Frédéric Chau : "Chang a marqué l'histoire"

Frédéric Chau : "Chang a marqué l'histoire"©Winamax/Caroline Darcourt, Media365

Aurélien CANOT, Media365, publié le jeudi 27 octobre 2022 à 08h37

Frédéric Chau (45 ans) le dit lui-même : le sport, c'est davantage qu'une passion pour cet ancien steward, mannequin et stand-upper devenu aujourd'hui l'un des acteurs les plus identifiés du cinéma français. Il parlerait d'ailleurs de sport pendant des heures, mais pas seulement. Car le jeune Français d'origine vietnamienne qui incarne Chao Ling dans la saga des "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu" est également un fou de poker. Rencontré à Bratislava dans le cadre du Winamax Poker Tour, lui qui fait partie des WIP de Winamax, il ne s'est donc pas fait prier pour étaler sur la table son amour pour les deux disciplines.



Frédéric Chau, on vous sait grand passionné de sport. Mais de quel(s) sport(s) en particulier ?
Mon père m'a d'abord inscrit au karaté alors que moi à la base, je faisais du foot et que j'avais envie de continuer d'en faire. Mais dans la culture asiatique, il y a ce spectre, cette volonté de faire des arts martiaux, donc mon père m'a incité à en faire. Il y avait aussi cette volonté de savoir se défendre. J'ai fait quatre ans de karaté jusqu'à la ceinture marron quand j'étais gamin et puis j'en ai eu marre. J'avais envie de faire ce que je voulais. L'époque du basket est arrivée avec Michael Jordan, la Dream Team, Magic Johnson, j'ai été piqué par cette envie-là. J'ai beaucoup joué sur les playgrounds. À l'époque, Adidas organisait des tournois sur ces terrains. Je regardais ces matchs, j'allais aux événements. J'avais même Canal + piraté avec un boîtier et je me levais à 4h00 du matin pour regarder les matchs, le All Star Game et surtout les finales NBA.

Avez-vous repris le foot également à cette époque ?
Du foot, j'en ai toujours fait en parallèle, mais pas vraiment en club. C'est comme le basket, il faut juste un ballon, un terrain et des amis, et c'est parti. Dans le même temps, je suis entré dans le monde du travail. J'étais steward à l'époque, je ne pouvais plus faire toutes ces activités. J'ai alors commencé le sport en salle, du cardio, de la musculation pour m'entretenir. Et un jour, je me suis inscrit à la boxe, mais non sans peur. Un pote m'a dit de venir faire de la boxe anglaise, j'étais admiratif de ce sport, et ce pote a réussi à m'engrainer dans cette discipline.

Vous dites « non sans peur »...
En fait, j'y vais mais j'avais peur de me faire casser la figure. Mais j'ai trouvé une sorte de philosophie de vie. Dans l'adversité que nous propose la vie, nous sommes obligés de la combattre, on ne peut pas se mettre sur pause. Dans la boxe, c'est pareil. Même si on est dans le coin du ring et qu'on prend des rafales de coups, on ne peut pas dire à notre adversaire d'arrêter. On doit trouver une solution pour pouvoir s'en sortir. La vie, c'est ça. Il y a par moments des moments chouettes, heureux et d'autres, difficiles. La question est de savoir comment ton mental peut affronter ces moments et ces épreuves-là. La boxe m'a beaucoup fait travailler sur cet aspect.

Avez-vous pratiqué la boxe pendant longtemps ?
Oui. Et parallèlement, je me suis passionné de films coréens. Il y a beaucoup de films d'action. D'ailleurs, après, j'ai continué et j'ai carrément écrit un film de baston. Mon prochain film ça va être ça. C'est un film dans lequel je casse la figure à tout le monde. Je rêve de faire ce genre de films depuis hyper longtemps. Avec le Covid, il y a eu ce truc, cet élément déclencheur de se dire à un moment donné : « Je vais mourir », « Je peux mourir avec tout ce qu'il s'est passé. » Du coup, je me suis dit : « Mais je vais attendre combien de temps avant de réaliser mes rêves ? ». Quand il y a eu le Covid, je me suis dit que je rêvais de faire ce film-là, et ce projet est aujourd'hui en développement. J'ai écrit le film et je suis le premier rôle. Au lieu d'attendre ce que l'on peut t'apporter et bien autant le créer toi-même. Je suis hyper content. En plus, ça allie ma passion du cinéma, mon activité, et le sport. Ainsi la philosophie de vie que je mène aujourd'hui.

