Portrait : Tambay, l'automobile à la française

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Thomas Siniecki, Media365 : publié le mardi 06 décembre 2022 à 11h00

C'est une vraie incarnation de la F1 tricolore qui a disparu en fin de semaine dernière. Patrick Tambay, un des rares vainqueurs français de l'histoire, au coeur de la génération dorée, s'était ensuite mué en consultant de renom.

Patrick Tambay, c'était d'abord un skieur. Champion de France juniors de descente en 1968, il a même connu une aventure avec l'Américaine Kiki Cutter et a été accusé de lui avoir transmis la rubéole au moment des Jeux de Grenoble. Alors, quand Patrick Tambay passe de la neige au sport automobile, la F1 n'est encore logiquement qu'un rêve très lointain. D'étape en étape, il lui a fallu attendre 1977 pour atteindre enfin le Graal. S'il enchaîne les courses chez McLaren, il est évincé en 1980 et 1981. C'est en 1982, lorsque Ferrari l'appelle, que la carrière du pilote parisien prend la tournure qui le fera entrer dans l'histoire. Le 8 août, un mois pile après le France - RFA au Mondial de football qui traumatise encore un pays tout entier, il remporte le Grand Prix d'Allemagne à Hockenheim.

On est loin de la portée du succès de Pierre Gasly il y a deux ans, puisque ce dernier mettait alors fin à plus de 24 ans de disette de la F1 tricolore. A l'époque, les victoires françaises étaient monnaie courante et Patrick Tambay venait s'intercaler entre René Arnoux, qui s'était imposé sur Renault deux semaines plus tôt au Castellet (et gagnera encore le mois suivant à Monza), Didier Pironi, Jacques Laffite, Patrick Depailler, Jean-Pierre Jabouille, et bien sûr Alain Prost. Un véritable âge d'or pour la F1 hexagonale, à cheval sur les années 1970 et 1980 - et qu'Alain Prost, au fur et à mesure, portera de plus en plus seul, mais de quelle manière... Sauf que Patrick Tambay, lui, gagnait sur Ferrari et devant Arnoux, au lendemain du grave accident de Pironi en qualifications.

Delpérier : "Sept ans de ma vie, on était quasiment tous les week-ends ensemble !"

La symbolique était énorme et assez triste. "Je pourrais lui dédier cette victoire, ainsi qu'à Gilles Villeneuve. Mais je l'offre à Enzo Ferrari pour la confiance témoignée." Gilles Villeneuve, son grand ami décédé en course seulement trois mois plus tôt, le 8 mai au Grand Prix de Belgique (en qualifications). Son fils Jacques, champion du monde 1997 et devenu consultant depuis plusieurs années sur Canal+, était son filleul. Son pote québécois ne le verra donc pas non plus obtenir sa deuxième victoire l'année suivante, à Imola. C'est celle-ci qui provoque le plus d'émotion à Patrick Tambay. Car c'est sur la piste historique du Grand Prix de Saint-Marin que Gilles Villeneuve a disputé la dernière course de sa vie, deux semaines avant sa mort en Allemagne.

Il racontait avoir fondu en larmes en voyant, sur la grille de départ, un drapeau canadien surmonté du message "Tambay, venge Gilles !" Puis, plus tard dans la course, il se disait persuadé que Gilles Villeneuve était lui-même descendu des cieux pour s'assurer de la victoire : "Soudain, j'ai senti un coup sur mon casque, un coup violent. Comme si quelqu'un me donnait une claque pour me dire 'Allez mon gars, reprends-toi !' Sur le coup, j'ai cru que j'avais heurté un oiseau, mais à l'arrivée je n'ai rien vu, aucune trace..." Sa carrière se terminera sans autre coup d'éclat chez Renault (1984, 1985) et Haas Lola (1986), mais l'histoire du père d'Adrien - devenu lui aussi pilote et premier champion du monde ETCR cette année - s'était bel et bien liée à celle de la Scuderia, provoquant ainsi l'admiration naissante et la vocation de Jean Alesi.


Vainqueur d'étape sur le Dakar en 1987, quatrième des 24 Heures du Mans en 1989, Patrick Tambay n'a jamais quitté le monde du sport automobile. Il est resté notamment consultant sur RMC durant 20 ans, même après cette maladie de Parkinson diagnostiquée en 2010 et qui a fini par le terrasser. Auparavant, il avait déjà commenté des Grands Prix sur Canal+ de 1987 à 1989 avec Thierry Gilardi, enchaînant sur La Cinq en 1991 et 1992 (avec Jean-Louis Moncet et Eric Bayle). Pionnier des retransmissions de Grands Prix de F1, il a donc enchaîné à la radio au 21eme siècle, accompagnant en particulier le retour au premier plan de Renault avec les deux titres de champion du monde de Fernando Alonso en 2005 et 2006. Il commentait alors certaines courses en direct de l'Atelier Renault sur les Champs-Elysées, en compagnie de son binôme Alexandre Delpérier.

Ce dernier lui a rendu hommage (pour RMC Sport) : "Il était la joie, mais aussi le sérieux dans le travail. Quand on commentait les courses, il avait tout lu, il savait tout. C'était quelqu'un de très simple, qui vivait très modestement : on n'est pas du tout dans le show-of de la Formule 1. Il venait dans des petits hôtels près de RMC, ou il venait dormir chez moi. C'était des moments de convivialité, de travail avec Julien Fébreau aussi qui commençait. Tous les trois, on a fait ça pendant sept ans (...) C'est sept ans de ma vie, on était quasiment tous les week-ends ensemble. Un chouette monsieur qui va me manquer, une très belle personne. Je lui ai parlé il n'y a pas très longtemps, on se parlait quatre ou cinq fois par an. Je voyais bien que ça commençait à devenir un peu compliqué."

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