Bleus/K.Tillie : "Tout faire pour oublier l'échec du Mondial"

Aurélien Canot, Media365, publié le vendredi 23 juin 2023 à 20h22

Privé de la fin du dernier Mondial sur blessure, Kevin Tillie (32 ans) a retrouvé le groupe France avec grand plaisir lors de la première étape de la Ligue des Nations. Le réceptionneur des Bleus, ravi d'avoir remis le cap sur le club de Varsovie et pas mécontent de ne plus travailler sous la coupe de son père, ne cache pas néanmoins que la compétition, dont la 2eme étape se déroule actuellement à Orléans, sert avant tout de préparation pour l'Euro et les Jeux de Paris.

Kevin Tillie, dans quel état d'esprit vous trouviez-vous avant d'attaquer la deuxième étape ? N'aviez-vous pas le moral au plus bat étant donné vos résultats sur la première ?
En vrai, ça allait. On n'avait pas le moral bas. Ce n'était pas très grave d'avoir perdu trois matchs sur quatre. On avait un groupe un peu différent. On a fait ce que l'on pouvait. On est là aussi pour progresser, on n'était pas forcément là dans le moment pour performer. On était là pour voir un peu ce que cela donnait. Ce n'est pas forcément notre objectif principal la VNL (NDLR : Volley-ball Nations League). On est là vraiment pour le long terme. Ce n'est pas très grave les victoires ou les défaites. On est là pour progresser, pour faire du mieux qu'on peut. On est vraiment là pour passer des tests et se préparer.

Vous sous entendez qu'il n'y avait pas eu panique à bord dès que vous vous étiez retrouvé malmenés lors de cette première étape ?
Non non. On était là vraiment pour essayer de se trouver et progresser. C'est tout. On s'entraîne et on fait de mieux en mieux. On verra pour les résultats, mais ce n'est pas ce qui compte vraiment pour nous. On essaye juste de se préparer pour la suite.

Dans la mesure où cette deuxième étape se déroule à Orléans, en France, vous devez quand même avoir la volonté de briller devant le public français, que cette nouvelle phase ait valeur de test ou pas ?
Oui c'est sûr qu'on veut briller en France, c'est clair. On va vouloir gagner. C'est sûr qu'on n'est pas à cent pour cent de nos capacités avec tout le groupe. C'est ça qu'il faut se mettre en tête aussi. Malgré ça, on essayera quand même d'aller chercher les victoires.

Qu'est-ce qui fait que cette compétition, que vous avez gagnée à de nombreuses reprises, et vous deux fois personnellement, ne constitue plus un objectif aussi important que par le passé ?
C'est surtout qu'étant donné que nous sommes déjà qualifiés pour les Jeux Olympiques, nous sommes vraiment là en projet de se préparer pour les Jeux et aussi pour l'Euro en septembre. Pour nous, le classement n'est pas aussi important qu'il peut l'être pour les autres équipes. Gagner ou perdre, c'est moins important pour nous. C'est sûr qu'on aimerait tout gagner mais au haut niveau, c'est toujours difficile de vraiment performer et gagner tous les étés plusieurs compétitions. On préfère peut-être se préparer et voir d'autres échéances. Après, dès que nous sommes sur le terrain, on veut gagner. Ça ne change rien à la chose.

D'autant que votre dernier rendez-vous, le Mondial, s'était mal terminé pour l'équipe mais également pour vous sur le plan personnel...
Oui ça été très décevant pour nous. C'est pour ça que l'on voudrait faire quelque chose de mieux à l'Euro qui arrive. Moi, personnellement, je m'étais blessé donc j'espère faire mieux cette année et au moins finir sans blessure.

Retrouver l'équipe de France a donc dû vous faire grand bien ?
Ouais, ça me fait du bien, pour rester un peu dans le rythme aussi. J'ai eu un peu de vacances puis j'ai repris. On fait des turnovers tout au long de la VNL, donc c'est bien d'avoir un peu de repos et de continuer. C'est important pour les corps, comme on l'avait vu l'été dernier. Je me suis blessé deux fois durant l'été...C'est bien de faire un peu de rotations et reposer le corps de quelques joueurs. Pour moi, c'était au top.

