Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 03 avril 2020 à 17h22
Entré dans la légende du sport français, des Jeux Olympiques et du ski, Jean-Claude Killy avait remporté trois médailles d'or aux JO de Grenoble en 1968. Un exploit considérable.
Killy. Jean-Claude. 1968. Ces trois éléments font partie de la riche histoire du sport français. Cette année-là, le skieur inscrivait son nom au panthéon grâce à un exploit d'envergure : un fabuleux triplé olympique à Grenoble. L'éclectique sportif, futur homme d'affaires et membre des instances sportives internationales triomphait devant son public sur la descente, le slalom et le slalom géant. Le mythe Killy venait de naitre. Il devenait le premier Français à décrocher trois fois l'or lors de mêmes JO d'hiver. Bien plus tard, Martin Fourcade l'imiterait en 2018.
Dans la France des Trente Glorieuses, Jean-Claude Killy occupe une place immense. Ce qui est probablement difficilement perceptible pour les générations actuelles. Le skieur s'illustrait alors « à l'époque où le football n'existait pas et où le ski prenait toute la place », disait-il. Le sommet d'une carrière sportive à seulement 24 ans avant d'emprunter une riche trajectoire, dans tous les sens du terme. Le petit douanier de Val d'Isère, où sa famille s'était installée quand il avait trois ans, allait ensuite incarner un modèle de reconversion en occupant de prestigieuses fonctions et côtoyant les grands de ce monde.
En pension chez les curés, le sport s'éloigne
Le ski a été son exutoire. Car si sa carrière a connu ses heures de gloire en 1968, sa vie a peut-être plutôt basculé en 1953. Son enfance se terminait alors brutalement à l'âge de 10 ans. En quelques mois, sa mère quittait le foyer et le petit Jean-Claude descendait la vallée en pension chez les curés. Où il tombait malade. « Un traumatisme terrible », se souvenait-il dans un coffret paru il y a quelques années. « Pour l'espèce d'oiseau qui volait sur des skis que j'étais, l'internat chez les curés était une sorte d'enterrement. J'ai réussi à convaincre mon père de me sortir de là et de me laisser tenter ma chance dans le ski. En 1959, j'ai été convoqué pour un stage de super-espoirs à Chamonix. En quatre jours, je me suis fait tellement remarquer que je me suis retrouvé avec l'équipe de France. Après, tout s'est enchaîné à une vitesse folle », confiait Killy au Temps.
Il se distingue à l'âge de 18 ans
Ambitieux, exigent et discipliné, Killy est un montagnard au tempérament fier. Cela en fera sa force. A La Clusaz en 1960, Killy remporte tous les titres de la catégorie juniors des Championnats de France puis rafle son premier grand succès lors du Critérium de la première neige de Val d'Isère en décembre 1961 à 18 ans. En 1964, il gagne sa première « Classique » à Garmisch-Partenkirchen en dominant le slalom géant de Arlberg-Kandahar. Le voilà lancé sur la voie royale.
Rien ne va lui résister. Doté d'un mental de fer mais aussi de qualités techniques et physiques très au-dessus du lot, Killy brille sur toutes les disciplines du ski alpin : descente, slalom géant, slalom et combiné. En avance sur ses concurrents, le Français invente le départ « catapulté » en déclenchant le portillon de départ en mouvement après s'être appuyé solidement sur ses bâtons. Un geste que tous les skieurs utilisent depuis qu'il l'a lancé en 1966. Son ascension est irrésistible. A Portillo en 66, le Savoyard devient double champion du monde en descente et combiné, et remporte le classement général des deux premières éditions de la Coupe du Monde en 1967 - avec notamment douze victoires et les classements de la descente, du géant et du slalom ! - et 1968 (six victoires). Il est adulé par les Américains qui le surnomment « King Killy » après la parution d'un article dans Ski Magazine USA.
Puis, viennent les fameux Jeux Olympiques de Grenoble. Sur les pistes de Chamrousse, Killy, âgé de 24 ans, va entrer dans la légende olympique et du ski en huit jours. Le vendredi 9 février 1968, il s'adjuge la descente pour huit centièmes en 1'59''93 devant son compatriote Guy Périllat et le Suisse Jean-Daniel Daetwyler ! Revenu bredouille des JO d'Innsbruck 1964, Killy confirme trois jours plus tard sur le slalom géant, sa vraie spécialité. Il est facile et prend le meilleur sur le Suisse Willy Faure et l'Autrichien Heinrich Messner. « La troisième médaille d'or, celle du spécial, sera beaucoup plus difficile », annonce alors le Français. L'arrivée du slalom, appelé aussi « slalom spécial », sera mouvementée.
La bonne fortune de "JC"
Ce 17 février 1968, le Norvégien Haakon Mjoen réalise d'abord le meilleur temps dans un épais brouillard. Mais il est disqualifié pour avoir manqué deux portes. La médaille d'or semble ensuite promise à l'Autrichien Karl Schranz qui est autorisé à refaire sa course après avoir été gêné par un homme ayant traversé devant lui et signe le meilleur temps. Il tient son titre olympique pendant seulement quelques heures... Après avoir réexaminé sa première tentative, les juges remarquent qu'il avait lui aussi manqué deux portes avant d'être gêné. Le verdict tombe : Schranz est disqualifié et Killy est encore sacré. Triple médaillé d'or, il rejoint Toni Sailer, auteur de pareil exploit en 1956 à Cortina d'Ampezzo.
Killy a tout arrêté du jour au lendemain
Un mois après la clôture de ces JO de Grenoble, Killy raccrochera. « A Grenoble, je n'avais rien calculé. Mais le soir du slalom, j'ai su que c'était fini. Et pour vous dire la vérité, j'aurais aimé une sortie plus glorieuse, à savoir mettre les skis au clou à Grenoble. Ça, ç'aurait été parfait », avouera-t-il. Personnage hors du commun, Killy a en effet tout arrêté du jour au lendemain dans sa vie. Le ski à 24 ans, comme plus tard l'hélicoptère à 60 et le CIO à 70. « Arrêter, c'est aussi se donner la possibilité de découvrir autre chose. J'ai fait ça toute ma vie : essayer de passer la tête par-dessus le mur pour voir ce qu'il y avait derrière. C'est ce qui m'a amené à faire tant de choses différentes sans savoir si j'en étais capable », confiait encore il y a quelques années celui qui aura été co-président de l'organisation des JO d'Albertville avec Michel Barnier, patron du Tour de France et du Dakar.
Qu'est-ce que le test de Killy ?
En cette période de confinement, vous avez peut-être vu passé sur les réseaux le challenge de la chaise. L'exercice de la chaise, aussi appelé "chaise de Killy", consiste à plaquer votre dos contre un mur et à positionner vos jambes en angle droit. Le but est de tenir le plus longtemps possible dans cette position sans fléchir. Vous testez ainsi la résistance de vos muscles inférieurs. A titre d'exemple, Laure Manaudou tient 3 minutes et 31 secondes dans cette position. La "chaise de Killy" est pratiqué dans de nombreuses disciplines, notamment le ski. Ce n'est donc pas un hasard si cet exercice a pris le nom de l'un des plus grands skieurs français, en hommage à son immense carrière.