encore plus diluviennes.

Panis 11eme au 7eme tour puis 7eme au 25eme

Avant le champion du monde Schumacher, Joe Verstappen (Arrows) avait flanché dès le début à Sainte-Dévote. Puis c'était au tour de Rubens Barrichello (Jordan) de renoncer à la Rascasse. Dans la montée de Beaurivage au 7eme tour, Panis, sur la seule Ligier encore en course puisque Pedro Diniz avait percuté les rails à la sortie de la chicane du port, avait attaqué et doublé Martin Brundle (Jordan) pour se hisser en 11eme position.

Le Français avait ensuite gagné un rang suite à l'abandon de Gerhard Berger (Benetton) sur panne de boîte de vitesse au 10eme tour. Il était passé 9eme en faisant un petit pont à Mika Häkkinen (McLaren) au 16eme tour. L'accrochage entre Heinz-Harald Frentzen (Sauber) et Eddie Irvine (Ferrari) lui avait permis d'être 8eme. Au 25eme tour, Panis avait surpris l'autre Sauber pilotée par Johnny Herbert à l'intérieur de l'épingle du Loews. Il était 7eme de la hiérarchie avant le séchage total de la piste.

Son écurie Ligier l'arrête au moment idéal et les slicks créent de belles différences

Au moment de la ronde des retours au stand pour ravitailler en carburant et passer aux pneus slick (lisses), Panis avait été le seul à avoir grignoté des places en doublant sur la piste. Déjà du bon boulot. Du bel ouvrage comme allaient produire les mécanos de l'écurie tricolore. Au 30eme tour, quand toutes les monoplaces encore en course se retrouvaient à égalité de pneumatiques sur un tracé de moins en moins humide, Panis avait encore gagné trois positions. La Ligier était 4eme devant David Coulthard (McLaren), Jacques Villeneuve (Williams) et Mika Salo (Tyrrell) ! Panis s'était arrêté au moment idéal et les slicks avaient créé de belles différences.

Derrière Irvine, Panis avait trépigné et réglé l'affaire en trois tours. Pas le choix, il était passé en force à l'épingle du Loews, le seul endroit possible où le pilote Ferrari rentrait large selon le Français. Irvine avait tiré tout droit, Panis était ressorti de l'épingle au contraire du Britannique. Aujourd'hui, Panis aurait probablement été sanctionné sur ce contact qu'il avait provoqué, mais c'était il y a 25 ans avec d'autres règles...

Panis en tête-à-queue mais évite l'accident, la bonne fortune lui sourit !

Panis s'était retrouvé 3eme de la course. Mais très loin derrière Damon Hill (Williams), leader tranquille depuis le feu vert, et Jean Alesi (Benetton), prudent 2eme. Les rebondissements étaient encore à venir. Tandis que le moteur Renault du futur champion du monde britannique avait explosé à la sortie du tunnel, le Français avait dérapé en glissant sur l'huile déversée sur la piste ! Il était parti en tête-à-queue dans l'échappatoire de la chicane du port. Rude coup du sort, pensait-on. Plus de peur que de mal finalement, ouf !

Panis avait relancé sa voiture et la chance lui avait encore souri. Deux fois précisément, rien que ça ! Contraint à l'arrêt forcé, Hill avait donc dû céder. Puis à son tour, Alesi avait abandonné à 16 tours de l'arrivée. « Une fois en tête et après avoir passé les pneus pour le sec, j'avais une trentaine de secondes d'avance et je m'étais mis en rythme de croisière. Mais un élément de suspension a fini par lâcher », se souvenait Alesi dans L'Equipe. Alors en tête, Panis avait géré malgré l'averse qui revenait et Coulthard qui poussait au train. Et la Ligier avait gagné ! Alesi : « Ce jour-là dans ce Grand prix chaotique, incontestablement Olivier a été le meilleur. »

Panne d'essence après le podium

Le pari de partir avec le plein d'essence et de ne faire qu'un seul arrêt avait payé. De justesse. « La course a réglementairement été interrompue après deux heures de temps, trois tours avant la fin prévue, avait rembobiné Panis dans le quotidien sportif. Je n'en aurais jamais bouclé un de plus... Après la cérémonie du podium, les mécaniciens n'ont pas pu relancer le moteur. Panne d'essence ! » Depuis 25 ans, aucun Français n'a fait mieux au volant d'une Formule 1. Ces dernières années, Romain Grosjean a signé dix podiums et Pierre Gasly s'est classé 2eme du GP du Brésil 2019.

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