Leconte et Roland, c'était je t'aime moi non plus

Paul Rouget, Media365 : publié le mardi 01 juin 2021 à 16h40

Henri Leconte, dernier finaliste français à Roland-Garros, a entretenu une drôle d'histoire d'amour avec le tournoi parisien...

Il reste toujours le dernier finaliste français à Roland-Garros. Depuis la défaite d'Henri Leconte face à Mats Wilander en finale de l'édition 1988 (7-5, 6-2, 6-1), plus aucun représentant tricolore n'a en effet réussi à atteindre la finale des Internationaux de France. Et même si Leconte en est "super fier", c'est un souvenir douloureux qu'on lui rappelle régulièrement. "Surtout au moment de Roland-Garros. Chaque année, on te répète que je suis le dernier Français finaliste à Roland. Et toi tu te dis : «Merde, putain, j'ai raté une finale, quoi»", confiait-il y a quelques années au Monde.

"Riton" disputait alors son neuvième Roland, un tournoi parisien où il s'était invité dans le dernier carré en 1986. Une première pour lui en Grand Chelem, et il allait récidiver dans la foulée à Wimbledon. Comme en 1985, où il s'était arrêté en quarts de finale face à Wilander, il avait été battu l'année suivante par un autre Suédois, Mikael Pernfors. En 1988, Leconte, sacré en double quatre ans plus tôt aux côtés de son grand copain Yannick Noah, débarque dans la capitale en pleine confiance.

"J'attaquais sur tout"

14e mondial, il "joue bien. C'était du tennis d'attaque à outrance, service-volée, retour-volée, j'étais tranchant comme une lame de rasoir, ça passait à deux millimètres au-dessus du filet. J'attaquais sur tout. C'est moi qui faisais tout le jeu. Je faisais les points et les fautes, se souvient-il. Il fallait que j'ai beaucoup de matches dans les pattes pour pouvoir me régler, et j'avais fait une très bonne saison sur terre, avec une finale à Hambourg et une victoire à Nice. J'étais bien en phase avec mon jeu, surtout sur terre."

Il va pourtant souffrir lors des deux premiers tours, avec deux victoires en cinq sets, d'abord face à l'Australien Simon Youl (6-3, 4-6, 6-7, 6-4, 6-3) puis le Yougoslave Bruno Oresar (6-1, 6-0, 6-7, 1-6, 6-2). Tombeur ensuite de l'Argentin Horacia de la Pena (6-4, 7-5, 6-1), il affronte son premier gros client en huitièmes de finale : Boris Becker. Demi-finaliste l'année précédente, l'Allemand, déjà vainqueur à deux reprises d'un Grand Chelem (Wimbledon), va encore pousser le Français dans un long combat.

"J'espère que vous avez compris mon jeu"

Leconte s'impose à nouveau en cinq manches (6-7, 6-3, 6-1, 5-7, 6-4), et ne laissera plus filer de set jusqu'à la finale, que ce soit contre le Russe Andreï Chesnokov (6-3, 6-2, 7-6) ou le Suédois Jonas Svensson (7-6, 6-2, 6-3). Il ne pourra en revanche rien faire contre Wilander. Battu par Noah en finale cinq ans plus tôt, le Suédois, sacré à Paris en 1982 et en 1985, remporte son troisième titre après un match à sens unique ou presque (7-5, 6-2, 6-1), avec un premier acte où son adversaire a servi pour le set.

Mais si cette finale a marqué les esprits, c'est surtout en raison du discours de Leconte après sa défaite. Au micro du Central, celui qui a été sifflé par le public parisien, notamment en fin de match, lâche un fameux : "J'espère que vous avez compris mon jeu." Sa cote d'amour est alors au plus bas en France, mais elle va remonter en flèche en 1991, avec l'historique succès des Bleus du capitaine Noah contre les Etats-Unis en finale de la Coupe Davis.

Haï, puis adoré

Surnommé le «vengeur masqué» par son vieux compère, le flamboyant gaucher remporte son simple contre Pete Sampras puis le double avec Guy Forget. Et c'est donc avec un nouveau statut de chouchou du public tricolore qu'il revient à Paris en 1992, après un quart de finale en 1990 et une élimination au deuxième tour en 1991. A 28 ans, il est 200e mondial et bénéficie d'une wild-card pour entrer dans le tableau. Et les organisateurs ne vont pas le regretter.

Car si "Riton" n'a remporté que trois matchs sur terre battue avant de débarquer dans la capitale, il ne lâchera pas le moindre set jusqu'aux quarts de finale, écartant sans trembler Massimo Cierro, Jim Grabb, Michael Stich, alors dans le Top 5 mondial, et Marcelo Filippini. Mais c'est donc en quarts qu'il va encore plus gagner les cœurs, face à Nicklas Kulti. Le Suédois, tombeur de John McEnroe au premier tour puis de Michael Chang en 16es de finale, remporte toutefois les deux premiers sets, avant l'incroyable retour du Français, vainqueur de ce long combat juste avant la tombée de la nuit (6-7, 3-6, 6-3, 6-3, 6-3). Il s'inclinera ensuite face à Petr Korda pour sa troisième et dernière demi-finale en Majeur (6-2, 7-6, 6-3), puis au premier tour lors de ses trois dernières apparitions Porte d'Auteuil (1993, 1994 et 1996). Où personne n'oubliera Henri Leconte...

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