Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mardi 26 mai 2020 à 11h45
Premier vainqueur de trois Tours de France consécutifs, Louison Bobet est entré dans l'histoire du sport en devenant l'un des premiers professionnels du cyclisme. Précurseur en termes de diététique et de préparation, le Français fut une vedette dans les années 1950, adopté par les Français en raison de son élégance et son courage.
Ils sont vingt-et-un représentants nationaux à avoir levé les bras en vainqueur le dernier jour d'un Tour de France. Louison Bobet fut l'un des plus fameux et, surtout, le tout premier à glaner trois Grandes Boucles consécutives dans les années 1950. Grosse vedette à son époque, Bobet est entré dans la légende du sport et dans le cœur du public pour son palmarès (122 victoires), son intelligence et son courage, s'inscrivant également comme l'un des premiers professionnels de son sport.
Premier grand champion français de l'après-guerre, Bobet connut un destin lumineux au milieu d'adversaires tels que Gino Bartali, Fausto Coppi et Charly Gaul, rois du vélo avant les prochains Jacques Anquetil, Roger Rivière ou Ercole Baldini. Rudement éprouvé par la Seconde Guerre mondiale, le public français retrouvait ainsi le goût de la victoire et un joli sentiment de fierté à travers la réussite d'un petit mitron breton de Saint-Méen-le-Grand.
17eme sur une première course dont il n'avait pas l'âge requis
Né le 12 mars 1925, Louis Bobet, devenu Louison par l'affection des Français, était monté pour la première fois sur un vélo dès l'âge de deux ans sur l'initiative de son père, boulanger. Il avait été rapidement à l'aise. Publiée dans « L'Ouest-Eclair », le quotidien régional, une photo le montre alors donnant ses premiers coups de pédale sans stabilisateurs dans la rue devant la boulangerie familiale. Après avoir effectué ses premières tournées à bicyclette pour distribuer le pain aux clients à 10 ans, il dispute sa première course en 1938 sur une monture offerte par son paternel. Récompense pour l'obtention de son certificat d'études à douze ans.
Bien que n'ayant pas l'âge requis, cette course réservée aux coureurs de 16 à 18 ans, Louison Bobet l'achève à la... 17eme place. A l'aise, il préfère pourtant le tennis de table, discipline dont il devient l'un des meilleurs juniors de l'Hexagone. Mais il se passionne de plus en plus pour le cyclisme et s'initie à la mécanique avec une attention spéciale portée à l'entretien de son vélo de course. Après la Guerre, Bobet devient Champion de France amateur et s'entoure d'un masseur, Raymond Le Bert, soigneur du Stade Rennais. Une association précurseuse...
Premier maillot jaune sur son deuxième Tour de France
La carrière professionnelle du jeune Bobet, qui a rejoint l'équipe Stella, débute par une surprenante victoire dans les Boucles de la Seine. Un superbe succès devant l'élite du cyclisme tricolore. Il s'échappe en début de course, devant notamment le champion de France Louis Caput puis imprime un rythme soutenu avant de placer deux attaques décisives. Vainqueur avec six minutes d'avance sur son premier poursuivant, il gagne sa place pour le Tour de France 1947, le premier depuis 1939. Pour son premier Tour à 22 ans, il assiste brillamment son leader René Vietto et s'illustre avec culot dans la montagne. Mais il abandonne, blessé au coude et au genou après une chute dans la 9eme étape. La route vers les sommets va être longue mais graduelle.
L'année suivante, Bobet enfile son premier maillot jaune. Malgré cette furonculose qui le handicapera pendant toute sa carrière, il se bat comme un lion face à l'implacable futur lauréat, Bartali, vainqueur de toutes les étapes de montagne. Il termine quatrième à Paris et reçoit l'hommage du cycliste italien qui salue son courage. La France adopte ce Louison Bobet qui, malgré la satisfaction de cette place de choix, constate un déficit de préparation et de stratégie. Un autre Italien va le secouer. Et l'aider. Fausto Coppi.
Séjour très profitable chez Coppi, poids lourd du vélo
« Louison tu as un potentiel. Tu es courageux. Mais c'est tout. Tu ne sais pas courir, tu ne sais pas t'entrainer, tu ne sais pas t'imposer et tu ne sais même pas manger. Et côté matériel ce n'est pas terrible », lui lance le grand champion transalpin qui l'invite chez lui à Novi Ligure pour quelques jours de vacances qui vont se transformer en deux semaines. Là-bas, Bobet va tout apprendre et comprendre pourquoi Coppi est tant au-dessus. Le Français écoute attentivement et va adopter de nouvelles dispositions jusqu'à la fin de sa carrière.
