Handball - Darleux : " Je suis épanouie en tant que sportive engagée "

Handball - Darleux : " Je suis épanouie en tant que sportive engagée "©Panoramic, Media365
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Clément Pédron, Media365, publié le vendredi 10 juin 2022 à 09h30

Championne olympique avec les Bleues à Tokyo l'an dernier et vice-champion de France cette saison avec Brest, Cléôpatre Darleux (32 ans, 187 sélections) fait le bilan de sa saison au moment d'entamer ses vacances. La gardienne, ambassadrice pour Butagaz, le sponsor du championnat, évoque aussi les question autour de l'avenir de la discipline, la féminisation et la maternité.

Cléopâtre Darleux, vous avez terminé votre saison avec Brest par une finale de Ligue Butagaz Energie perdue contre Metz, comment vous sentez-vous ? 

C'est le début des vacances donc ça va très bien. Je suis très heureuse d'avoir du temps pour moi et pour ma famille. Ça me fait du bien de couper car ça a vraiment été une saison longue avec les Jeux Olympiques de Tokyo l'an dernier. On n'a pas eu le temps de trop se reposer jusque-là, je profite du moment. Je suis un peu déçue de la dernière semaine avec cette double confrontation pour le titre de champion de France. Je n'ai pas eu le Covid contrairement à ce qu'on a pu dire, c'était un faux positif... J'ai loupé le match aller de la finale (victoire 26-24) et on n'a pas réussi à battre Metz au retour (défaite 25-22 pour un but d'écart). On a fait une belle saison quand même.

Quel bilan tirez-vous de cette année ?

Sportivement, c'était en dents de scie. L'année olympique a été longue et difficile même si on a récolté l'or. Au retour de Tokyo, on revient dans le quotidien et, parfois, c'est compliqué à gérer. J'ai eu quelques mois délicats mais après, tout est rentré dans l'ordre. J'ai retrouvé cette soif de compétition, de gagner. Ça été une saison riche en apprentissage car nous avons été dans la difficulté. On a eu plusieurs péripéties cette année mais nous nous sommes toujours battues. On a montré une belle force de caractère jusqu'en finale du championnat.

Depuis avril dernier, vous avez rejoint les rangs de Butagaz, sponsor-titre du championnat de France féminin de handball, en tant qu'ambassadrice. Pourquoi et quelles sont vos missions ?

Butagaz a un engagement envers la promotion du handball féminin. C'est une vraie visibilité pour la discipline et elle en a besoin. Quand on m'a proposé ce rôle, j'ai accepté car la marque possède une belle image dans ce sport. Je me retrouve dans les valeurs mises en avant par Butagaz. La marque met en place diverses actions pour le handball et notamment #Auplusprèsdesclubs, une opération pour aider les clubs amateurs à se développer. C'est important pour moi de me sentir proche du handball amateur. Je participe à des projets avec la marque, je viens sur le terrain, je rencontre des clubs amateurs, je remets des maillots aux jeunes. J'apprécie beaucoup ces échanges, tout le monde a le sourire et ça fait plaisir. J'avais aussi envie de promouvoir le handball féminin via l'image que je renvoie.

« Le handball doit retrouver l'élan de 2017 »

Le handball a besoin de ses sportifs pour le promouvoir ?

C'est très important. Je pense qu'on a besoin d'avoir des figures, des modèles à l'image de ce qu'on peut voir dans certains sports individuels. Le handball masculin a réussi à mettre ce sport en lumière grâce à ses résultats pendant de longues années. Avec des joueurs connus comme Nikola Karabatic (également membre de la team Butagaz), c'est un partenariat gagnant-gagnant. Les « grands » donnent envie aux petits. Le handball féminin a aussi besoin de quelques têtes d'affiche pour grandir, pour que la discipline soit plus connue et devienne plus médiatisée.

Le handball a perdu plus de 200 000 licenciés (549 295 contre 334 588 licenciés) entre 2017 et 2021...

Quand j'ai vu ces chiffres, j'ai été marquée car je me souviens très bien de l'année 2017 avec le Mondial masculin. La discipline avait explosé, il y avait eu beaucoup de communication autour de cet évènement. Nous avions également obtenu l'or au championnat du monde, ça été un combo gagnant. Aujourd'hui, c'est plus compliqué. Malgré le fait qu'on ait eu de gros résultats chez les féminines, le hand a perdu beaucoup de licenciés. Le Covid a eu aussi un impact terrible comme pour tous les autres sports. C'est un long travail et c'est pour ça qu'il faut faire des actions avec les clubs amateurs pour retrouver cette proximité, pour que le hand retrouve son élan de 2017. On essaye de faire rencontrer les pros avec les jeunes, les inviter à nos matchs justement pour créer une vraie relation et redonner une dynamique positive à la discipline.



