XV de France / M.Lièvremont : " Cette équipe a pris date pour 2023 "

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Guillaume MARION, Media365, publié le jeudi 24 mars 2022 à 14h33

A l'occasion du lancement de FanLivecards, la première plateforme NFT pour le rugby français, co-fondée avec son frère Thomas et Alain Roche, Marc Lièvremont, l'ancien sélectionneur du XV de France, est notamment revenu sur le Grand Chelem récemment décroché par l'équipe de Fabien Galthié.

Pouvez-vous me parler de la génèse de ce projet FanLivecards, qui fait son arrivée dans le milieu du rugby ?
Ce projet, c'est une histoire de rencontres et de passion, comme souvent dans ma vie. A la base, c'est Alain Roche et Edgard Palle qui nous ont sollicités avec mon frère Thomas. A la base, il n'était pas question de NFT, mais d'un jeu de fantasy. Jusqu'à la rencontre avec les gens de Tezos et de Nomadic Labs, dont Hadrien Zerah. L'idée était de créer la première place de marché dédiée au rugby. C'est désormais chose faite. Elle est belle, simple et très accessible. La volonté, c'était de se démarquer à propos de ce qui se fait sur les NFT, avec une démarche éco-responsable, car le blockchain est économe en énergie.

La grande différence avec vos concurrents, c'est le fait de rétribuer une partie des gains aux joueurs. C'était important pour vous ?
C'était fondamental tout simplement. Sans ça, ça ne se faisait pas. On se démarque sur ce point, ça peut déranger. On souhaitait un modèle adapté au rugby, qu'on qualifie de vertueux, qui valorise tous les acteurs. Je n'ai pas sous les yeux les contrats de nos concurrents, mais on est sur un modèle économique bien plus intéressant pour les joueurs, qui sont à 10 % de commission sur les transactions, là où ils n'ont rien ailleurs. Et les clubs sont à 30 %.

« Cette génération est vraiment irrésistible »

Quel sera l'avenir de la plateforme dans les prochains mois ?
Déjà, on va être le premier jeu de fantasy à inclure des cartes NFT. Pour le moment, il y a des ventes de cartes et dans un peu plus d'un mois, on permettra des reventes pour s'ouvrir aux collectionneurs, aux adeptes de la cryptomonnaie, aux investisseurs... On a aussi la volonté de contacter grâce aux clubs d'anciens joueurs pour faire des cartes "vintages", pour que la grande famille du rugby soit impliquée et valorisée.

Vous étiez le dernier sélectionneur à avoir réalisé le Grand Chelem avec le XV de France (en 2010), qu'avez-vous ressenti samedi soir ?
C'était une journée très particulière, car elle a démarré par une forme de cauchemar en apprenant la mort de Federico Martin Aramburu. C'était une journée chargée en émotions et évidemment largement gâchée par ça. C'est difficile en ce jour de fête pour le rugby français de se réjouir par ce parcours des Bleus, qui a été magnifique. J'étais au Stade de France, il y avait une émotion, une immense tristesse et une forme de colère par rapport à ce décès. Il y a des émotions par rapport à ce que j'ai pu vivre sous le maillot de cette équipe de France en gagnant le Grand Chelem avec des acteurs de samedi soir, comme Raphaël Ibanez et Fabien Galthié ou encore William Servat. Il y a cette génération Dupont, qui est vraiment irrésistible et qui a réalisé un grand match. On a tellement besoin de nous réjouir, de nous enthousiasmer, de nous rassembler en ce moment après tout ce qu'on a vécu dernièrement. Donc, on est heureux pour eux, car ça fait du bien.

« Ils répondent à tous les scénarii »

On a l'impression que ce XV de France sait tout faire, tant offensivement que défensivement. Cette adaptabilité constitue-t-elle son principal point fort ?
Cette équipe de France est très jeune. Elle a une marge de progression qui est très importante et il y a une échéance après laquelle on court depuis très, très longtemps. Le XV de France a pris date pour 2023 et on espère qu'elle va continuer à progresser d'ici là pour devenir irrésistible, mais cette fois en finale de la Coupe du monde. On a le sentiment qu'ils sont en train d'affirmer une identité de jeu, proche du rugby à la française. A la fois, une densité, une agressivité, un paquet d'avants, qui sont durs au mal et imprévisibles, et aussi cette qualité de contre-attaquant, cette incertitude qu'ils savent mettre. Effectivement, ils répondent à tous les scénarii. Une équipe un peu caméléon. Je pense que c'est ce que souhaitait Galthié, avec un staff extrêmement compétent. Sa caractéristique principale sur ce Tournoi, ça a été sa défense, mais ils savent jouer un très, très bon rugby avec parcimonie.