A priori, vous n'aurez pas besoin de doublure de surcroît ?
J'espère que non. Ça fait un an et demi que je m'entraîne avec les plus gros régleurs cascades de France. Ce sont eux qui ont fait « Balles perdues », ils ont aussi fait des scènes dans « Bac Nord » et « Comment je suis devenu super-héros ».

La Coupe du Monde approche. Supporterez-vous les Bleus ?
Oui, clairement. La Chine, ils sont nuls. La Corée du Sud, c'est fort. Ils sont arrivés en quarts de finale d'un Mondial. Mais non, complètement les Bleus. Après, tu peux avoir des individualités très fortes mais si l'osmose fédératrice d'une équipe n'est pas là, la mayonnaise ne prendra pas et tu n'arriveras pas à en retirer quelque chose. On ne sait pas ce qu'il se passe à l'intérieur d'équipes comme le Brésil ou l'Argentine, mais je sens plus de sérénité dans ces sélections, qui sont favorites selon moi, plus que la France. Évidemment, je serai toujours derrière les Bleus, et j'espère qu'ils iront loin. On a une équipe incroyable mais, j'ai le sentiment que la mayonnaise a du mal à prendre.

Etes-vous fasciné par les superstars que sont Lionel Messi, Neymar ou leurs prédécesseurs Ronaldo ou Ronaldinho ?
Oui, car ils ont cette magie. Au-delà, du foot, ils ont un truc. Zidane, par exemple, avait un truc proche de la danse, de la grâce et en ça, on ne pouvait que l'aimer. En plus, l'humain est aussi touchant. J'ai toujours été admiratif des gens qui excellent dans leur domaine et qui ont une belle humanité. Neymar, j'ai regardé un documentaire sur lui pour mieux comprendre son quotidien, et on se rend compte que ce n'est pas évident. Il ne faut pas oublier que c'est un mec qui a été programmé pour ça, qui est adulé depuis son tout jeune âge. Après, il a beaucoup d'argent, de notoriété, donc forcément ça fait péter un câble. Surtout quand on est jeune, on n'a pas le contrôle de tout ça ni le recul. Il doit profiter de la vie mais aussi comprendre que ce qu'il fait a un impact parce qu'il est inspirant Tout ce qu'il dit a des répercussions sur des mecs qui l'adulent. Ses choix et ses mots aussi.

"Le poker ? C'est mon père qui m'a transmis le truc"

Voyez-vous en Kylian Mbappé le meilleur joueur du monde, et ce pour de longues années ?
Bien sûr, d'ailleurs, j'ai une anecdote qui en dit long concernant Mbappé. J'avais été invité par le PSG pour un gala, tous les joueurs étaient en smoking, moi aussi. J'étais arrivé un peu retard, et le gala allait commencer donc j'ai dû me mettre dans un coin. Et là, je vois tous les joueurs passer devant moi, dont Mbappé. Il avait 19 ou 20 ans, et il me voit. On se sourit. Moi, je sais qui c'est, je suis fan de lui mais j'oublie que lui aussi sait qui je suis. Il me regarde avec un air de : "Ouais je te connais, j'aime bien ce que tu fais.", et il vient direct me serrer la main. J'étais impressionné, je lui ai demandé si je pouvais faire une photo avec lui et il a demandé en même temps à faire une photo avec moi. Après, moi je suis plus un pote d'Alphonse Areola, qui était à Paris avant (et évolue aujourd'hui à West Ham, NDLR). Je le connais depuis son passage au PSG. Nous avons été présentés et ça a matché. On échange régulièrement ensemble. Je pense qu'il n'est pas mis en lumière proportionnellement à sa qualité individuelle. Ça m'embête, parce qu'à West Ham, il est numéro 2 alors que c'est un super gardien. C'est dommage, parce qu'on a tendance à beaucoup le critiquer et pas forcément à lui donner sa chance. C'est un super gardien. Je respecte beaucoup (Steve) Mandanda qui a souvent été numéro 2. Mais à un moment, j'avais le sentiment qu'Alphonse était au-dessus de Mandanda.

Vous êtes un un passionné de tennis également. Pas un excellent joueur, mais un grand fan...
J'aime bien le tennis, je vais souvent à Roland Garros. Je prends plaisir à voir les joueurs. Je suis hyper admiratif car on ne dirait pas devant notre télé mais ce sont des athlètes de malade. Ils ont une rigueur dans leur sport mais aussi dans leur hygiène de vie, leur quotidien. Je trouve ça dingue. Tout comme leur fréquence. Ils finissent un tournoi et deux jours après, ils en enchaînent un autre...  Je me demande comment ils font pour avoir cette régularité. Et aussi cette présence, car beaucoup sont pères de famille. Ça m'intéresse de voir comment ils allient ce sport, ce mode de vie et la vie de famille à côté.

