Clément Pédron, Media365, publié le mardi 10 novembre 2020 à 19h22
Dans une interview accordée à France Football, Dante, le capitaine de l'OGC Nice, évoque les discussions de vestiaire notamment en rapport à l'argent, la politique, le racisme et l'homophobie. Autant de sujets importants qu'il n'est pas facile d'aborder.
Les discussions de vestiaire sont un sujet dont on parle beaucoup lorsqu'on évoque l'aspect du jeu, mais moins quand il s'agit d'aborder certains thèmes en dehors de l'aspect sportif. Pourtant, ce qu'il se dit ou ne se dit pas est intéressant et révélateur de l'évolution des mentalités, y compris dans le monde du ballon rond. À l'occasion d'une interview réalisée avant la blessure au genou (rupture du ligament croisé antérieur) du capitaine niçois, Dante (37 ans) a accepté de lever le voile sur les échanges dans un vestiaire à propos de certains tabous du football, que sont l'argent, la politique, le dopage, le racisme ou encore l'homosexualité. Au détour d'un long échange, le défenseur azuréen s'est montré à l'image de ce qu'il est sur le terrain : bienveillant, tranchant et humain. Morceaux choisis.
« Certains s'intéressent aux salaires des autres »
L'argent est une notion énormément abordée dans le « milieu » du football. Dans un club et plus précisément dans une équipe, la question relative à la rémunération est une donnée évoquée au sein d'un vestiaire. Cette dernière dépend pourtant de beaucoup de variables (âge, potentiel, expérience, apports, modalités des négociations) mais cela n'empêche pas les joueurs d'échanger entre eux, comme le confirme le Brésilien : « Oui c'est un sujet de discussion même si malheureusement ça ne devrait pas en être un. Mais on vit tellement ensemble qu'on se permet de demander des conseils, si un a acheté une maison, une voiture.. Je déteste parler argent avec mes collègues. Depuis le début de ma carrière, je ne m'intéresse pas aux revenus des autres mais c'est clair que certains s'intéressent à ça. Cela peut être une source de conflits à ce propos dans un vestiaire. Mais quand on regarde, si ce joueur a tel salaire, c'est grâce à ses efforts, pourquoi être jaloux ? Je ne m'intéresse pas à ce que les gens gagnent donc je ne veux pas qu'on s'intéresse à ce que je gagne. » Interrogé sur les paris, Dante a assuré qu'il n'avait jamais été témoin ni approché pour « balancer » un match et qu'une mauvaise image du footballeur avait été créée en rapport à l'argent.
« Le racisme n'est pas assez pris au sérieux dans le foot »
La question du racisme dans le sport et notamment dans le football est une interrogation récurrente après les derniers évènements (Balotelli, Prince-Désir Gouano...) et la sortie du président de la FFF, Noël Le Graët. Pour le capitaine niçois, le racisme « n'est pas assez pris au sérieux dans le foot. On en parle dans le vestiaire et on a tous adopté la même position, c'est triste de voir ça. Et là encore, c'est dommage de devoir encore parler de ça aujourd'hui. Quand c'est arrivé à Mario Balotelli (à Dijon en février 2018), je lui ai parlé. On connaît son histoire, on sait qu'il a subi d'autres incidents comme cela par le passé. C'est un des moments les plus tristes que j'aie vus dans un match. Je n'ai pas connu personnellement le racisme sur le terrain, sur mon Twitter, oui par contre. J'ai dit que cela ne me touchait pas, ils ont arrêté. En revanche, il faut taper plus fort sur ces questions dans le foot. »
« La politique ? C'est difficile, le sujet est tellement complexe »
Dante, brésilien né à Salvador de Bahia, a rappelé combien il lui était difficile de critiquer la politique mise en place par Jair Bolsonaro quand bien même ce dernier a qualifié les Noirs de « malodorants et non éduqués ». Pour lui, il n'y a même pas de débat : « Est-ce que quelqu'un pense que son discours est bon ? S'il vous plaît... » Interrogé sur sa position envers les personnalités comme Juninho, qui avait publiquement critiqué le président, le capitaine reconnaît un manque de légitimité : « Moi, si je me positionne, les gens là-bas vont dire : "Écoute, t'es parti en Europe à 16-17 ans, tu ne vis pas la merde qu'on vit et tu veux parler ? C'est nous qui mourons de faim ici, toi tu es bien ". Juninho est très connu, humble et était crédible, moi de l'autre côté du monde, on va me dire : "Qu'est ce que tu parles ? Tu es plus européen que brésilien". Dans le vestiaire, on en parle peu. C'est difficile, le sujet est tellement complexe. La politique n'est pas le premier sujet de conversation. »
« On a tout pour bien récupérer, pas besoin de dopage »
Peu ou pas associé au football, le dopage n'est pourtant pas absent des discussions ni même du domaine du ballon rond, puisque les joueurs subissent des contrôles tout au long de la saison. Cependant, le Brésilien estime qu'aujourd'hui les joueurs ont tellement à perdre, que les techniques de récupération sont tellement diverses et que les contrôles sont suffisamment réguliers pour que le foot ne soit peu ou pas concerné par ce phénomène. « Je pense qu'on a conscience de l'importance de ce sujet-là et de ne pas faire cette grosse erreur, estime Dante. On n'a pas besoin de dopage, on n'a même pas besoin d'y penser, on a tout ce qu'il nous faut pour récupérer, se nourrir, se préparer mentalement... Je pense que le foot est un sport collectif bien préparé pour ne pas avoir besoin de trucs comme ça. Quand tu joues, tu as besoin de ta tête, les jambes ne sont que tes outils. L'an dernier, j'ai subi 3 contrôles mais cela peut dépendre. Personnellement, on ne m'a jamais proposé de produits interdits. »
« Son choix, c'est son choix »
Dernier sujet tabou dans le milieu du sport évoqué dans l'interview, la question de l'homosexualité. Celui qui compte 160 matchs avec le maillot azuréen confirme qu'il « peut arriver d'en parler. Ce n'est pas un sujet sur lequel on dit : " On ne veut pas en parler, on ne veut même pas écouter". Non. On respecte la décision des gens et la société comme elle est. Après, c'est clair qu'on trouve parfois dans le foot des gens un peu plus machistes. (...) On vit dans un monde qui a beaucoup évolué, qui est ouvert à tous les sujets. Il faut comprendre que cela reste le choix de la personne. Il ne faut pas regarder la fin mais le départ. À la fin, on dit : " Allez, décide si tu dois le dire ou pas". Mais si je me place en tant que capitaine, c'est quoi l'intérêt premier du groupe ? Avoir un bon état d'esprit, soudé, avec une bonne cohésion. S'il y a des sujets qui mettent une pression sur mon collègue, je vais le mettre à l'aise avec ça et lui dire : " Fais ce que tu veux ". L'objectif est qu'il se sente le mieux possible pour nous aider sur le terrain. Son choix, c'est son choix, on doit le respecter. On n'a pas à gérer la vie des autres. En revanche, il n'y a pas de place pour l'homophobie. Nous sommes des exemples et nous devons être vigilants à ce que l'on dit. »