Portrait : Comment Chabal est-il devenu une icône nationale ?

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Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 01 octobre 2021 à 20h36

Sébastien Chabal n'aurait pas pu obtenir une telle aura sans de vraies qualités de rugbyman, qui ne lui auraient pas apporté l'exposition nécessaire. Mais l'ancien joueur a incontestablement su tirer profit de ses cheveux et de sa barbe.

En 2000, Sébastien Chabal a 22 ans et établit sa vie de rugbyman pro chez lui, à Bourgoin. Du haut de son 1,91 m, porté par ses 113 kg (parfois un peu plus), le troisième-ligne n'est pas encore barbu, ou si peu. Avec les Lionel Nallet, Pascal Papé et autres Julien Bonnaire en coéquipiers, il se fraie déjà un premier chemin en équipe de France, où il est régulièrement convoqué par Bernard Laporte jusqu'au Mondial 2003 en Australie. Il se brouille avec son sélectionneur, ne comprenant pas pourquoi il n'est pas plus utilisé. Son côté grande gueule n'est donc pas arrivé en même temps que ses cheveux longs, mais a toujours été bel et bien ancré en lui.

En 2004, c'est le début de la révolution pour Chabal : il décide de sauter le pas et même la Manche pour aller jouer en Angleterre, suivant son mentor Philippe Saint-André du côté de Sale. Un choix rare dans le rugby, contrairement au football, encore plus il y a une quinzaine d'années... Champion national en 2006 avec les Sharks, il retient l'attention grâce à un essai spectaculaire contre le Stade Français en Coupe d'Europe. De quoi amener Bernard Laporte à s'intéresser à nouveau à lui, à l'approche du Mondial 2007 en France. Il réapparaît ainsi sous le maillot bleu pour le Tournoi des Six Nations, sept mois avant le début de la Coupe du Monde.

Laporte : "En deuxième ligne, il pourra se concentrer sur ce qu'il aime"

Une histoire de timing. Intéressant lors du Tournoi, c'est affublé de son style qu'on connaît tant qu'il aborde ce qui restera à tout jamais comme le premier tournant de sa vie : la tournée du mois de juin en Nouvelle-Zélande. Trois mois avant le Mondial, il plaque si violemment le mastodonte Chris Masoe que ce dernier vacille sur place ; lors du match suivant, Chabal devient définitivement "Caveman" en brisant la mâchoire d'Ali Williams sur un tampon resté dans la légende. C'est aussi (et surtout ?) grâce au pays de Jonah Lomu, qui venait de faire passer son sport dans une autre dimension lors de la décennie précédente, que le Français devient une icône.

En août, un mois avant la compétition, il inscrit un essai plein de rage à Wembley pour porter les Bleus vers la victoire en Angleterre. La France se trouve une tête de gondole insoupçonnée pour aborder son Mondial à domicile. Bernard Laporte l'emmène en deuxième ligne, et non en troisième comme Chabal en a l'habitude : "En troisième ligne, il manque un peu de rugby comparé à un Imanol Harinordoquy. En deuxième ligne, il pourra se concentrer sur ce qu'il aime : le combat, les rucks." Même les spécialistes de rugby, qui se tuent à expliquer que notre nouveau monstre préféré est plus spectaculaire que réellement utile dans les grands matchs, sont obligés de s'incliner face à la "Chabalmania", qui atteindra son paroxysme contre la Namibie.

Lors de ce match le plus simple de la poule, il inscrit un essai de 50 mètres en envoyant valser trois adversaires. Le public et tous les commentateurs sont en délire, notamment Vincent Moscato qui devient complètement fou sur RMC. Remplaçant lors de l'exploit face aux All Blacks en 2007 (20-18 à Cardiff), son attitude habitée au moment du fameux haka adverse demeure aussi dans les mémoires, ainsi que ses larmes après la demie perdue contre l'Argentine. Chabal s'octroie une multitude de contrats publicitaires et devient vite le joueur français le mieux payé, en accédant également à la troupe des Enfoirés ou bien sûr en marionnette aux Guignols de l'Info. Même Clint Eastwood le contacte en 2009 en vue du tournage d'Invictus...

Démarrant dans le même temps ses expériences de consultant sur TF1 ou RMC, il revient en France et signe au Racing. Un passage tumultueux... Tout en connaissant ses dernières sélections en bleu avec Marc Lièvremont, qui ne lui accorde jamais une confiance totale (il n'est que peu utilisé lors du dernier Grand Chelem du XV de France, en 2010), il est suspendu en club en 2011 pour avoir critiqué vertement les arbitres du Top 14 : "Ils sont nuls et favorisent Castres." L'année suivante, ses difficultés avec son coach Pierre Berbizier deviennent trop importantes et le Racing se sépare de son joueur à l'amiable.

"Les mots ont été tels qu'il semblait irréversible de pouvoir continuer à travailler ensemble sereinement, explique alors le président Jacky Lorenzetti. La suite était inéluctable. Il m'a demandé de faire un choix entre lui et Pierre Berbizier." Sa carrière se termine en Pro D2, sous le maillot du LOU qu'il fait remonter en 2014. Terminant son aventure de joueur sur "la chance de finir une mission" à 36 ans, Chabal se pose plus sereinement en tant que consultant sur Canal+ depuis 2015. "Normalement, un sportif est reconnu quand il gagne un trophée, un titre, une compétition, une médaille... quelque chose, quoi ! Moi, je n'ai rien de tout ça." Mais un look. Associé à une période de sa carrière où, tout de même, il n'était pas le dernier des déménageurs.

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