Comme tout le monde, vous devez avoir pris de plein fouet l'arrivée de l'extra-terrestre Carlos Alcacaz ?
Il est assez impressionnant dans ce qu'il fait, dans ses matchs. J'aime son caractère agressif, ça change un peu. Ça me rappelle l'époque d'Agassi. Ca reste l'un de mes joueurs préférés. Après Nadal, Djokovic et Federer sont vers la fin, c'est la transition vers autre chose. C'est normal, c'est le flambeau, comme ce l'avait été avec Ivan Lendl, Jim Courier, Andre Agassi et d'autres. Il y a une nouvelle génération qui arrive et je me dis parfois que ces joueurs sont tellement forts aujourd'hui que ça va évoluer dans ce sens-là. Mais comment peut-on atteindre encore pendant dix ou vingt ans de l'excellence à ce niveau-là... C'est vraiment très fort ce qu'ils font aujourd'hui !

Plus jeune, vous adoriez Michael Chang. La passion vous vient-elle de votre père ?
Mon père est pro communautaire. Dès qu'il voit un Asiatique, il faut absolument que toute la famille regarde le truc. C'était impressionnant parce que pour resituer le truc, Michael Chang fait un mètre, il a une raquette plus haute que lui mais voilà, il est arrivé où il est arrivé. Il a gagné Roland Garros contre Ivan Lendl. Il y a aussi ce service à la cuillère.... C'est ça que j'aime, ce sont des gens qui sortent de nulle part et qui pètent des plafonds de verre et marquent l'histoire. Chang a marqué l'histoire. Que la communauté asiatique fasse ça, c'était historique. C'est un moment du tennis qui m'a marqué mais il y en a eu plein d'autres, par rapport à des personnages, des caractères, des personnalités, du jeu, des performances. J'aime le tennis sur toutes ces questions-là.

Les adieux de Roger Federer n'ont pas dû vous laisser indifférent dans ce cas...
Oui, et j'ai été très touché par une photo où l'on voit Nadal, en larmes, à côté de Federer. Il lui prend la main. On peut voir l'esprit de compétition, mais ça a été des amis, des partenaires, des confidents... On n'est pas dans leur prisme à eux mais cette photo-là, traduit une certaine émotion. On se dit que ces gens ont traversé des choses incroyables. Même si ces deux mecs étaient adversaires. Il y avait un respect mutuel récurrent.

Le sport constitue-t-il votre échappatoire première par rapport au cinéma ?
Oui mais pas que par rapport au cinéma. C'est dans mon quotidien. C'est une routine de vie que j'ai, une hygiène de vie. C'est au-delà d'une passion en fait. J'en ai besoin. Parfois, je fais du foot en salle avec mes amis. J'ai 45 ans, je commence à voir les limites de mon corps mais je prends toujours autant de plaisir. En fait, il faut que ce soit ludique. Par exemple, le sport en salle, ça me saoule un peu, mais je suis obligé car c'est le truc le plus rapide et avec le moins de contraintes. Tu as envie de faire du sport, tu prends ton sac avec tes affaires, tu vas à la salle et tu reviens une heure après, et c'est fait. Tu n'as pas besoin de monopoliser plein de gens. J'en fais de plus en plus chez moi en plus, maintenant. J'ai une routine avec des élastiques, un tapis, je fais des trucs qui durent dix-quinze minutes. Et je fais ça tous les matins. Après, ma vraie échappatoire, c'est surtout le poker.

Là aussi, est-ce votre père qui vous a initié ?
Oui, il m'a transmis ce truc-là. Dans la communauté asiatique, il y a de gros joueurs de cartes, de jeux en général. J'ai toujours eu le souvenir de mon papa qui jouait le week-end avec des gens à la maison au poker chinois, sur 13 cartes. Je me souviens que lorsque mon père jouait avec ses amis, je devais aller me coucher le soir vers 21h00. Mais quand je me réveillais à 7h00 ou 8h00, ils jouaient encore. De mon côté, j'ai toujours joué au poker avec mes amis d'enfance, surtout au poker chinois.

"Pour me pousser dans mes retranchements, il faut y aller"

Et le hold'em est arrivé...
J'ai vu des vidéos et j'ai été piqué très rapidement. Pas dans une addiction pure et dure mais j'ai aimé la stratégie que cela demande, les compétences, les probabilités, les statistiques et l'observation. Quand on est sur une table en live et qu'on joue avec des gens, on regarde les tells de comportement de nos adversaires pour voir comment ils jouent, l'historique de leur jeu, la partition, la gestuelle... Quand on prend en compte tout ça, il y a comme une sorte de « Eh, je t'ai scanné » (rires). J'ai trouvé ça assez jouissif de pouvoir déceler et gagner des coups sur son adversaire. C'est la conjugaison de tout ça qui fait que tu arrives à avoir un profil de tes adversaires.

