Portrait : Rives, l'éternel "Casque d'or"

Portrait : Rives, l'éternel "Casque d'or"©Panoramic, Media365

Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 01 avril 2022 à 12h00

Jean-Pierre Rives n'était pas seulement capitaine du XV de France. Il était le XV de France. Près de 40 ans après l'arrêt de sa carrière, son nom demeure une base, peut-être la première, pour tout fan de rugby français qui se respecte.

Il était et reste toujours "Casque d'or". Qui, plus que Jean-Pierre Rives, a conservé un surnom aussi prégnant dans l'histoire du rugby français ? C'est le mythique commentateur Roger Couderc qui avait affublé le capitaine du XV de France - porteur à 34 reprises du brassard, un record qu'il a longtemps maintenu - de ce pseudonyme passé à la postérité. C'est en 1977 que le troisième-ligne aile du Stade Toulousain, à 24 ans, écrit ses premières grandes lettres de noblesse en sélection, guide de l'équipe victorieuse du deuxième Grand Chelem de l'histoire des Bleus dans le Tournoi des Cinq nations. Les quinze mêmes joueurs disputent l'intégralité des matchs, dont un 4-3 arraché sur la pelouse de l'Angleterre, à Twickenham, lors de la deuxième journée.

Jean-Claude Skrela, son coéquipier en club, l'accompagne notamment en troisième ligne, alors que Jacques Fouroux (qui joue à Auch) est son demi de mêlée. Le rugby de grand-papa, les troisièmes mi-temps... "Tout était extrême", comme il le concédait encore il y a deux semaines (pour Midi olympique). "Le rugby est un sport d'excès joué par des gens excessifs, alors il ne faut pas s'attendre à des comportements trop rationnels... Mais dans cette équipe, il n'y avait vraiment que des fous !  Quand les gens nous racontaient le match qu'ils avaient vu, on n'en revenait pas. Nous, on ne voyait rien ! Il faut dire qu'en ce temps-là, sauter à pieds joints sur un Anglais qui traînait par terre, c'était de loin la méthode la plus efficace pour avoir quelques ballons propres, alors ça semblait normal !"

Couderc : "Un maillot de sueur et de sang"

Au coeur de sa dynastie en bleu - 59 matchs, tous joués en intégralité, de 1975 à 1984 -, Rives est aussi le symbole du XV de France qui va devenir le premier à s'imposer en Nouvelle-Zélande (19-24), après plus de 70 ans de tentatives infructueuses. Un exploit établi le 14 juillet 1979, ça ne s'invente pas... "C'est un miracle, souriait-il encore plus de 20 ans après. On avait tout pour prendre une grosse déculottée, on arrivait en bout de course, on n'avait pas gagné grand-chose et on voulait presque rentrer avant le match, car c'est un moyen efficace pour ne pas perdre. Nous avons eu beaucoup de chance, mais on y a mis aussi un peu de rock'n'roll et de cha-cha-cha. Il fallait aller au bout de soi et jouer sa liberté, y laisser un peu de sa peau."

En 1980, il atteint la finale du championnat de France avec Toulouse. Battu par Béziers (10-6), il ne soulèvera jamais le Brennus. Mais son histoire est surtout et irrémédiablement liée à celle de son pays, qu'il mène à un nouveau Grand Chelem en 1981. Deux années plus tard, la France remporte à nouveau le Tournoi - sans Grand Chelem - à l'issue d'un dernier match contre Galles (16-9) qui offrira l'image résumant Rives à tout jamais : celle de ce capitaine le visage et le maillot en sang, cette tunique qu'il lèguera à Couderc partant à la retraite à l'issue de cette ultime rencontre de légende. "Un maillot de sueur et de sang, commentera alors le journaliste du service public. Et quand il y a du sang dessus, il est propre !"


En 1982, Rives décide de partir au Racing mais les transferts sous licence sont interdits. Il devra donc patienter un an avant de pouvoir revêtir son nouveau maillot. Pas de quoi le priver, malgré tout, de son statut de capitaine du XV de France. Serge Blanco a été un de ses contemporains (c'est d'ailleurs son sang, en réalité, qui recouvrait le fameux maillot de 1983) : "Peu importe le match, que ce soit du Tournoi ou du championnat, à Biarritz ou à Auckland... Dès qu'il enfilait un maillot, il avait un respect de ce sport et il se défonçait. On n'allait pas le retrouver à boire au comptoir et marcher sur les mains, ce n'était pas son truc. Mais il savait faire en sorte d'harmoniser ce style de vie." Un capitaine moderne bien avant l'heure, finalement.

Au sortir de son immense carrière, Rives est devenu un sculpteur renommé. Un art qu'il exerce toujours, à bientôt 70 ans. Il s'en confiait en 2018 pour France 3, escorté de ce sourire qui ne le quittera jamais : "C'est une démarche très personnelle, un peu comme le sport. Etre, c'est faire. Je voulais faire les Beaux-Arts, la vie m'a fait faire autre chose. Mais depuis, l'art est devenu une nécessité." Pour nos confrères du Parisien, il concluait même encore plus récemment : "C'est mon truc. Je ne peux pas m'en passer." Comme le rugby ne se passera jamais de lui, figure tutélaire du coq à travers les âges. La première véritable star nationale du ballon ovale, sorte de garant de la transmission du XV de France entre les générations.

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