Aurélien Canot, Media365, publié le jeudi 12 octobre 2023 à 16h39
Plusieurs fois champion de France, y compris sur piste, vainqueur d'étapes sur le Tour de France, porteur du maillot jaune et élu combatif de la Grande Boucle par deux fois, Sylvain Chavanel (44 ans) a laissé un souvenir impérissable au sein du peloton, qu'il a quitté en 2018. Le Chatelleraudais, redoutable baroudeur qui ne comptait jamais ses efforts, n'était pas pour rien l'un des chouchous du public français. A l'aube du Gravel Fever Festival dont il a tracé les parcours, il se replonge pour nous dans son incroyable carrière.
Sylvain Chavanel, que retenez-vous quand vous vous remémorez votre carrière ?
C'est ma longévité. J'ai réussi à sortir la tête de l'eau sur ces longues années. Je ne me plains pas. Je suis allé chercher des victoires, des belles places d'honneur. J'ai pu aller chercher toutes les émotions qu'un sportif professionnel recherche. J'ai gagné des semi-classiques, des courses à étapes... Elles sont toutes belles mes victoires. J'ai réussi à aller chercher un titre de champion de France parce que j'étais l'un des meilleurs Français de ma génération. Je n'aurais pas été champion de France, j'aurais été frustré. Je suis content d'avoir pu être champion de France sur route, parce que quand tu fais partie des meilleurs de ta génération, la moindre des choses, c'est de finir champion de France. Et ensuite de prouver en portant ce maillot tricolore. L'un de mes meilleurs souvenirs, c'est mon titre à Boulogne-sur-mer en 2011, c'était beau. Mes enfants étaient petits, ils étaient sur le podium. Ils ne savaient pas ce qu'il se passait. C'étaient des émotions très fortes.
Avez-vous gagné tout ce que vous pouviez gagner pratiquement ?
Sauf un Monument du vélo, notamment le Tour des Flandres où j'ai fini deuxième (en 2011) ou encore Milan-San Remo (en 2013) où je termine quatrième. Ce sont des Monuments qui font partie de l'histoire du vélo. Mais ce n'est pas forcément un regret, ça fait partie de mon parcours. Je garde cette longévité, cette polyvalence sur tous les terrains. Je pouvais être présent sur des étapes difficiles, des étapes de plat, venteuses, de pluie... J'étais polyvalent. Surtout, j'étais baroudeur. Je ne crachais pas sur l'effort que je devais fournir. Je ne comptais pas mes coups de pédale.
Sur le Tour de France, vous avez tout connu également...
C'est surtout incroyable d'avoir fait autant de kilomètres devant, sur les étapes. Je n'ai pas compté le nombre de bornes mais j'en ai fait un paquet dans les échappées. À chaque fois que j'étais échappé, comme j'avais une voiture ouvreuse qui annonçait les coureurs au public, j'étais encouragé. J'étais un des premiers coureurs de l'échappée à entendre mon nom. Quand vous êtes cycliste professionnel, la popularité vient grâce au Tour de France. Surtout quand vous êtes Français. Au début de ma carrière, je n'avais pas les réseaux sociaux. J'avais créé un fan club. Après, on avait créé un genre de magazine qui s'appelait « Chava Mag » où on envoyait à tous les adhérents tout ce que je faisais sur les courses. C'était un magazine trimestriel. Tu faisais un résumé de ce que tu avais fait. Tu avais un côté qui était différent mais qui était proche, encore plus proche des gens qu'aujourd'hui.
On parle de Thibaut Pinot, de Julian Alaphilippe, mais il y avait une vraie « Chavamania »...
J'étais très, très apprécié du public. Après, je rendais bien la pareille, même si je pouvais parfois être fermé sur certaines courses parce que j'étais concentré et que je ne voulais pas me disperser. J'ai toujours été gentil avec les gens, je n'ai jamais fait ma tête de con (sic).
"J'ai encore des yeux d'enfant"
Est-ce l'amour du public qui vous a fait tenir autant d'années sur les courses ?
L'amour du vélo tout simplement. Je suis un passionné. Aujourd'hui, je fais entre 12 000 et 14 000 kilomètres par an. Je ne connais pas beaucoup de cyclistes de ma génération qui font déjà 10 000 bornes par an. Il n'y en n'a pas beaucoup. Je fais dix kilos de plus que lorsque je courrais. Je suis devenu normal, je ne suis pas gros, ni difforme, je suis normal. Après c'est sûr que pour grimper des bosses à un niveau professionnel, je suis trop lourd. Pour rouler avec mon fils, ça va largement. Même s'il me fait mal à la gueule (sic).
Votre décision était-elle irréversible ?
Oui, premièrement parce que ça me trottait dans la tête depuis quelques mois. Tu vas sur les courses, tu vois que la condition n'est pas optimale, elle est de plus en plus difficile à aller chercher. Ton pic de forme est compliqué à atteindre. Ton affûtage est plus difficile, parce que tu vieillis. Tout est plus dur quand tu vieillis. Tu récupères moins, il faut une charge de travail un peu moindre. Il faut s'adapter en fonction de l'âge aussi. Il y avait les stages qui devenaient de plus en plus compliqués. Partir pour partir, ça ne m'intéressait pas, alors que j'ai tout pour m'entraîner correctement à la maison. Aujourd'hui, les coureurs passent leur vie loin de chez eux, ils restent ensemble toute l'année, ils ne sont jamais chez eux. Ils font des stages... Moi j'ai besoin de me ressourcer et puis j'adore les routes chez moi pour m'entraîner. Il y a du vent, c'est vallonné, il y a des petites routes, tu es tranquille. Ce n'est pas la cohue. J'étais habitué à ce genre de vie, ça me plaisait.
L'évolution du cyclisme fait-elle aussi partie des raisons qui vous aient amené à tourner la page ?
Non, pas du tout. Je suis passionné, je continue à regarder. Ça me plaît toujours. Je regarde les courses de vélo, je vais sur le bord de la route pour voir les coureurs. J'aime le vélo. J'aime regarder les étapes de montagne mais j'aime aussi un Tour des Flandres, une classique. J'aime les plus « petites courses » où il y a du mouvement, où ça bouge. J'aime ce que dégage le vélo, c'est-à-dire tout ce défilé entre les voitures avant, les coureurs, les voitures des équipes... J'ai encore des yeux d'enfant. J'aime ça.