Clément Pédron, Media365, publié le mardi 05 novembre 2024 à 10h32
Tout juste réélu à la tête de la Fédération Française de Rugby, Florian Grill dresse un bilan des récents évènements sportifs et extra-sportifs de ces derniers mois. L'homme de terrain veut remettre le rugby sur des bases saines et ça commence par le développement et l'amélioration des conditions de la pratique amateur et féminine sur tout le territoire. Autre point non négligeable et non négligé : les équipes de France et le plan de performance renforcé.
Florian Grill, que serait pour vous un mandat réussi ?
Le mandat réussi, ça serait qu'on ait effectivement réussi à relancer le rugby par la base et donc à redéployer le rugby dans des villages et des villes moyennes. Ce serait de mieux couvrir certains territoires qui sont des zones d'ombre pour le rugby. On a parlé de la Bretagne, il y a les Pays de la Loire, les Hauts-de-France, le Grand Est. Il y a des territoires à gagner. Ça serait qu'on ait grandement rénové les installations des clubs amateurs qui, pour certaines, sont lépreuses. Que la Fédération retrouve de l'influence et du poids au niveau international. C'est pour cette raison que l'on pousse la candidature d'Abdelatif Benazzi. Et puis, ça serait qu'on ait des performances sportives avec les tournois des VI Nations. Je parle des hommes, des femmes, des moins de 20 ans, avec en ligne de mire, la Coupe du monde en Australie en 2027 et les autres grandes compétitions. Il faut qu'on ait rétabli nos finances, qu'on ait mieux organisé la Fédération et que ça ne se fasse pas au détriment du rugby amateur. Il faut connecter tout ça. On ne peut pas avoir juste une grosse tête et un petit corps pas capable de le supporter. Quand vous savez que 50% des joueurs de nos 14 équipes de France viennent de villes ou de villages de moins de 15 000 habitants, on comprend que la relance du rugby par la base, c'est aussi un enjeu de performances.
Il y a deux semaines, vous avez été réélu à la tête de la Fédération Française de Rugby avec 67,22 % des voix contre 32,78 % pour votre adversaire Didier Codorniou. Cette campagne électorale s'est déroulée dans un contexte sensible, comment en êtes-vous ressorti ?
Ce qui a été éprouvant, c'est plutôt le drame de l'été avec Mehdi (Narjissi, disparu en mer le 7 août dernier en Afrique du Sud où il se trouvait avec l'équipe de France). Je suis sur le terrain tous les week-ends depuis huit ans donc ce n'est pas les déplacements qui me posent problème. Je suis surtout sorti rincé par les difficultés qu'on a pu rencontrer cet été. Après, je suis transcendé par l'enjeu, ce que représente le rugby dans la société et tout ce qui peut lui apporter de très positif. Je suis très motivé, j'ai une formidable équipe autour de moi. Je nous considère en mission. Il faut se battre pour que le rugby se développe, se battre pour que le rugby puisse bénéficier à plus de monde, se battre pour que le rugby féminin prenne son envol. On s'est fixé un cap ambitieux de 100 000 licenciés féminines, je n'ai aucun doute sur la pertinence qu'il y a à mener ce combat.
Vous attendiez-vous à un contexte aussi sensible au moment des élections avec les évènements de l'été ?
Non, je ne m'attendais pas du tout à ça. Mais j'ai envie de dire, tournons la page. On a quatre ans pour développer le rugby, je n'ai pas envie de commenter et de ressasser. Il y a quinze mois quand on a été élu juste avant la Coupe du monde, on a apaisé le rugby, on a tendu la main. Aujourd'hui, le rugby n'a pas assez de bénévoles pour se priver d'une partie d'entre eux. Je tends la main à toutes les bonnes volontés pour qu'on construise le rugby. Parce que nous, on n'est que de passage, mais le rugby, c'est au-dessus de tout ça. Je ne m'attendais à ce que ça soit dur mais peu importe, c'est du passé.
Qu'est-ce qui a fait la différence selon vous dans les urnes ?
Je pense que ce qui a fait la différence, c'est que ça fait huit ans qu'on a travaillé à polir un projet, que ça fait huit ans qu'on est sur le terrain tous les week-ends. J'ai une équipe autour de moi ultra compétente et ultra motivée que les clubs connaissaient. C'est cette expertise, cette présence permanente sur le terrain et puis un projet qui est abouti parce que ça fait huit ans qu'on travaille dessus.
