Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 28 janvier 2022 à 13h15
Rafael Nadal disputera dimanche sa sixième finale à l'Open d'Australie. Vainqueur une seule fois en 2009, il reste sur cinq défaites de suite, parmi lesquelles celle de 2017 devant Roger Federer qui représente bien plus qu'un simple revers.
Tout a beau avoir été dit et écrit sur cette finale de légende entre Roger Federer et Rafael Nadal, à Melbourne en 2017, on ne se lasse évidemment pas de s'y replonger. Au lendemain d'un duel féminin déjà historique entre les deux soeurs Serena et Venus Williams, pour la première fois à ce niveau depuis 2009, le Suisse et l'Espagnol ne s'étaient eux plus affrontés depuis 2011 en finale d'un tournoi du Grand Chelem. A 35 ans, c'est le grand retour de "Rodgeur" après six mois d'absence consécutifs à une blessure. Au fur et à mesure des tours, l'homme aux 17 titres majeurs - et pas encore 20 - ne cesse de répéter qu'il n'est là que pour profiter du moment. Retombé au 17eme rang mondial, il élimine trois adversaires du top 10 au cours de sa quinzaine australienne.
Les victimes se nomment Tomas Berdych au troisième tour (6-2, 6-4, 6-4), Kei Nishikori en huitièmes (6-7, 6-4, 6-1, 4-6, 6-3) et Stan Wawrinka en demies (7-5, 6-3, 1-6, 4-6, 6-3). Rafael Nadal, de son côté, n'est pas beaucoup plus en confiance lorsqu'il arrive à Melbourne. Egalement blessé en 2016, il n'est plus que le neuvième joueur mondial. Mené deux manches à une par le (très) jeune Alexander Zverev au troisième tour (4-6, 6-3, 6-7, 6-3, 6-2), il sort lui aussi d'un combat de cinq sets en demi-finales contre Grigor Dimitrov (6-3, 5-7, 7-6, 6-7, 6-4). Quand les deux mythes se retrouvent pour le titre, les attentes sont donc immenses. C'est leur deuxième affrontement en finale en Australie depuis 2009. Sur les braises encore fumantes de Wimbledon 2008, Rafael Nadal l'avait emporté (7-5, 3-6, 7-6, 3-6, 6-2), ainsi qu'en demi-finales en 2012 et 2014.
Federer : "Il a eu une place particulière dans ma carrière, il m'a poussé à être meilleur"
Dans le premier set, Roger Federer fait le break pour mener 4-3 en tenant dans la diagonale de revers et s'imposer finalement 6-4. Rafael Nadal, à son tour, breake vite d'entrée dans la deuxième manche, et prend même un double break d'avance. A 4-0 en sa faveur, il concède une fois sa mise en jeu mais tient le gain de ce deuxième set (6-3). C'est un combat de boxe pour la postérité auquel on assiste, du niveau de Mohamed Ali contre Joe Frazier en 1971. Roger Federer rend coup pour coup, en survolant le troisième set comme jamais : après avoir sauvé trois balles de break sur trois aces lors de son premier jeu de service, il termine à 6-1 après un double break dans son escarcelle. Mais "Rafa", qui n'aime rien de plus au monde que d'être poussé dans les cordes, tient à nouveau son break dans la quatrième manche pour mener 3-1 et terminer à 6-3.
L'heure est donc venue d'un cinquième set pour l'histoire. Pour la première fois de ce duel d'exception, un break ne suffira pas. En effet, Rafael Nadal s'adjuge le service du Suisse dès le premier jeu, mais ce dernier réplique en égalisant à 3-3. A 4-3, 40-40 sur la mise en jeu de l'Espagnol, le temps suspend définitivement son vol : Roger Federer, en 26 coups, remporte le plus bel échange de tous les temps, à vous tirer encore des larmes pour des dizaines d'années... Sa femme Mirka, dans le match, applaudit, tandis que même son coach Ivan Ljubcic semble groggy. Le Bâlois, divinité absolue de son sport, gagne une rencontre d'un niveau exceptionnel. Il enlève son premier titre du Grand Chelem pour la première fois depuis Wimbledon en 2012, Rafael Nadal reste à quatorze (en attendant quatre nouveaux Roland-Garros consécutifs et deux succès à l'US Open).
Le Majorquin, fidèle à lui-même et sa fameuse humilité, semble immédiatement conscient d'avoir très largement participé à écrire l'histoire, en dépit de la défaite : "Je suis content de continuer à jouer, de ressentir de la joie. C'est une grande satisfaction, je ne peux pas dire que je suis triste. J'ai très bien joué et j'ai travaillé dur pour en être là." Roger Federer a beau jeu, lui aussi, de juger que "les trophées sont ce qu'il y a de moins important" : "L'essentiel, c'est de revenir et de disputer ce grand match face à 'Rafa'. Que je puisse le faire à mon âge après cinq ans sans victoire. Au cinquième set, je me suis dit qu'il fallait que je joue librement. Il fallait que je joue la balle, pas l'adversaire. Les audacieux sont récompensés. C'est extrêmement spécial."
Cette 36eme de leurs 40 confrontations disputera à tout jamais, dans l'histoire, son impact à celui de leur 18eme, à Wimbledon en 2008 (Rafael Nadal avait été titré à 22 ans, dans l'obscurité de la nuit tombante, 9-7 au cinquième set). "Il a eu une place particulière dans ma carrière, il m'a poussé à être meilleur, conclut Roger Federer. Jouer contre lui, c'est mon plus grand challenge." Voilà ce qui fait aussi, et fera toujours, le grand drame de Novak Djokovic. Pour des raisons de timing, mais pas seulement, cette rivalité est inégalable. Pour beaucoup, pas loin d'une immense majorité, elle maintiendra inévitablement la cote de popularité du Serbe en dessous de celle de ses deux éternels rivaux. Qui, ce soir du 1er février 2009, ont sans doute refermé leur légende commune de la plus belle des manières.