Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 24 avril 2020 à 12h09
Meneur de jeu virtuose auteur de deux buts en finale de la Coupe du Monde 1998 puis devenu star mondiale, Zinédine Zidane fait partie de l'histoire du sport. Joueur multi-titré au caractère réservé mais capable de coups de sang mémorables, « Zizou » a réussi partout où il est passé. Y compris dans sa deuxième vie d'entraîneur.
Son seul nom suffit à illuminer un visage. Zidane. Une légende vivante ce Zinédine Zidane, ce « Zizou », affectueusement surnommé comme s'il était un membre de la famille. Il fait partie de l'histoire du sport français, c'est un fait incontestable. Sa technique raffinée, son élégance ballon au pied, son palmarès, sa réussite, son image : tout en faisait le gendre idéal quand il jouait. Hormis quelques incartades, qui ont également forgé le personnage par son côté plus sombre. Son succès s'est même poursuivi après sa carrière de joueur et continue aujourd'hui en tant qu'entraîneur. Même vingt-deux ans après le titre de Champion du Monde, Zidane reste au top. Fascinant.
Star mondiale, il est entré pour toujours dans la vie des Français le 12 juillet 1998. Grâce à deux coups de tête, dans le ballon, il contribuait largement à abattre le Brésil en finale de la Coupe du Monde (3-0) dans un Stade de France incandescent. Numéro 10 de meneur de jeu dans le dos, il permettait aux Bleus d'être Champions du Monde pour la première fois. Adulé par tout un peuple, son crâne rasé s'affichait ensuite sur l'Arc de Triomphe, tel un Chef d'Etat. « Zidane président », pouvait-on lire sur le célèbre monument. Des « Zizou président ! » étaient scandés par les millions de personnes ivres de bonheur, descendues dans les rues pour fêter la grande victoire comme cela ne s'était plus vu depuis la Libération en 1945. Cela situait la portée d'une telle aura. Une popularité qui dépassait largement les terrains pour un héros humble dont la marionnette des Guignols devenait l'une des plus connues et un homme au grand cœur (il s'est notamment engagé pour l'association ELA) prisé des publicitaires.
Son père, Smaïl, son héros
Des succès et un statut d'icône qui en font le plus grand joueur de foot et plus grand sportif de l'histoire du sport français ? Ça se discutera toujours... Il a ses partisans comme Michel Platini a les siens. Deux époques différentes. Zidane a quasiment tout gagné et a été surtout sacré Champion du Monde, quand « Platoche », au palmarès également imposant, a raflé trois Ballons d'Or d'affilée, était davantage buteur et s'est affiché comme un grand leader, plus naturel que le « Ziz ». Sans oublier que l'ancien n°10 de Saint-Etienne et de la Juventus n'a jamais été expulsé. Le débat sera toujours vif et impossible à départager.
Ce destin et cette notoriété, le petit Zinédine, Yazid comme l'appelle son entourage, était probablement très loin de les envisager durant son enfance. Né le 23 juin 1972 à Marseille, il a grandi dans le quartier de la Castellane dans une famille modeste et nombreuse. Elevé avec des valeurs simples mais essentielles, le gamin est le petit dernier. Il vit avec ses trois frères et sa sœur, des parents aimants et protecteurs, dont son père Smaïl. Son héros aux nombreux sacrifices qui a quitté son village de Kabylie, en Algérie, en 1953 pour rallier l'Hexagone. Un papa ouvrier parfaitement intégré qui, stressé, ne regardera jamais les futurs matchs de son rejeton, préférant marcher loin de la télévision.
Repéré malgré une bourde en tant que... libéro
Zinédine Zidane est timide mais possède déjà un certain caractère. « Le caractère de Yazid est un condensé de tous ceux de la famille : il allie la réserve à l'exubérance. "Votre fils, on ne l'entend pas... mais alors qu'est-ce qu'il remue", me confie l'institutrice. Puis elle ajoute "Zinédine est très dissipé, c'est vrai, mais on lui pardonne tout" », confiait Smaïl Zidane dans son autobiographie parue en 2017. Cela va se répercuter sur les terrains. Peu intéressé par l'école, le jeune garçon préfère le foot et le judo. Le ballon rond prend vite le dessus et sa technique se développe. Ses dribbles font merveille et après avoir été repéré, malgré une bourde en ratant un petit pont dans sa surface de réparation alors qu'il est aligné libéro, il rejoint le centre de formation de l'AS Cannes en 1987.
Le 20 mai 1989, le meneur de jeu effectue ses débuts en Division 1 contre le FC Nantes de Didier Deschamps et Marcel Desailly, ses futurs coéquipiers en équipe de France, puis étoffe son bagage. De 1989 à 2006, Zidane va enchanter les spectateurs et téléspectateurs sur les terrains verts. Son grand talent l'envoie à Bordeaux où il va grandir sous les ordres de Rolland Courbis. Avec ses potes Christophe Dugarry et Bixente Lizarazu, il emmène les Girondins jusqu'en finale de la Coupe de l'UEFA, la C3, rebaptisée Ligue Europa depuis. En 1995-96, Zidane inscrit notamment un but d'anthologie de quarante mètres du pied gauche face au Betis Séville et participe à l'élimination du grand AC Milan en quarts de finale après un match retour fantastique. Battu 2-0 en Italie, les Bordelais renversent les Lombards au retour (3-0) grâce notamment à deux buts de Dugarry, servi sur deux passes décisives de « Zizou ». Désigné meilleur joueur du Championnat de France, Zidane, qui a réalisé des débuts tonitruants en équipe de France le 17 août 1994 (doublé contre la République tchèque lors de sa première sélection après être entré à la 63eme minute, 2-2 après avoir été mené 2-0), mène les Bleus en demi-finales de l'Euro 1996 et file à la Juventus Turin.
