Portrait : Stan Smith, ancien n°1 mondial, a trouvé chaussure à son pied

Portrait : Stan Smith, ancien n°1 mondial, a trouvé chaussure à son pied©Panoramic, Media365

Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 11 février 2022 à 14h42

Si vous avez déjà porté une paire de Stan Smith durant ces 50 dernières années, vous avez rendu un certain hommage à un des plus grands joueurs des années 1970. Et il est probable que vous n'en saviez rien...

Ils sont deux. Mais là où Michael Jordan n'a eu aucun mal à laisser sa trace dans l'histoire du sport, et pas seulement dans celle de l'industrie mondiale de la chaussure, beaucoup moins de personnes savent que Stan Smith était lui aussi un des plus grands joueurs de sa discipline. "Très peu de gens savent que j'ai joué au tennis", confesse-t-il ainsi lui-même (pour L'Equipe). Le Californien, maître du service-volée dès les années 1970, a remporté l'US Open en 1971 et Wimbledon en 1972, une année qui l'a consacré n°1 mondial. Il a aussi très fortement marqué la Coupe Davis, en la gagnant cinq fois de suite avec les Etats-Unis de 1968 à 1972, puis encore à deux reprises en 1978 et 1979. Vainqueur également du premier Masters en 1970, c'est bel et bien en 1972 que Stan Smith a connu sa saison la plus faste.

Ilie Nastase en a été le témoin le plus direct, le plus malheureux aussi. D'abord en perdant en cinq sets cette finale de Wimbledon passée à la postérité (4-6, 6-3, 6-3, 4-6, 7-5). A 5-5 sur son service dans la dernière manche, l'Américain est mené 0-40 et sauve donc miraculeusement un break qui aurait pu s'avérer insurmontable. "A ce moment-là, j'ai prié." Au lieu de quoi, il enfonce donc le clou dans la foulée. "Cette finale reste un souvenir particulier." Après la balle de match, il enjambe le filet pour aller saluer son ami. Puis il y a donc eu la Coupe Davis : trois mois plus tard, le 13 octobre, le premier match de la finale oppose à nouveau Stan Smith à Nastase. Le premier nommé l'emporte encore, cette fois plus facilement, en trois sets (11-9, 6-2, 6-3).

"La majorité des gens ne sait pas qui je suis"

Cette confrontation est restée dans les plus anciennes mémoires en raison de son atmosphère délirante à Bucarest, Ion Tiriac emmenant avec lui les bouillants spectateurs pour mettre une pression éhontée sur les arbitres. "J'ai perdu beaucoup du respect que j'avais pour vous", soufflera Stan Smith à son adversaire, battu en cinq manches (4-6, 6-2, 6-4, 2-6, 6-0) et qui laissa donc le natif de Pasadena apporter le point décisif à son pays. La classe toute britannique du grand et longiligne Stan Smith (1,93 m) était simplement plus forte que tout cette semaine-là, ce dernier ayant également remporté le troisième point du double, survolé en compagnie d'Erik Van Dillen contre la paire Nastase - Tiriac (6-2, 6-0, 6-3).

Un an plus tôt, Stan Smith avait donné son nom à la fameuse chaussure d'Adidas, qui existait depuis 1964 mais portait d'abord le patronyme d'un joueur français, un certain Robert Haillet. Vendues à plus de 40 millions d'exemplaires, les Stan Smith ne cessent d'imprimer un paradoxe sympathique chez l'intéressé qui, à 75 ans, a désormais largement l'habitude de devoir rappeler qu'il est un homme avant d'être un textile. "Un jour ma fille, treize ans à l'époque, est venue me voir en me disant 'Papa, c'est génial, t'es hyper connu, y a ton nom dans une chanson de Jay Z !' Je lui ai demandé qui était Jay Z (rires) Je disais que 95 % des gens ayant des Stan Smith ne savent pas que j'existe. Ma femme m'a dit que c'était plutôt 99 %..."


Stan Smith continue de s'émerveiller de cet héritage ayant traversé les temps, forcément reconnaissant (pour GQ) : "Les derniers modèles ont mon nom en doré sur le côté, et aussi sur le talon, sur la languette. Et mon visage. Et ma signature ! Malgré tout, je sais très bien que la majorité des gens ne sait pas qui je suis." D'ailleurs, pourquoi le logo de la chaussure ne représente-t-il pas cette moustache qu'il a pourtant toujours arborée ? Il répondait encore à L'Equipe : "Je l'ai toujours portée depuis 45 ans, sauf pendant quelques mois il y a très longtemps, précisément à la période pendant laquelle la photo qui sert au logo a été prise. C'est ainsi !" Stan Smith était au bon endroit, au bon moment, mais sa gentillesse et son humilité jamais démenties permettent d'affirmer qu'il l'a bien mérité.

Avec son compatriote Bob Lutz, il a largement étoffé son palmarès en double durant plusieurs années, celui-ci devenant même plus conséquent qu'en simple : cinq tournois du Grand Chelem remportés, quatre US Open (1968, 1974, 1978, 1980) et un Open d'Australie (1970), ainsi que sept finales (Roland-Garros en 1971 avec Tom Gorman, l'US Open en 1971 et Wimbledon en 1972 avec Van Dillen, les quatre autres avec Lutz à Roland-Garros et Wimbledon en 1974, puis encore à Wimbledon en 1980 et 1981). Leur dernier succès à Flushing Meadows a été acquis en 1980 contre Peter Fleming et John McEnroe, qui prenaient leur revanche l'année suivante comme une ultime passation de pouvoir, devant le public américain.

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