Thomas Siniecki, Media365 : publié le mardi 08 mars 2022 à 23h45
Alors que le Real Madrid retrouve le Paris Saint-Germain mercredi soir, en huitièmes de finale retour de Ligue des champions, retour sur la première victoire d'un club tricolore face à l'immense club espagnol. Il s'agissait de l'OGC Nice.
Quand le Real Madrid se déplace à Nice, le 4 février 1960, la Coupe d'Europe des clubs champions n'a encore jamais connu d'autre vainqueur que les Merengue. En un peu plus de quatre saisons, jamais les Madrilènes n'ont même perdu un match aller, à une époque où seuls s'enchaînaient des tours à élimination directe (en confrontations aller-retour). Alors que Reims faisait les plus beaux jours du football français, vaincu deux fois par le Real en finale en 1956 (4-3 lors de la première édition) et en 1959 (2-0) - la première fois avec Raymond Kopa côté rémois, la deuxième fois côté madrilène -, les Aiglons sont clairement la deuxième force nationale. A tel point qu'ils ont déjà croisé les Madrilènes en quarts de finale, en 1957, s'inclinant à deux reprises (3-0 à Madrid, puis 3-2 à Nice).
Trois ans plus tard, devant les 21 422 spectateurs du stade municipal du Ray - mais quasiment 30 000 personnes, en réalité -, Ferenc Puskas (sur la photo de l'article) mène l'armada espagnole. Et tout porte à croire que celle-ci ne fera à nouveau qu'une bouchée du pauvre Gym : 0-2 avant la demi-heure de jeu, par Chus Herrera (15eme) et Hector Rial (26eme). "Les Niçois jouent bien, mais grâce, entre autres, à une très bonne partie de son gardien, le Real mène 2-0 à la mi-temps", écrit Michel Oreggia dans son livre OGC Nice, 100 ans de passion. "La cause semble entendue... Pas du tout ! L'équipe rouge et noire va réaliser le formidable exploit de gagner, emmenée par un étincelant Nurenberg, auteur des trois buts de la seconde période. Tout d'abord il marque du gauche, puis il est fauché et provoque le penalty qu'il transforme, avant de porter le coup de grâce."
Morlino : "On dirait que tout Nice a vu ce match"
Consultant de luxe - et invité surprise - au micro de la télévision, pour la RTF qui diffuse la rencontre en direct, un certain Just Fontaine enjoignait alors aux Niçois de se lâcher, lui qui avait été battu en finale la saison précédente par le Real : "Dans le fond, le football, c'est avant tout un jeu. Puisque désormais, ils ont de moins en moins de chances de se qualifier, autant jouer le tout pour le tout." C'est donc son collègue luxembourgeois, l'avant-centre Victor Nurenberg, qui va le prendre au mot, en réussissant cet incroyable et renversant triplé en une bonne demi-heure de jeu (52eme, 68eme sur penalty, 84eme). Le tout dans le cadre idyllique d'un beau jeudi après-midi ensoleillé sur la Côte d'Azur, les installations ne permettant pas de jouer en nocturne.
Le héros décortiquait notamment son penalty, exécuté de curieuse manière par rapport à ses standards : "J'ai l'habitude de tirer à droite du gardien. J'ai pris mon élan pour shooter ainsi, et puis, en course, j'ai changé d'avis et j'ai voulu tirer à droite : j'ai envoyé la balle en plein milieu. Heureusement que le gardien adverse est parti sur sa droite." Bernard Morlino, auteur, journaliste et biographe spécialiste de l'OGCN, rappelait il y a quelques années à So Foot que "dans la ville, les anciens font tout le temps référence à ce match" : "On dirait que tout Nice a vu ce match." Quadruples champions de France dans les années 50 (1951, 1952, 1956, 1959), doubles vainqueurs de la Coupe (1952, 1954), les Azuréens entament ainsi les années 60 avec la même classe.
Malheureusement, et sans que ce ne soit réellement surprenant, la manche retour ne se passera pas tout à fait de la même manière en Espagne, comme le rappelle Oreggia dans son ouvrage : "Deux défaites en championnat, où le Gym occupe la sixième place, séparent les Niçois du match retour à Madrid. Le Real mène déjà 2-0, quand Hector de Bourgoing est expulsé à la 44eme minute pour contestation du penalty accordé aux Espagnols et arrêté par Georges Lamia. Sans doute perturbé, l'arbitre fera durer la première période 54 minutes, le Real en profitant pour ajouter un troisième but. Nice en encaissera un quatrième en seconde période et portera, sans succès, réclamation devant l'UEFA. Que pouvait-on faire contre le Real de ce temps-là ?"
Pas grand-chose, si ce n'est rester à tout jamais le premier club français à avoir battu le Real Madrid. Ce que même le grand Reims, donc, n'avait pas réussi à l'époque. Nurenberg racontait le discours mobilisateur et pour le moins efficace de son coach Jean Luciano à la mi-temps : "Vous n'avez pas forcé la cadence, et sans un rare manque de réussite, vous ne devriez pas être menés. Vous avez donc bien joué, mais désormais il faut leur manger le foie. Vous gagnerez." Et ils ont gagné. Personne ne leur enlèvera. Il faudra ensuite attendre plus de 30 ans et le fameux quart de finale retour de Coupe de l'UEFA au Parc, perdu 4-1 contre le PSG (sur une tête décisive d'Antoine Kombouaré à la 96eme minute) après une victoire 3-1 à l'aller, pour que le Real Madrid croise à nouveau la route d'un club français.