Progression physique et tactique à la Juventus, plus gros transfert de l'histoire en passant au Real
Après des débuts compliqués, le prodige du ballon rond va sensiblement progresser physiquement ainsi que tactiquement grâce à Marcello Lippi. Au contact d'Antonio Conte, Ciro Ferrara, Paolo Montero, Alessandro Del Piero et Didier Deschamps, son palmarès va gonfler. Durant cinq ans, il enchaîne les actions de classe et les services décisifs pour Del Piero, Christian Vieri, Alen Boksic, Filippo Inzaghi et David Trezeguet. Il remporte deux Championnats (1997, 1998), une Supercoupe d'Europe (1996), une Supercoupe d'Italie (1997) et une Coupe Intercontinentale (1996). Mais échoue deux années de suite en finale de la Ligue des Champions en 97 et 98. Un accroc réparé en 2002 sous le maillot du Real Madrid.Sacré Ballon d'Or France Football en 1998, Zidane ne pouvait en effet qu'atterrir dans le meilleur club au monde, la célèbre équipe au maillot blanc qu'il rallie pour 75 millions d'euros en juillet 2001. Une somme faramineuse à l'époque qui en fait le transfert le plus onéreux de l'histoire.
Toujours accompagné de Véronique et de sa famille
Comme à la Juve, les premiers pas sont hésitants mais le Français va conquérir ses nouveaux supporters et son nouveau pays, celui d'origine de sa femme Véronique, épousée en 1994, sans qui il n'aurait pu atteindre les sommets et qui lui a offert quatre fils. Sa conduite de balle, ses arabesques, sa grâce (un film lui sera même consacré en le filmant sur un match entier), ses accélérations et ses quelques buts, souvent spectaculaires, marquent les mémoires. Comme celui qui offre la C1 en 2002.
Le chef d'œuvre en finale de Ligue des Champions
Face au Bayer Leverkusen (2-1), Zidane signe l'une de ses plus belles réalisations dans un match qui compte. Derrière un centre de Roberto Carlos, le numéro 5 du Real délivre une sensationnelle reprise de volée du pied gauche, un geste sur lequel de nombreux joueurs se seraient rompus les ligaments du genou. La Ligue des Champions enfin glanée, le milieu offensif décroche sa seule Liga l'année suivante (2003) au côté des Galactiques, Ronaldo, Luis Figo et Raul. Malgré la venue, ensuite, de David Beckham, les saisons d'après seront blanches mais Zizou est parti la tête haute en 2006 après avoir régalé les socios durant cinq saisons. Il a marqué pour son dernier match à Santiago-Bernabeu et fait trembler les filets lors de son ultime sortie face au FC Séville.
L'un des plus grands joueurs de l'histoire au côté des Pelé, Maradona, Cruyff, Ronaldo, Di Stefano ou Platini conclura sous le maillot de l'équipe de France avec qui il a écrit les plus belles pages de sa magnifique carrière. Vainqueur de la Coupe du Monde 1998, il aura réalisé sa compétition la plus aboutie lors de l'Euro 2000. Buteur contre l'Espagne en quarts et auteur du penalty en or face au Portugal en demi-finales, il régnera sur l'épreuve arrachée devant l'Italie en finale (2-1, but en or de Trezeguet). Sa page bleue, il l'achèvera sur une superbe Coupe du Monde 2006, malheureusement achevée par un coup de boule fatal.
Coup de boule sur Materazzi, premier coach à rafler la C1 trois années de suite
Personnalité discrète et humble, Zidane possédait un sacré tempérament. Cela bouillonnait parfois à l'intérieur. Et, quand les choses prenaient une mauvaise tournure, le joueur au crâne rasé, souvent serré de près et victime de nombreuses fautes, pouvait dégoupiller. Une face sombre qui lui a valu 14 cartons rouges tout au long de ses 17 ans de présence sur les pelouses. Les plus fameux restent celui contre l'Arabie saoudite au Mondial 98, celui avec la Juventus contre Hambourg en 2000 qui lui fera perdre un deuxième Ballon d'Or, et évidemment celui consécutif à son coup de tête sur le thorax de Marco Materazzi. L'Italien avait alors insulté sa sœur, ce que le numéro 10 n'avait pas supporté. A la 109eme minute de la finale contre l'Italie, il avait laissé à dix ses coéquipiers, battus plus tard aux tirs au but. Une deuxième étoile venait de lui filer sous le nez, et peut-être un deuxième Ballon d'Or. Un Zidane aux deux faces, mais dont on retiendra davantage ses réussites.
Très à l'aise sur les pelouses, Zizou a également réussi au bord des près. Patiemment, et contre toute attente compte tenu de son caractère réservé, l'ancien n°5 du Real Madrid s'est imposé sur le banc de l'institution espagnole. En 2018, il est, encore, entré dans l'histoire en devenant le premier entraîneur à empocher la Ligue des Champions trois années consécutivement. Dans sa nouvelle vie de coach, il est là aussi capable de dribbles déroutants. Parti de manière inattendue après ce troisième sacre continentale, Zidane est revenu en mars 2019, rappelé par Florentino Pérez, le président merengue à qui il est très lié depuis sa venue. Pour écrire un nouveau chapitre de sa fabuleuse destinée, en attendant probablement une future expérience à la tête des Bleus.