Dans la lignée du Campionissimo, Bobet devient un précurseur en termes de diététique et va chercher à toujours innover en termes d'entraînements, de préparation, constamment accompagné par son masseur personnel pour la récupération. Soit une approche parfaitement professionnelle du cyclisme, une révolution à l'époque. Après une année 1949 décevante, Bobet se reprend en 1950. Il devient Champion de France et prend la troisième place du Tour de France. Il y brille, conteste longtemps la supériorité du lauréat suisse Ferdi Kübler et remporte brillamment l'étape de prestige Gap-Briançon en dominant l'Izoard qui va devenir son col fétiche. Cette saison signe son renouveau. Les suivantes vont le sacrer, et le consacrer.
A sa collection, des victoires sur le Tour de France en 1953, 1954 et 1955
Même s'il ne remporte « que » l'étape du Ventoux sur le Tour dont le journal L'Equipe l'avait érigé en favori et dont il se classe finalement 20eme du classement général, Louison Bobet signe plusieurs grands succès en 1951. Il s'impose dans Milan-San Remo, décroche le maillot de meilleur grimpeur du Tour d'Italie, remporte le Tour de Lombardie et rafle un nouveau maillot de Champion de France. Il devient une vedette internationale et va désormais compiler les victoires.
Critérium national, Paris-Nice, Grand Prix des Nations, Paris-Roubaix, Tour des Flandres, Bordeaux-Paris : Bobet gagne les courses les plus prestigieuses. Mais il va surtout se hisser tout en haut de LA reine des compétitions : le Tour de France. Le Breton va rafler la mise durant trois années d'affilée de 1953 à 1955, devenant le premier cycliste à signer un triplé consécutif sur la Grande Boucle. La première fois, il devient le premier représentant national à gagner depuis Roger Lapébie en 1937 et s'impose avec plus de 14 minutes sur son compatriote Jean Malléjac. Vainqueur de deux victoires d'étape, il fait mieux en 1954 où il devance Kübler. En 1955, il l'emporte devant le Belge Jean Brankart malgré une blessure persistante à la selle et fête son triplé au Parc des Princes avec un autre Belge, Philippe Thys, dont il égale le record de trois sacres (mais non consécutifs).
Premier champion « bling-bling » et apparition d'un nouveau concurrent, Jacques Anquetil
Courageux et élégant, Bobet réussit et occupe une place de choix dans la culture populaire française. Le philosophe Roland Barthes le qualifie même de « héros prométhéen » dans son célèbre ouvrage « Mythologies ». Très pro, le Français « frime » aussi. Il roule dans de grosses berlines américaines, côtoie le gotha, profite de ses succès. Il est le premier champion « bling-bling ». Également sacré Champion du monde en 1954, il échoue pour seulement 19 secondes dans le Giro en 1957 et voit débouler un nouveau champion tricolore : Jacques Anquetil, dont la première participation sur le Tour de France s'achève aussitôt par un couronnement.
Anquetil, que Coppi désigne comme son successeur, ce qui vexe quelque peu Bobet. Après encore quelques victoires marquantes, Bobet fléchit malgré tout, le poids des ans pesant. La fin de sa carrière, annoncée en août 1962, est précipitée par un grave accident de la route. Tandis que son ami Fausto Coppi s'est éteint le 12 janvier 1960, terrassé à 40 ans par la malaria, Bobet rentre de Belgique avec son frère Jean au volant. Il subit de nombreuses fractures aux jambes et aux chevilles, après une sortie de route le 15 décembre 1961.
L'ouverture d'un centre de thalasso à Quiberon, un franc succès jusqu'à sa mort
Malgré cette issue ratée, la suite est, comme sa carrière, une franche réussite. Le champion français, qui a découvert les bienfaits de la thalassothérapie durant sa rééducation, ouvre le premier centre moderne de thalasso à Quiberon. C'est un succès et Louison Bobet se transforme en homme d'affaires qui se déplace non plus à vélo mais dans son avion personnel. Ne cessant de véhiculer des valeurs d'intelligence et de classe, Bobet s'envolait dans l'au-delà le 13 mars 1983, vaincu à 58 ans par un cancer du cerveau.