Hormis peut-être Dupont, quels joueurs vous ont impressionné ?
Ce qui est chouette avec cette équipe, c'est qu'elle rassemble. Elle est à la fois très homogène, avec un état d'esprit et du talent. C'est un bon mix entre de la force, de la volonté et de la vitesse. Et en même temps, elle est fait de profils très différents. Il y a des garçons, c'étaient des évidences, comme Romain Ntamack, qui a été biberonné aux mamelles du XV de France. Et des trajectoires comme Gabin Villière, qui nous rappelle le regretté Christophe Dominici, ou Melvyn Jaminet, qui se sont révélés au plus haut niveau en deuxième division. Et il y en a tant d'autres ! Celui qui a été magnifique aussi, c'est Grégory Alldritt, mais ils ont tous été très bons. Les paires Woki - Willemse, Fickou - Danty, Penaud - Villière aussi... Et le public ne s'y trompe pas.

« L'équipe semble hermétique à la pression »

Lors du Tournoi, Galthié a tourné avec un groupe assez restreint, dont Jalibert semble le grand perdant. Est-ce que ça peut être un souci ?
Non, ce n'est pas un souci, parce que les éléments, notamment la crise sanitaire, ont obligé Galthié à le faire élargir ce groupe. Et à chaque fois que ça a été fait, comme en novembre 2020, ça nous a permis de nous rendre compte qu'il y avait une très grande profondeur d'effectif. Les jeunes joueurs utilisés ont su répondre présent. Ça a été aussi le cas l'été dernier (en Australie). Il (Galthié) a donc une base très costaude avec beaucoup d'expérience et qui gagne depuis toujours. Et quand il y a des blessures à certains postes de Vakatawa ou d'Arthur Vincent, on a des Danty, potentiellement des Barassi, qui sont là... C'est une richesse d'effectif. Jalibert a manqué ce Tournoi, mais Ntamack avait raté celui de l'an dernier et il avait été très bon. On a un certain nombre de pépites.

On a donc toutes les raisons du monde d'être optimiste en vue de la Coupe du monde 2023 ?
Bien sûr ! Il peut se passer beaucoup de choses d'ici là. Cette équipe a battu les Blacks, elle est sur le toit de l'Europe, on est deuxième au classement mondial... On va recevoir l'Afrique du Sud en novembre, ça va être un test majeur. Si la France les bat, elle aura gagné tous les meilleurs. Donc, potentiellement, elle est capable de le refaire. Et les jeunes vont encore progresser en 18 mois. Après, une compétition, on sait à quel point, c'est compliqué. Il faudra gérer une énorme attente autour de cette équipe. On jouera en France, ça peut être un avantage ou un inconvénient. Après, elle semble hermétique à la pression. Elle a géré toutes les attentes avant l'Angleterre et a su relever ce défi. Ça montre à quel point elle a de la ressource mentale, en plus de son talent.

« Dupont, c'est le facteur X »

A environ un an et demi du début de la compétition, quels sont les risques désormais à éviter pour ce groupe ?
Sincèrement, depuis deux ans, la progression, elle est constante. Ils valident toutes les étapes, ils cochent toutes les cases. Un joueur comme Antoine Dupont, c'est le facteur X. Même s'il est encore très jeune et qu'il peut progresser, il domine tellement de la tête et des épaules. C'est rare au rugby d'avoir des joueurs aussi marquants et décisifs. Il joue à un poste clef et il est capitaine en plus, ça fait une énorme charge. Il est impressionnant, donc on en a besoin, même s'il y a d'autres joueurs comme Maxime Lucu et Baptiste Serin. Le risque, c'est toujours qu'on ait quelques blessés importants. Même s'il y a pléthore de talents, il y a toujours des garçons incontournables. Après, il n'y a pas trop de risques objectivement, si ce n'est ça. Il y a un bon dosage entre saine ambition, humilité et volonté de travailler et de persévérer. Cette équipe est formatée pour jouer deux Coupes du monde, avec 2027, vu sa jeunesse. Il y a ce sentiment de voir évoluer une équipe qui n'a jamais été aussi talentueuse. Il faut confirmer maintenant, mais ça a bien commencé samedi soir.

On a vu une histoire à propos de la possible perte du trophée suite à la fête de samedi soir. La vôtre s'était mieux passée en 2010 ?
Vous savez les troisièmes mi-temps, c'est un peu le paradoxe. Je l'ai vécu aussi avec le Bouclier de Brennus. On rêve de ramener le trophée et après on le malmène un peu en court de soirée. Il y a souvent des histoires un peu comme ça. A priori, la coupe va bien, je l'ai vue en photo à Marcoussis en bon état. Mais, effectivement, il ne faudrait pas que les trophées de rugby soient équipés de caméras, parce qu'il y a des choses qui doivent rester en troisième mi-temps...

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