Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 22 mai 2020 à 12h25
Alain Prost n'était pas grand mais il en imposait dès qu'il s'agissait de bolide. Le Français avait pris sa retraite à l'issue d'un quatrième et dernier titre de Champion du monde en 1993. Retour sur cet ultime sacre.
Avec les deux Sébastien, Loeb et Ogier, Alain Prost s'érige en plus grand pilote français de l'histoire de l'automobile. Et évidemment, il reste celui qui a le plus marqué la Formule 1. Un univers d'où il a tiré son surnom de « professeur » et qui lui offert quatre titres de champion du monde (1985, 1986, 1989, 1993). Ce qui en fait le quatrième pilote le plus titré de la compétition à égalité avec Sébastian Vettel derrière les sept titres de Michael Schumacher, Lewis Hamilton (six) et le mythique Juan Manuel Fangio (cinq). Avec son palmarès XXL, il fait assurément partie du Top 5 des meilleurs de l'histoire. Jugez plutôt : 51 victoires, 33 pole positions, 41 meilleurs tours, 106 podiums et 2 683 tours en tête. Cela en impose, reconnaissez-le...
Alain Prost, dont les jeunes pousses d'aujourd'hui ont peut-être aperçu les cheveux frisés dans une publicité où dans son rôle de consultant, peut aussi se targuer d'être parti au top. A l'issue d'une saison parfaitement maitrisée à défaut d'avoir fait palpiter les observateurs, le Français s'était retiré sur un quatrième et, donc, dernier sacre en 1993. Il était parti au sommet le 7 novembre à Adélaïde. Un Grand Prix d'Australie teinté d'émotion.
Une dernière course sans suspense
A l'occasion de son 199eme et ultime Grand Prix, son grand rival Ayrton Senna l'avait fait monter sur la première place du podium. A ses côtés. Avant de l'enlacer. Quelle sacrée image pour clore la saison entre deux concurrents qui s'étaient tiré la bourre durant plusieurs années ! A la lutte pour le titre à la fin des années 1980 et au début des années 90, le Français et le Brésilien n'avaient pas eu besoin de s'écharper durant cet exercice 1993.
Cette dernière course s'était élancée ôtée de tout suspense. Prost avait en effet déjà décroché son quatrième couronnement à deux Grands Prix de la fin, après sa victoire au Portugal... Sa septième à bord d'une Williams qui dominait très nettement le plateau. Lauréat de cinq courses, Senna avait bien terminé à la deuxième place du Championnat du monde, devançant de quatre petits points le coéquipier de Prost, Damon Hill, vainqueur de trois Grands Prix consécutifs en fin d'exercice. Mais le Brésilien n'avait pu exploiter les dernières avancées technologiques de sa McLaren.
Alain Prost vainqueur du premier Grand Prix et auteur de 13 poles position
Senna, dont c'était également le dernier podium (il allait entamer 1994 par trois abandons avant de connaitre la mort au tournant sur le GP de San Marin), était donc d'humeur guillerette ce 7 novembre 1993 à poser près de son concurrent historique. Il faut préciser aussi que la grande rivalité entre l'homme au casque jaune et le Frenchie s'était adoucie. La saison précédente, Prost s'était accordé une année sabbatique (rétribuée par Ferrari suite à son renvoi anticipé fin 1991) en devenant consultant pour TF1. Un exercice 1992 outrageusement dominé par la Williams-Renault de Nigel Mansell, sacré avec 52 unités d'avance sur Ricardo Patrese, 55 sur Michael Schumacher et 58 sur Senna.
Cette Williams avait encore tout écrasé pour la deuxième année consécutive avec son « professeur » au volant. Petit par la taille (1,65 m) mais grand par le talent, le Français avait fait parler sa suprématie cette année-là en posant immédiatement des jalons sur le titre. Dès le Grand Prix d'Afrique du Sud, signant le coup d'envoi de la saison, Prost avait franchi la ligne d'arrivée le premier au terme d'une belle lutte avec Senna. Un week-end idéal pour le triple champion du monde de l'époque qui avait signé la pole position. Douze autres allaient suivre, soit un splendide total de 13 places primées sur 16 courses ! Pas mal pour quelqu'un qui n'avait jamais été un spécialiste de la chose. Et à sept reprises, Prost allait franchir la ligne d'arrivée la main levée.
Senna brille sous la pluie puis le pilote Williams réplique
Une domination implacable qui n'était pas sans susciter nombre de critiques. Mais, à une heure où l'électronique était omniprésente en Formule 1, la Williams FW15C en était la mieux pourvue. Pour aller le plus vite, Prost disposait, comme Mansell l'année d'avant, d'éléments idoines : anti-patinage, boîte semi-automatique, suspension active... « Un vrai petit Airbus » que cette monoplace avait même confié Prost. Il n'y avait pas photo avec la concurrence, les McLaren et les Benetton se contentant d'un moteur Ford V8 loin d'arriver à la cheville du Renault V10.
Senna avait pourtant réagi chez lui, à Interlagos au Brésil, puis à Donington sur le Grand Prix d'Europe où les conditions climatiques avaient été extrêmement changeantes, mais Prost avait immédiatement répliqué en enchaînant les succès à Imola et Barcelone. Douché sur le circuit de Donington où la science du pilotage de Senna dans des conditions humides avait fait merveille une fois de plus, Prost, connu pour être prudent sous l'eau, s'était même lâché en s'adjugeant six des sept courses suivantes. Imola, Barcelone, Montréal, Magny-Cours, Silverstone et Hockenheim tombaient dans l'escarcelle du Français qui collectionnait ensuite les places d'honneur.
"Le Professeur" annonce à la surprise générale son futur retrait de la F1 le vendredi à Estoril
Troisième en Belgique et deuxième sur les trois dernières joutes, Prost s'assurait du titre de Champion du monde sur la première d'entre elles, à Estoril. Au Portugal, le pilote tricolore avait surpris son auditoire le vendredi en annonçant sa retraite en fin de saison. Stupeur générale ! « Je ne voulais pas faire l'année de trop. Il fallait savoir s'arrêter au bon moment et pour moi, ce moment est arrivé, confiait Prost. Partir au sommet est une bonne chose. Je suis en Formule 1 depuis plus de treize ans, je n'ai jamais perdu la motivation même si je n'ai pas toujours été ménagé ».
« Je viens de vivre une saison formidable avec mon équipe. Sur le plan technique, ce fut également passionnant. Mais aujourd'hui, je dois reconnaître que ce sont plutôt des événements extérieurs qui m'ont convaincu de prendre cette décision, et je suis heureux de l'avoir prise. Le jeu n'en valait plus la chandelle », ajoutait dans une saillie Prost dont les relations étaient assez fraîches au sein de Williams. Une équipe dans laquelle allait également débarquer... Senna pour 1994. Une nouvelle cohabitation étant hors de question, Prost s'était donc arrêté-là. Sur la plus haute marche. Durant huit ans, il allait détenir le record de victoires (51) avant d'être délogé par Schumacher en 2001.