Guerre en Ukraine : Le pessimisme de la seule footballeuse ukrainienne de France

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mercredi 09 mars 2022 à 23h44

Seule joueuse ukrainienne jouant en D1 à Reims, Tanya Romanenko raconte de quelle façon elle vit la guerre qui se déroule actuellement dans son pays. Un récit terriblement poignant.

Voilà maintenant 14 jours que la guerre en Ukraine a débuté avec l'invasion réalisée par la Russie de Vladimir Poutine. Alors que les sanctions pleuvent sur l'envahisseur russe, la situation demeure très préoccupante. Dans la France du football, une personne est particulièrement inquiète : la seule joueuse ukrainienne évoluant en D1, Tanya Romanenko, dont la famille est basée à Odessa.

« Je suis inquiète, car c'est la porte principale en Ukraine pour rentrer dans la mer Noire. Et pour Catherine II (impératrice de Russie de 1762 à 1796), c'était la meilleure ville. Je pense qu'ils veulent la prendre car, pour eux, ça appartient à la Russie. Ce n'est pas vrai. C'est en Ukraine », confie la latérale de Reims (7eme du classement) à L'Equipe. Son père est parti au front. « Il a été mobilisé et est parti au deuxième jour de guerre. Mon frère, lui, a un problème de vue et il a pu rester avec ma belle-soeur, qui est en train d'accoucher... C'est déjà assez de voir un homme partir », lâche avec les larmes aux yeux l'Ukrainienne dont la belle-sœur accouche actuellement. « Elle est dans un hôpital depuis dix jours et ils devaient descendre dans un sous-sol dès qu'il y avait une alerte, détaille Tanya Romanenko. Dans ce sous-sol, il y a 10 mètres sur 10, 50 personnes pour 5 lits, et les femmes qui ont accouché et ne peuvent pas être assises, car ça fait mal, sont allongées. Les autres sont assises avec les enfants. Elle m'a envoyé des photos et voir ça... ça me fait mal au coeur. »

Tanya Romanenko : « Dans ma tête, je m'attends au pire »

Les autres membres de sa famille sont dans un appartement. « Je prends des nouvelles chaque heure quasiment. Quand ça retentit, ils se réfugient dans le couloir, car il faut deux murs entre vous et la fenêtre si quelque chose arrive. Je ne sais pas comment on va faire car il n'y a nulle part où tu peux être en sécurité. C'est un cauchemar », dit-elle, prête à apprendre une mauvaise nouvelle survenir au téléphone. « Dans ma tête, je m'attends au pire, poursuit la joueuse ukrainienne de Reims de façon terrible. C'est peut-être ce qu'il ne faut pas faire. Car tu ne peux pas te préparer à ça malgré tout. Bien évidemment, tu vas être dévastée. »


L'ancien tennisman Sergueï Stakhovsky s'est engagé. Ça ne peut pas être le cas pour la joueuse de Reims, âgée de 31 ans. « Si j'avais été formée, pas de problème. Mais pour les hommes et les femmes qui n'ont jamais pris d'arme, c'est tellement dangereux. Ils deviennent une cible très facile. Si je vais dans la rue, ils vont me tuer sans problème », dit-elle de manière glaçante. Reste le ballon rond, mais c'est évidemment très délicat... « C'est compliqué. Heureusement qu'il y a le foot, ça me sauve un peu. Ça me change les idées. Mais c'est tellement dur de se concentrer... Parfois, mon entraîneure (Amandine Miquel) dit des choses, mais je pense à ça et je demande aux filles ce qu'elle a dit car je n'ai pas écouté », concède la Rémoise en riant.

« Pour moi, il faut aggraver les sanctions »

Le foot pour Tanya Romanenko, « c'est dur d'y penser, mais c'est mon travail. Je dois gagner de l'argent pour aider peut-être ma famille ou quelqu'un qui arriverait d'Ukraine. Des gens comptent sur moi. Et c'est aussi pour montrer aux gens en Russie : "Vous n'allez pas nous prendre tout ce qu'on aime le plus." Jouer au foot, c'est une façon de m'exprimer, de montrer ma force. » Et quand on lui demande ce qu'elle aimerait que les pays occidentaux fassent de plus, elle répond : « Je pense qu'on ne devrait pas avoir peur de la mort, car quand la mort arrive, on ne sent rien. Ce dont on doit avoir peur, c'est de ne pas être libre. Quand quelqu'un dit qu'il va appuyer sur le bouton nucléaire, il joue avec votre cerveau. Pour moi, il faut aggraver les sanctions. Tout le monde. Par exemple, McDonald's n'a pas retiré ses produits en Russie. Fermer le ciel pourrait être perçu comme une déclaration de guerre par la Russie. Mais donnez-nous des avions, on se protégera nous-mêmes. » A noter que 850 restaurants ont depuis été fermés temporairement.

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