Ne vous êtes-vous pas senti trop isolé au milieu de tous ces jeunes ?
Un petit peu mais je commence à avoir l'habitude d'être le plus vieux. Ça se passe bien. C'est sympa de voir de nouveaux visages, d'avoir des jeunes qui viennent pour les voir un peu. C'est toujours sympa de voir ce qui arrive.

"Ce n'est jamais facile d'avoir son père comme entraîneur"

Ressentez-vous un décalage de plus en plus profond avec la jeune génération ?
C'est sûr mais en vrai, ça va. J'ai l'impression que le monde du volley est quand même beaucoup plus petit que dans d'autres sports. C'est assez familial. Il y a pas mal de joueurs dont on connaît les pères, puisqu'ils ont été en équipe de France. On se voit souvent lors des tournois de beach-volley l'été aussi. Même si on ne les connaît pas forcément, on les a déjà vus, on a déjà discuté avec eux. L'écart est moins grand je trouve, ça ne m'a pas trop choqué. Ce qui me choque vraiment, c'est juste l'âge. Il y en a qui n'ont pas même pas vécu la Coupe du monde 1998... Pour moi, c'est bizarre !

L'autre grand changement concerne le poste d'entraîneur, avec Andrea Giani qui a remplacé votre père Laurent Tillie à la tête de l'équipe. Qu'est-ce que ça fait de délaisser son père pour travailler avec un autre entraîneur quand on a travaillé avec son père aussi longtemps ?
Ça fait du bien. Ce n'est jamais facile d'avoir son père comme entraîneur. Ça été long, ça été difficile mais ça s'est bien terminé. Je suis très content que ça se termine comme ça et qu'il y ait un autre coach. Ca m'a fait du bien pour être un peu plus libre dans l'équipe. Car ce n'est jamais facile de jouer quand on a son père qui coache.

En quoi n'est-ce pas facile ? Faites-vous notamment référence au fait que les autres joueurs doivent vous chambrer ?
Oui, le chambrage y est tout le temps, ce n'est pas le souci. C'est plus la pression d'avoir son père. C'est une relation très, très compliquée. Il faut réussir à couper le fait que ce soit mon père et moi, que je sois son fils, et que pendant tous les étés, c'est « entraîneur-joueur » et ça c'est difficile à faire quand on voit son père. On a réussi pendant tant d'années et maintenant je suis content que ce soit sur le côté, que ça se termine et que maintenant j'aie vraiment une relation « joueur-coach » normale, comme les autres. Ça me laisse un peu plus libre, c'est sûr.

Sentiez-vous parfois votre père un peu plus dur avec vous qu'avec les autres joueurs ?
Oui et non. Oui, parce que c'est difficile de toujours entendre des choses dites par son père. Moi, je le prenais mal. Mais c'est vrai que pour lui aussi, il voyait son fils qui faisait des choses donc il avait envie d'être un peu plus dur. Il y a ce côté-là. Après, je le connais très bien, il me connait très bien, donc il y a des choses qui sont un peu plus faciles aussi. Il y a des avantages et des désavantages.

En dehors de la compétition, le sujet volley revenait-il toujours sur la table ou arriviez-vous à couper ?
À chaque fois qu'on se voyait en famille, on parlait volley, ce n'était pas top, top (sic). Ce n'étaient pas des discussions qu'on aimait bien. Ça gâchait les retours familiaux. C'est bien de couper maintenant et de ne plus avoir ce problème. Est-ce que lui aussi il apprécie d'être passé de l'autre côté de la barrière ? Oui, c'est sûr.

En ce qui concerne la manière de fonctionner et de diriger les troupes, Andrea Giani diffère-t-il diamétralement de votre père ?
Ce n'est pas forcément différent mais c'est une personne différente. C'est un Italien qui est un peu plus calme, plus posé. Il a une vision du volley à lui, il a joué au haut niveau, il a beaucoup d'expérience. Il aide beaucoup les joueurs. C'est un coach qui connait énormément le volley. Il est là depuis tellement d'années que les gens l'écoutent. C'est top d'avoir un entraîneur comme ça en équipe nationale.

Le fait de passer d'un entraîneur français à un entraîneur étranger implique-t-il pour certains joueurs peut-être davantage que d'autres de trouver de nouveaux repères ?
On a tous pratiquement l'habitude d'avoir des coachs étrangers. La plupart d'entre nous joue à l'étranger, on a tous pratiquement joué en Italie. Beaucoup d'entre nous parlent italien, il y a beaucoup d'entraîneurs italiens dans le monde, donc on en a souvent eu un, donc non, ce n'est pas trop choquant, c'est même assez facile. Il y a juste peut-être deux ou trois joueurs à qui il faut traduire assez souvent, mais les autres comprennent tout.

