Open d'Australie 2008 : Tsonga, le dernier des Mohicans

Open d'Australie 2008 : Tsonga, le dernier des Mohicans©Panoramic, Media365

Thomas Siniecki, Media365 : publié le mardi 18 janvier 2022 à 22h50

Aucun joueur français n'a atteint la finale d'un tournoi du Grand Chelem depuis Jo-Wilfried Tsonga, il y a déjà quatorze ans à Melbourne. Retour sur l'incroyable quinzaine australienne du Manceau, qui avait (presque) tout emporté sur son passage.



Quand Jo-Wilfried Tsonga, à 22 ans, débarque à Melbourne, ce n'est pas totalement de nulle part. Classé 38eme à l'ATP, il a battu Lleyton Hewitt à Adélaïde quelques semaines plus tôt, mais ce n'était plus que le fantôme de l'ancien n°1 mondial. Alors, sa victoire face à Andy Murray en quatre sets et plus de trois heures (7-5, 6-4, 0-6, 7-6) pour ouvrir l'Open d'Australie est un véritable exploit contre le Britannique, déjà membre du top 10 (neuvième mondial). "J'étais assez fatigué au troisième set, donc j'ai décidé de laisser filer et de me concentrer sur le quatrième, et ça a marché." Simple comme bonjour, tout autant que cette qualification malgré 61 fautes directes, contre 27 seulement pour Andy Murray. Mais c'est ce qui laisse augurer de la tornade de coups gagnants, aussi, qui va ravager le monde du tennis.

Son deuxième tour est plus simple contre le modeste qualifié américain Sam Warburg (6-4, 7-6, 6-2). "Après avoir battu une tête de série, je me devais de passer. Mais je n'ai pas ressenti de pression particulière." Laissant les déjà trop innombrables blessures derrière lui, celui qui dispute néanmoins son sixième tournoi du Grand Chelem s'avance vers Guillermo Garcia Lopez, à qui il ne laisse pas beaucoup de chance non plus : 6-3, 6-4, 6-2. En huitièmes de finale, c'est son brillant compatriote Richard Gasquet, alors n°8 mondial et demi-finaliste du précédent Wimbledon à 21 ans, qui se présente sur sa route. "Il avait aussi joué le Masters, mais je savais qu'il n'avait pas récupéré de sa saison", se souvenait en 2018 le coach de l'époque, Eric Winogradsky (pour L'Equipe).

Nadal : "Une avalanche que je ne pouvais pas arrêter"

Le technicien lui avait alors demandé de faire durer le match, en bougeant son adversaire au maximum du début à la fin. "Dans mon esprit, ça ne faisait aucun doute, Jo ne pouvait pas perdre." Résultat, si Jo-Wilfried Tsonga se dit "un peu crispé", il ne lâche qu'un set et s'adjuge donc son deuxième top 10 de la quinzaine : 6-2, 6-7, 7-6, 6-3. "J'espère que le rêve ne va pas s'achever, car je joue mon meilleur tennis. Je m'amuse et je vois encore loin." "En quarts, contre Mikhail Youzhny, c'était un peu le même topo, enchaîne Winogradsky. Même si Youzhny jouait l'acier, je me demandais ce qu'il allait pouvoir faire pour gêner Jo. C'est ce qu'il s'est passé : il a joué à 200 à l'heure, mais n'est jamais parvenu à prendre Jo de vitesse. Et sur le jeu, Jo l'a étrillé." Le Français gagne en trois manches (7-5, 6-0, 7-6).

Arrive alors ce qui reste probablement comme la plus belle rencontre de sa carrière, même s'il y a match avec son quart de finale à Wimbledon en 2011 renversé face à Roger Federer (victoire en cinq sets, après avoir été mené deux manches à rien). Contre Rafael Nadal, en demi-finales, Jo-Wilfried Tsonga livre même assurément un des plus grands récitals de l'histoire du tennis français : il concasse en trois petits sets l'Espagnol, n°2 mondial, déjà triple vainqueur de Roland-Garros et qui allait battre Roger Federer à Wimbledon six mois plus tard. Presque comme à l'entraînement, "Jo" est en lévitation (6-2, 6-3, 6-2). "C'est une avalanche que je ne pouvais pas arrêter", résume Rafael Nadal, sous le choc après avoir encaissé pas moins de 17 aces.

"C'était l'objectif de lui faire mal, de ne pas le laisser évoluer. J'ai fait une grosse rencontre dans tous les domaines, et en plus j'avais la réussite avec moi. Pas grand-monde ne pouvait m'arrêter. Après le match, je me suis dit que ce n'était pas possible, que c'était un rêve et qu'il allait forcément s'arrêter." Il ne se stoppera que deux jours plus tard, et pourtant... Pour la première finale d'un joueur tricolore lors d'un tournoi du Grand Chelem depuis 1997 et Cédric Pioline à Wimbledon, Jo-Wilfried Tsonga va faire mieux que son prédécesseur. En effet, il gagne une manche, la première, face à un certain Novak Djokovic. Winogradsky a "un regret éternel : qu'il n'ait pas amené 'Djoko' dans un cinquième set, je suis sûr qu'il l'aurait bouffé physiquement".

Le Serbe, qui dispute lui sa deuxième finale à ce niveau dans la foulée de l'US Open 2007, s'impose en quatre sets (4-6, 6-4, 6-3, 7-6). Le vaincu, surnommé Mohamed Ali par un public australien totalement conquis, peine à réaliser : "L'ambiance était magique. Le public a été fantastique avec moi. J'avais des frissons. Un tel soutien donne le sentiment d'être puissant. Quand je me suis retrouvé sur la chaise après la balle de match, j'ai été obligé de serrer les dents pour ne pas pleurer. Tout est redescendu d'un seul coup. Je me retrouve sous le feu des projecteurs, mais en même temps, je ne peux pas me plaindre, car j'ai rêvé à ça lorsque j'étais enfant." Ah, si seulement le futur finaliste du Masters (en 2011) avait converti cette balle de break à 5-5 dans le quatrième set...

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