Quels sont les mesures envisageables pour relancer la pratique du handball ?

Il y a plusieurs leviers. Premièrement, ça passe par les résultats des équipes de France. D'ici à dans deux ans, nous allons beaucoup parler de sport avec les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Cet évènement va être une vraie locomotive pour toutes les disciplines en général mais notamment avec le handball. En plus, il y a des chances de médailles. Deuxièmement, je pense que l'école est un point de passage important. Tout ce qui pourra être fait auprès des enfants, des jeunes sera bénéfique car il est là, le vivier. Enfin, les résultats des clubs professionnels français, en championnat et en Ligue des Champions ont également une part importante. Il faut aussi une plus grande visibilité du handball masculin et féminin dans les médias.

Dans le cadre de vos activités avec Butagaz, vous allez au contact des clubs amateurs en Bretagne. Qu'observez-vous ?

En Bretagne, il y a un vivier énorme. Je suis très étonnée du nombre de pratiquantes. Les joueuses sont aussi de plus en plus intéressées pour venir voir nos matchs. Contrairement à leur génération, la mienne n'a jamais connu le handball au haut niveau, nous n'avions pas de modèles à qui se référer. Maintenant, les jeunes sont plus motivés, regardent du handball sur leurs écrans, se déplacent dans les salles. L'argent reste le nerf de la guerre mais il ne faut pas oublier que les clubs amateurs vivent également grâce aux bénévoles, aux familles qui font marcher ces associations. Sans eux, les clubs ne peuvent pas survivre.

Il y a un peu d'un an, le handball devenait le premier sport professionnel à signer une convention collective avec une partie consacrée à la maternité. Vous êtes maman d'une petite fille née en novembre 2019, c'était important pour vous cette avancée ? 

C'est un grand pas, d'abord pour l'ensemble du sport féminin français. Ça va servir d'exemple pour les autres disciplines professionnelles. Pour moi, c'est le début de la vraie professionnalisation. C'est important d'avoir des textes qui nous défendent et qui nous aident au quotidien. Jusqu'ici, il y avait la même convention pour les femmes et les hommes mais nous n'avons pas les mêmes problématiques. Nous avons aussi des droits. Concernant la maternité, nous avons maintenant douze mois de maintien de salaire. Avant c'était trois... Maintenant, le cadre est posé même si on est en recherche perpétuelle de ce qui peut encore évoluer. On a réussi à augmenter nos congés payés pour avoir la même durée que les hommes (sept semaines). Nous nous sommes rendues compte que nous n'avions pas les mêmes avantages que les hommes, c'est fou ! Ça a aussi fait évoluer les mentalités car la maternité n'est plus un sujet que l'on évoque après la carrière sportive. On incite également les joueuses à se syndiquer pour faire valoir nos droits.

« Il faut préparer les clubs et les joueuses à la maternité »

Existe t-il encore un tabou entre le sport professionnel et la maternité ?

Dans le handball, ce n'est plus trop le cas car on en parle beaucoup entre nous. C'est une « chose » qui arrive, on veut normaliser la maternité. Il y a encore des choses à faire à ce niveau-là car tout le monde n'est pas encore prêt. Il faut aussi préparer les clubs comme les joueuses à la maternité. Je pense qu'on peut aller plus loin encore dans le travail pour que toutes les parties y gagnent et vivent cet évènement le plus normalement possible. Nous, joueuses, comprenons très bien l'impact de la maternité pour les clubs et de la difficulté de trouver une ou des remplaçante(s).

Avec Butagaz, avez-vous des projets au sujet de la maternité ?

Pour le moment, non. Nous n'en n'avons pas encore parlé mais c'est un sujet que nous allons creuser.

Votre rôle de sportive engagée vous comble-t-il ?

Oui complètement. Quand j'étais jeune, je ne pensais qu'au handball. Aujourd'hui et même si je suis maman et que le quotidien est plus partagé avec ma famille, je suis toujours aussi compétitrice. J'ai toujours envie de donner de moi à ce sport qui m'a permis d'évoluer en tant que personne. J'aime beaucoup ce rôle même si cela prend du temps. J'essaye de satisfaire tout le monde même si le calendrier est chargé. Je mène aussi d'autres combats (pour le droit des femmes, la préservation de la biodiversité et l'écologie). Même si cela nécessite une organisation, je suis épanouie en tant que sportive engagée.

Vous avez prolongé avec Brest jusqu'en 2024, que peut-on vous souhaiter pour la saison prochaine ?

J'ai envie de vivre deux belles années à venir, ça sera peut-être mes deux dernières, on verra... Je veux remplir tous les objectifs possibles en équipe de France et avec Brest. Evidemment, j'ai envie de remporter l'or aux Jeux Olympiques de Paris. Avec mon club, je veux de nouveau participer au Final Four et le remporter. Et ça sera parfait !

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