Quel genre de joueur êtes-vous ?
Je suis plutôt récréatif. Je suis à la fois agressif mais j'ai une expérience assez large. Ça ne joue pas beaucoup sur les tournages, on n'a pas le temps. Le poker, depuis Patrick Bruel et Winamax, ça s'est vachement démocratisé. Il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à ça et effectivement dans l'univers du cinéma, des gens se retrouvent autour d'une table, après un repas par exemple. C'est quelque chose que j'ai souvent fait. J'ai pas mal joué avec Gregory Fitoussi, il y a au moins une bonne dizaine d'années, avec d'autres potes acteurs également. On allait soit chez lui, soit chez d'autres. C'est une continuité. Après, la vie fait que nous sommes pères de famille, il y a le travail, on a moins de temps. Moi, finir à 4h00 ou 5h00 du matin, je ne peux plus. Avant, je jouais beaucoup en tournois, dans les rooms. Maintenant, je ne peux plus, je suis davantage un joueur de cash game. Je ne peux plus faire des tournois. Après, pour moi, un bon joueur de poker, c'est une complémentarité entre un bon joueur de tournois et un bon joueur de cash game. Dans le cash game, il y a un aspect plus agressif qu'en tournois. Et il en faut pour jouer en tournois. Online ? Je ne suis pas trop poker online, non. En online. tu n'as que le paramètre du temps, l'historique de la position. Ça enlève quelques paramètres que moi, j'adore. Comme observer les gens et parler avec eux. Et ça, j'aime.

Parvenez vous aisément à garder votre calme à la table de poker ?
Oui, car c'est ma nature en fait, je suis assez en contrôle. Après, quand ça pète, ça pète (sic), mais c'est assez rare. Pour me pousser dans mes retranchements, il faut y aller.

Parlez-nous de votre actualité pour finir. Il y a "Notre Dame, la part du feu", qui vient de sortir sur Netflix. Vous travaillez également sur deux autres projets, dont ce film d'action que vous nous évoquiez un peu plus tôt...
Exactement. "Notre-Dame", avec Roschdy Zem et Simon Abkarian. C'est réalisé par Hervé Hadmar, qui est pour moi le meilleur show runner de France. Moi, je développe mon prochain film et d'autres projets en parallèle, dont un biopic. Je ne peux pas trop en parler mais il y a notamment une pièce de théâtre dans laquelle je jouerai. Et une série pour accompagner ça. Je me pose toujours la question de savoir si un projet va me donner du sens, si ça va me faire vibrer. Et si c'est oui, alors go ! (sic)

Dans "Notre-Dame, la part du feu", vous incarnez un journaliste...
Oui, je suis journaliste chez BFM, je m'appelle Stéphane. Je suis dans les studios, les locaux de BFM, c'était incroyable. J'ai des amis qui sont journalistes donc je les ai appelés pour savoir si c'était cohérent de parler comme ça, etc... Je joue un mec qui est en régie chez BFM. Par rapport à un évènement urgent qui peut se passer à l'extérieur, tu envoies des équipes et toi, tu es dans une sorte de tour de contrôle où tu as plein de caméras, et tu dispatches, tu orientes tes journalistes pour capter ce qu'il se passe, et en même temps ce que les journalistes doivent dire... etc... J'ai trouvé ça passionnant.

L'année dernière était sorti le troisième opus de "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" ("Qu'est-ce qu'on a tous fait au Bon Dieu ?") qui vous avait révélé au cinéma, en 2014. Dans ce numéro 3, les parents de Chao Ling, votre personnage, font partie du scénario. Présentent-ils des similitudes avec vos parents à vous ?
Non, ils n'ont rien à voir. Après, il y a des similitudes, mais ce n'est pas que mes parents, c'est en général : ce côté exigeant pour ses enfants et la rigueur que l'on peut donner. On ne leur souhaite que du bien à nos enfants. Il y a bien sûr ce côté un peu strict. La particularité de la communauté asiatique, c'est peut-être que ce côté strict est un peu plus élevé que chez d'autres communautés. Plus exactement, il est différent. Mais c'est pareil pour tout le monde, je pense.

Des trois "Qu'est-ce qu'on a fait...", lequel avez-vous préféré ?
J'ai préféré le premier au deuxième. Et j'ai préféré le troisième au deuxième. Je mettrais le un et le trois à égalité.

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