Manolo Santana, pionnier du tennis espagnol

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mercredi 15 décembre 2021 à 13h24

L'Espagne vient de perdre une légende nationale. Manolo Santana, premier vainqueur ibérique d'un tournoi du Grand Chelem, avait fait aimer le tennis à son pays.

Il a été un grand champion de la petite balle jaune, une grande figure du sport mondial et espagnol en particulier, que l'on voyait très souvent ces dernières années dans les tribunes à converser (souvent avec le sourire) et observer les meilleurs éléments de la planète. On ne le verra plus arborer son beau sourire sur les prochaines épreuves du tennis mondial, notamment le tournoi de Madrid dont il était le président d'honneur. Manolo Santana a rangé les raquettes. L'ancien tennisman s'en est allé, décédé samedi dernier à l'âge de 83 ans.

Les plus jeunes connaissent évidemment Rafael Nadal. Mais bien avant « Rafa », le Taureau de Manacor vainqueur de 20 tournois du Grand Chelem dont 13 Roland-Garros, il y a eu Santana... Manuel Martinez Santana, dit Manolo, a fait aimer le tennis à l'Espagne et fait office de pionnier au pays. Il était devenu le premier joueur ibérique à remporter un tournoi du Grand Chelem dans les années 1960. Avant l'ère Open (1968), il avait même tordu le cou au cliché du joueur espagnol incapable de briller sur une autre surface que la terre battue.


Quatre Grands Chelems dont Wimbledon

Cet as de la petite balle jaune (blanche en réalité à l'époque), doté d'un formidable coup d'œil, s'était imposé sur l'herbe verte de Wimbledon en 1966 aux dépens de l'Australien Ralston (6-4, 11-9, 6-4) à une époque où on allait au-delà des sets à six jeux s'il n'y avait pas deux jeux d'écart. Eh oui, un joueur espagnol avait fini le célèbre tournoi londonien la coupe entre les mains. L'année précédente, il avait soulevé celle de l'US Open, alors joué sur gazon, devenant ainsi le premier Européen à triompher aux Etats-Unis (à Forest Hills) depuis le Français Henri Cochet en 1928. C'était alors son troisième Majeur. En bon Espagnol, il avait évidemment réussi à aller au bout deux fois à Roland-Garros sur sa surface préférée, la terre battue.

En 1961 et 1964, il avait raflé la mise à Paris, à chaque fois en prenant le meilleur sur l'Italien Nicola Pietrangeli, double lauréat à la Porte d'Auteuil (1959, 1960). Manolo Santana, qui avait quitté l'école très jeune à dix ans et s'était fait remarquer à Madrid par un riche homme d'affaires devenu son mécène, était vite apparu très à l'aise sur la surface ocre. Très efficace tactiquement, son jeu seyait parfaitement à cette terre battue qui l'avait consacré à l'âge de 23 ans aux Internationaux de France 1961 où il était devenu le premier Espagnol à décrocher un des quatre plus grands tournois du monde. Alors que tous les meilleurs éléments de la planète n'étaient pas forcément présents à cette époque, le droitier de 1,80 m au revers à une main, s'était offert Roy Emerson et Rod Laver avant de dominer Pietrangeli en cinq manches (4-6, 6-1, 3-6, 6-0, 6-2). « Mon plan était d'allonger au maximum les échanges. J'espérais ainsi que ''Nicky'' devienne nerveux », avait-il expliqué.

Désigné numéro 1 mondial en 1966


Santana n'était alors qu'au début de son ascension. Il a probablement évolué à son meilleur niveau en 1965-1966. En 65, il glane 12 titres, dont l'US Open, et devient un héros national en hissant l'Espagne en finale de la Coupe Davis. La défaite est au bout contre l'Australie, mais le pays ne lui en tient pas rigueur, bien au contraire. Puis en 66, il réussit son énorme pari de remporter Wimbledon. Pour cela, il a sacrifié Roland-Garros en se préparant comme un damné durant cinq semaines sur herbe. En clouant le bec à Ralston, Manolo le héros devient le premier joueur européen à glaner le Grand Chelem anglais depuis le Français Yvon Petra en 1946. En fin d'exercice, Santana est désigné numéro 1 mondial. Une place qu'il occupera longtemps dans le cœur des Espagnols, habitué à le voir dans les tribunes du Masters 1000 de Madrid dont il a longtemps été le directeur du tournoi.

Une épreuve, dont le court central porte son nom, remportée cinq fois (un record, en 2005, 2010, 2013, 2014 et 2017) par son successeur dans les cœurs, Rafael Nadal, devenu son ami. Un Nadal touché par la disparition de celui qui avait pris sa retraite définitive en 1978. « Mille mercis pour ce que tu as fait pour notre pays et pour avoir marqué la vie de tant de monde. Tu as toujours été une référence, un ami et une personne accessible. Tu nous manqueras. Tu étais unique et spécial. Je salue ta famille et lui souhaite beaucoup de courage dans ces moments. Nous ne t'oublierons jamais », a écrit le roi de Roland-Garros sur les réseaux sociaux. Manolo Santana avait achevé sa très belle carrière avec 74 trophées en simple, dont au moins 58 dans les rangs amateurs. L'Espagnol, qui aura remporté ses quatre finales de Grand Chelem (quatre demi-finales et aucune participation à l'Open d'Australie), reste avec 120 matchs le troisième joueur le plus prolifique de l'histoire de la Coupe Davis derrière Nicola Pietrangeli et Ilie Nastase.

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