"On ne gagne pas comme des footballeurs. Dès qu'on peut doubler nos salaires, il faut y aller"

Faisiez-vous partie des joueurs impressionnés par son palmarès ?
Oui, forcément. C'est un joueur avec un palmarès extraordinaire. J'en avais beaucoup entendu parler en tant que coach, il y en a qui l'avaient eu en club. Je savais que ça allait être un bon coach pour nous, un coach que l'on pouvait écouter et suivre dans sa direction comme dans sa philosophie de jeu, donc c'est top. C'est top d'avoir pu avoir cet entraîneur.

Vous parliez de l'étranger. Vous avez finalement décidé de retourner à Varsovie. Aviez-vous l'impression d'avoir bouclé la boucle avec Tours en une saison ?
Je n'avais jamais fait une saison en France avant la saison à Tours donc pour moi, c'était une opportunité après la saison Covid de venir jouer en France. C'était après les Jeux en plus. Malgré les trois finales perdues, j'ai adoré la saison. Ca été une saison extraordinaire mais j'ai eu pas mal d'offres à l'étranger, où il y a forcément plus d'argent, et le niveau en Pologne est incroyable. C'est un championnat très impressionnant avec de grosses équipes. Le volley là-bas est très suivi. J'ai 32 ans, j'ai l'opportunité d'aller là-bas pour jouer, j'y suis allé sans réfléchir.

Doit-on comprendre qu'à Tours, vous aviez l'impression en dépit du prestige du club, que le volley en France n'est pas assez médiatisé, contrairement à un sport comme le football ?
Les salles étaient assez remplies quand on jouait avec Tours. Il y avait un bel engouement après les Jeux. Ce sont les médias qui n'ont pas suivi. Il n'y avait rien à la télé, il ne se passait rien. C'était assez décevant de ce côté-là. On a quand même fait un match Tours contre Modène en Coupe d'Europe avec Earvin (Ngapeth) qui revenait à Tours avec dans l'équipe Bruno Rezende, Yoandy Leal et Nimir Abdel-Aziz, des joueurs extraordinaires et d'autres stars. Et bien le match n'est même pas passé à la télé, même pas sur Internet. C'était incroyable. Je trouve ça dingue. Quand j'ai vu ça... C'est frustrant car malgré que le fait que l'on fasse des choses en équipe de France, ça ne suit pas derrière. En dehors de ça, comme je le disais, les salles étaient assez remplies. C'était sympa, il y a eu de l'engouement mais ça n'a pas été suivi, c'est dommage. C'est peut-être de la faute de certaines personnes dans les ligues et les fédérations, mais bon, c'est comme ça.

A Varsovie avez-vous retrouvé une ville qui vit volley, avec un environnement volley ? Et la médiatisation derrière ?
Oui, en Pologne, c'est incroyable. Varsovie, ce n'est pas un des clubs les plus suivis mais c'est la capitale. Sur la deuxième partie de saison, quand on a tout gagné, on a eu vraiment mille spectateurs par match. Tous tous les matchs sont télévisés. Même si le dernier joue contre l'avant-dernier, c'est télévisé. C'est très suivi, c'est très professionnel, c'est impressionnant. Pour le volley en tout cas, c'est génial.

Est-ce ce pour quoi vous aviez immédiatement pris la direction de l'étranger (NDLR : En Italie, à Ravenne) dès vos débuts chez les professionnels ?
Ouais c'est ça. Il y a ces raisons mais il y a aussi financièrement, il ne faut pas se le cacher. On est des volleyeurs donc on ne va pas gagner comme le foot ou le basket, mais dès qu'on peut doubler nos salaires, il faut y aller. Surtout quand c'est pour aller dans des championnats plus attrayants. Ça fait partie des choses aussi.

Revenons aux Bleus. L'Euro arrive à grands pas, l'objectif est-il d'oublier cet échec du Mondial ?
Oui c'est sûr. On va tout faire pour essayer d'oublier cet échec et un Euro, c'est quand même très difficile dans le volley. C'est une des compétitions les plus difficiles mais voilà, on va se préparer pour. On est là pour ça.

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