Les clubs français vers la catastrophe ?

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le jeudi 15 juillet 2021 à 14h05

Le président de la DNCG livre un tableau pessimiste à propos de l'avenir des clubs français.

La France possède une institution que beaucoup de pays n'ont pas. Elle fait souvent trembler les clubs qui doivent se mesurer à elle pour donner des garanties et être certains de continuer dans leur Championnat. Comme par exemple Bordeaux ces derniers jours. Cette fameuse instance, c'est la Direction nationale du contrôle de gestion, plus connue sous le nom de DNCG. Jeudi matin, elle fait parler d'elle, car son directeur dresse un très inquiétant constat au sujet des clubs français.


« En deux saisons, ils ont perdu 700 M€ de recettes : 400 millions de droits télévisés et 300 millions de transferts, détaille Jean-Marc Mickeler, le patron de la DNCG dans L'Equipe. Quand on ajoute les autres éléments liés la crise du Covid (billetterie, sponsoring), on arrive à une perte de 730 M€ en 2020-2021, qui tient compte d'un abandon de créances de plus de 250 M€ des actionnaires. Les clubs avaient déjà perdu 269 M€ lors de l'exercice précédent. Mais il y a plus inquiétant. Avant transferts, on est sur une perte d'exploitation de 1,4 milliard d'euros (contre 1,2 milliard la saison précédente). On mesure l'ampleur des dégâts. D'autant que les capitaux propres des clubs ont été divisés par quatre en deux ans. Et que l'endettement s'est envolé. Il y avait 500 M€ de dettes à la fin de la saison 2018-2019. On est à plus de 1 milliard aujourd'hui. Les clubs sont financièrement exsangues. On est à l'os. »

Le patron de la DNCG : « Les clubs prévoient de faire 850 M€ de plus-values sur les transferts. Ce qui est un montant totalement irréaliste »

Le constat est particulièrement préoccupant, même si des choses ont été faites. « Il a fallu stopper l'hémorragie avant de songer aux remèdes. Avec la Ligue, la DNCG et l'État, on a fait en sorte que le football français puisse bénéficier de tous les dispositifs d'aides pour les secteurs en crise. La Ligue, avec le soutien de l'État, s'est mobilisée avec le PGE (prêt garanti par l'État) pour se substituer à Mediapro et éviter l'accident industriel. Dès le mois de mars, la DNCG a travaillé avec les clubs pour les sensibiliser au fait qu'on allait assouplir un certain nombre de règles, mais tout en étant intransigeants sur la sécurisation de la trésorerie pour la saison à venir. C'est ce qui nous a permis d'être dans une situation où il n'y aura pas de rétrogradations en divisions inférieures cet été », souligne Jean-Marc Mickeler qui ne peut toutefois pas assurer que tous les clubs finiront la saison.


« L'absolue garantie, je ne peux pas la donner, indique-t-il. Si la France devait affronter une quatrième vague de Covid avec zéro jauge, si les 330 M€ (pour les deux matchs de Canal +) venaient à ne pas être au rendez-vous, on ne pourrait pas exclure des dépôts de bilan sur la saison 2021-2022. Mais ce n'est pas le scénario central. » « Il y a un milliard d'euros de dettes sur les clubs, assène ensuite le boss de la DNCG. Cela veut dire que la plupart vont avoir besoin de générer du trading actif dans les années à venir pour s'en sortir. Pour la saison 2021-2022, on a un prévisionnel de pertes avant transferts de plus de 1,3 milliard d'euros. Les clubs prévoient de faire 850 M€ de plus-values sur les transferts. Ce qui est un montant totalement irréaliste. »

« Des mesures doivent être prises sans délai »

Les clubs de l'Hexagone semblent courir à la catastrophe selon Mickeler qui n'exclut pas des dépôts de bilan à l'issue de la prochaine saison. « Car avec 1 milliard de dettes, zéro fonds propre, une exploitation qui dégage plus de 1 milliard de pertes, il n'y a plus d'établissements financiers ou de fonds qui accepteront de financer le football français. » « Il faut être extrêmement courageux sur la réforme du modèle. Des mesures doivent être prises sans délai. Les clubs doivent réduire leur masse salariale. Il faut limiter à 25 le nombre de joueurs sous contrat, hors ceux formés au club, énumère le dirigeant. Aujourd'hui, en moyenne, on est à 37 joueurs par club en L1. Sept clubs ont plus de 40 joueurs sous contrat ! Cela n'a pas de sens. Il faut aussi réglementer l'usage des prêts afin d'éviter les mesures de contournement. Le troisième élément est le salary-cap. J'ai beaucoup écouté ceux qui disent, depuis des années, qu'en le mettant en place, on allait altérer la compétitivité du football français... Je n'y crois pas un seul instant si on fait un salary-cap qui encadre la masse salariale globale et qui n'empêche donc pas de payer un joueur le tarif que l'on veut si cela rentre dans l'enveloppe. » « Sans réforme volontariste, courageuse et immédiate, il n'y a pas d'issue au-delà de la saison à venir », conclut le président de la DNCG sur un air grave.

Vos réactions doivent respecter nos CGU.