L'orthopédiste du Tour raconte l'envers du décor

L'orthopédiste du Tour raconte l'envers du décor©Panoramic, Media365

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mardi 20 juillet 2021 à 10h58

Le chirurgien orthopédiste du Tour de France livre un témoignage rare dans L'Equipe, mardi. Il avait notamment dû intervenir auprès de Geraint Thomas lors de la 3eme étape.

Terminé depuis dimanche soir, le Tour de France s'est achevé par un second scare consécutif de Tadej Pogacar. A 22 ans, le phénomène slovène est amené à diriger les débats durant plusieurs années. Ce Tour 2021 avait été marqué au début par plusieurs chutes spectaculaires et inquiétantes. Des chutes qui avaient fait beaucoup parler.

« Leur tolérance à la douleur est exceptionnelle »

Ces chutes, Gilbert Versier a été amené à les traiter. Il est le chirurgien orthopédiste de la course pour la onzième année et raconte mardi matin dans L'Equipe son expérience. Il explique notamment à quel point les cyclistes sont durs au mal. « Leur tolérance à la douleur est exceptionnelle, alors que dans les autres sports, la blessure est synonyme de sortie du terrain, souligne le Professeur Versier. Pourquoi ? Peut-être la nécessité de revenir dans le peloton et de se faire soigner ensuite, le collectif, mais aussi probablement parce que le vélo entraîne une décharge d'adrénaline très importante. Quand on roule à 60-70 km/h, on doit avoir les surrénales complètement pressurisées et cela doit éliminer une partie des douleurs, ou en tout cas l'analyse de la douleur par le cerveau n'est pas la même. »


Gilbert Versier, qui a derrière lui 38 ans dans le Service de santé des armées, a vécu un Tour plus « éprouvant » cette année. « Oui, mais pas par la difficulté des étapes, plus par les circonstances et les accidents qu'il y a eus. Les chutes collectives en début de Tour ont eu un impact sur les deux tiers du peloton et ça a fait le ménage finalement. J'ai l'impression que tous ceux qui sont tombés ont eu du mal à s'en remettre. Certains sont tombés deux, voire trois fois », relève l'orthopédiste qui a dû intervenir auprès de l'ancien vainqueur Geraint Thomas lors de la 3eme étape vers Pontivy pour réduire sa luxation de l'épaule.

« Les chutes collectives en début de Tour ont eu un impact sur les deux tiers du peloton et ça a fait le ménage finalement »

« Quand on est arrivés sur lui, il était assis, il avait tous les signes de la luxation de l'épaule, avec la tête en avant sortie de l'articulation, avec un gros creux, détaille Gilbert Versier. Je l'ai allongé pour pouvoir le relâcher et le décontracter. Il était incapable de faire le moindre mouvement. Je lui ai fait les manoeuvres de réduction assez classiques, je lui dis de bien se relâcher, je lui explique ce que je vais lui faire, la traction sur son bras qui va partir tout doucement en rotation et que s'il se relâche bien il n'aura pas de douleurs. À partir de ce moment-là, la douleur disparaît à 90 %. Là, il s'en rend compte, il commence à mobiliser son épaule et prendre conscience que la tête a réintégré sa place, il remonte sur son vélo et il part. Dans des conditions lambda, quelqu'un qui vient avec une luxation de l'épaule on l'immobilise trois semaines le coude au corps. »

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