Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mardi 14 avril 2020 à 10h49
Au terme d'une finale à couper le souffle, Rafael Nadal empochait son premier Wimbledon en 2008 aux dépens de Roger Federer qu'il dominait pour la première fois à Londres.
Les matchs les plus saisissants de l'histoire du tennis masculin ? Probablement le Borg-McEnroe de Wimbledon 1980, le fameux épisode interminable entre Mahut et Isner lors du Wimbledon 2010, quelques Nadal-Djokovic et évidemment une poignée de Federer-Nadal. Les deux joueurs au palmarès les plus fournis en Grands Chelems (20 sacres pour le Suisse, 19 pour l'Espagnol) se sont affrontés quarante fois (Nadal mène 24 victoires à 16). Le dix-huitième affrontement est sûrement le plus abouti avec la finale de l'Open d'Australie 2017 et la finale de Rome 2006. C'était en 2008 à Wimbledon.
Comme les deux années précédentes, les deux rivaux se retrouvent en finale sur le splendide gazon de Londres. Les revoilà pour l'explication finale dans un tournoi du Grand Chelem pour la sixième fois. Un record. Federer (âgé alors de 26 ans), numéro 1 mondial, n'a laissé que des miettes face à Dominik Hrbaty (6-3, 6-2, 6-2), Robin Söderling (6-3, 6-4, 7-6), Marc Gicquel (6-3, 6-3, 6-1), Lleyton Hewitt (7-6, 6-4, 6-2), Mario Ancic (6-1, 7-5, 6-4) et Marat Safin (6-3, 7-6, 6-4), tous évincés en 3 manches. Dauphin de l'horloger suisse au classement ATP, Nadal (22 ans) a également déroulé contre Andreas Beck (6-4, 6-4, 7-6), Ernests Gulbis (6-2, 7-6, 6-3), Nicolas Kiefer (7-6, 6-2, 6-3), Mikhail Youzhny (6-3, 6-3, 6-1), Andy Murray (6-3, 6-2, 6-4) et Rainer Schüttler (6-1, 7-6, 6-4).
Nadal écrase Federer en finale de Roland-Garros et progresse sur herbe
Federer, qui a pris le meilleur sur son rival au All England Club en 2006 (6-0, 7-6, 6-7, 6-3) et 2007 (7-6, 4-6, 7-6, 2-6, 6-2), est favori. Sur l'herbe qu'il affectionne particulièrement, il demeure sur cinq couronnes consécutives dans la capitale britannique. Sur gazon, il est au-dessus du Taureau de Manacor qui domine, lui, sur terre battue. Comme les trois saisons précédentes, Nadal a d'ailleurs vaincu « Fed » à Roland-Garros quelques semaines auparavant. La troisième fois d'affilée en finale. En 2008 Porte d'Auteuil, l'Espagnol a même infligé une raclée à son concurrent (6-1, 6-3, 6-0).
Le 18ème Federer-Nadal, le 6ème en finale d'un tournoi du grand chelem
Les bookmakers penchent toujours vers Federer avant la finale, mais Nadal s'est beaucoup amélioré sur herbe. Le quadruple lauréat de Roland-Garros progresse sur cette surface rapide où son coup d'œil fait merveille à la fois sur les retours et passings. Son service est aussi plus performant, sa volée est très correcte. Le pur terrien de base vient de remporter le tournoi du Queen's et croit fermement en ses chances d'accrocher à son tableau de chasse un premier Wimbledon. Il ne se doute pourtant pas des circonstances exceptionnelles dans lesquelles il va parvenir à terrasser Federer sur la surface verte. Ce match va entrer dans l'histoire du sport et du tennis. Voici pourquoi...
"Rafa" mène deux sets à rien puis Roger recolle
Ce 6 juillet 2008, la finale commence avec 35 minutes de retard. Tout de blanc vêtus, Wimbledon oblige, les deux meilleurs joueurs de la planète débutent un match d'anthologie. La journée va être longue mais tellement belle. Avec son pantacourt, Nadal signe un meilleur départ. Mieux entré dans le coup, l'Espagnol, plus complet sur l'herbe ralentie, fait mal à Federer et remporte le premier set (6-4). Pour la première fois, il est devant, le dernier dimanche de Wimbledon. « Rodger » réagit dans le second set et se détache pour mener 4-1. Il tourne plus souvent son revers et monte davantage au filet. Mais « Rafa » aligne cinq jeux consécutifs et rafle la mise (6-4, 6-4). Sur la lignée des 3 derniers affrontements à Monte-Carlo, Hambourg et Roland-Garros, il domine.
Vexé, Federer va pourtant revenir après une première interruption de 80 minutes due à la pluie à 5-4 en sa faveur. Eh oui, il n'y a pas encore de toit sur le troisième Grand Chelem de la saison. Le Suisse arrache le jeu décisif du troisième opus (7-6, 7 points à 5). La quatrième manche aboutit à un nouveau tie-break. Il est à couper le souffle. Nadal mène 5-2 et a deux services pour conclure. Patatras, il commet une double faute puis son adversaire accélère deux fois avec efficacité en coup droit. Federer, qui rate une balle de set à 6-5 sur un coup droit décroisé envoyé dans le couloir, va écarter deux balles de match. La première sur un service extérieur gagnant, la deuxième sur un incroyable passing de revers long de ligne. Un coup droit gagnant après avoir pris de vitesse Nadal suivi d'un service gagnant et le Suisse égalise (7-6, 10 points à 8) dans une ambiance du tonnerre. Le public est aux anges. La qualité de jeu est présente, le suspense aussi. Mais les ingrédients vont encore prendre plus de saveur...
Une conclusion dans l'obscurité et la fortune qui finit par sourire à l'Espagnol
A cause des gouttes d'eau, la partie est de nouveau mise entre parenthèses pour une demi-heure à 2-2, 40A sur le service de Federer, dans l'ultime manche. Lorsque les débats reprennent, le combat reste très serré, les points de toute beauté dégringolent. Plus les jeux s'égrènent, et plus la luminosité baisse sérieusement. Cependant, le duel épique se poursuit. A 7-7, Federer s'accroche. L'assistance britannique n'en peut plus. Mais le n°1 mondial finit par céder sa mise en jeu (8-7). Si ce n'est pas forcément perceptible à l'image, le match se termine quasiment grâce à la lumière de la lune. Il fait sombre sur le Central Court. Mené 0-15, Nadal attaque brillamment puis Federer réplique (30A). Sur sa chaise d'arbitre, le Français Pascal Maria savoure ces instants de légende. 40-30, troisième balle de match pour Nadal. Sur un premier service extérieur du Taureau de Manacor, le joueur suisse lâche un invraisemblable et imparable retour de revers croisé ! Divin !
La quatrième occasion va être la bonne. Après un service gagnant et 4h48 de jeu, Nadal s'écroule d'émotion sur l'herbe quand Federer propulse rapidement son attaque de coup droit dans le filet. Il est 21h16 à Londres, une heure de plus à Paris. Dans l'obscurité de la capitale britannique, les flashs crépitent, les deux joueurs se saluent au filet et Nadal s'en va fêter sa victoire dans le box réunissant ses proches. Il devient le troisième joueur à réaliser la même année le doublé Roland-Garros - Wimbledon après Björn Borg et Rod Laver. Federer n'aura converti qu'une seule balle de break sur treize opportunités. « C'est impossible d'expliquer ce que j'ai ressenti. C'est un rêve », confiera Nadal, nouveau roi du temple du tennis.