Avez-vous eu envie de tout arrêter ?
Oui. Suite à la disparition de Mehdi, je me suis posé la question de démissionner. J'ai réfléchi, Jean-Marc Lhermet (vice-président) et Sylvain Deroeux (secrétaire général), pareil. Notre responsabilité, notre devoir, c'était au contraire de gérer avec dignité et dans la transparence. On réagit aussi en père de famille, pas simplement en président.
Comment parvient-on à faire face ?
On se dit que la difficulté n'est rien par rapport à ce que vit la famille et que notre responsabilité, elle est d'abord tournée vers la famille. Démissionner, c'était la facilité. Au contraire, on a fait un rapport d'enquête qui est dur pour le staff, qui est dur pour la Fédération et donc pour son président, et qui est dur pour le ministère aussi. Mais on a tenu l'engagement de la transparence, de la dignité et de la responsabilité.
Et concernant les affaires, « Jaminet » (auteur de propos raciste, suspension de 34 semaines) et « Auradou-Jegou » (mis en examen pour viol avec violence, leur demande de non-lieu n'a pas encore été jugée) lors de la tournée en Argentine...
(Il coupe) On a bossé. On a sorti un nouveau cadre de vie pour les équipes de France qui n'est pas un plan de contrôle, qui est un plan de performance renforcé. Tout le monde comprend très bien. C'est porté par Fabien Galthié, par l'ensemble du staff et les joueurs qui ont compris l'enjeu que l'hygiène de vie faisait partie de la performance d'un sportif de haut niveau. Les choses sont mises en place. On avait dit qu'il y aurait un avant et un après. Il y a un avant et un après. Et tout le monde est bien au courant maintenant que le régime de sanctions existe et qu'on n'aura pas la main qui tremble.
L'équipe de France s'apprête à participer à sa tournée d'automne. C'est le premier rassemblement depuis l'élimination en Coupe du monde contre l'Afrique du Sud et les derniers événements extra-sportifs, qu'est-ce que vous inspire ce rassemblement ?
Je suis content qu'on parle à nouveau de rugby. Il y a trois matchs qui vont être passionnants avec le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Argentine. On a aussi le retour d'Antoine Dupont comme capitaine. C'est lui le dernier à avoir foulé avec succès la pelouse du Stade de France avec son titre de champion olympique de rugby à VII. Ça a merveilleusement lancé les Jeux Olympiques de Paris 2024.
Vous parliez justement d'Antoine Dupont, qu'est-ce que vous inspire ce retour ?
J'ai d'abord un immense respect pour ce joueur qui fait du bien au rugby. Après, je vais toujours mettre en avant l'équipe. C'est d'ailleurs ce que fait Antoine. On a une perle avec nous et qui en plus, d'un point de vue humain, est extrêmement inspirant par son intelligence, son professionnalisme, son humilité. J'espère qu'Antoine, avec en plus la casquette de capitaine que le staff lui a demandé de porter, sera une inspiration pour tous les joueurs.
Vous attendiez-vous à ce qu'Antoine Dupont réussisse autant à 7 ?
En tout cas, on a fait le pari, mais on ne s'est pas trompé. Avec Jean-Marc, on a validé les conditions dans lesquelles Antoine, en lien avec le Stade Toulousain, en lien avec le staff de l'équipe de France, avec Jérôme Daret (sélectionneur de rugby à VII), a pu nous rejoindre pour participer à ces Jeux Olympiques de Paris 2024. Tout le monde a fait ce qu'il fallait, y compris Antoine. Ça a été une vraie réussite. Après, n'oublions pas quand même qu'il y avait une équipe de France à 7 performante avant lui. Après, évidemment, l'apport d'Antoine est indéniable avec cette première médaille d'or à Los Angeles depuis 19 ans, cette médaille de champion du monde à Madrid. Et ensuite, le titre olympique.
Quels sont les objectifs de cette tournée d'automne ?
Ce ne sont pas les objectifs du président qui changent quoi que ce soit. On a envie de retrouver notre public, on a envie de retrouver le sourire qu'on a connu pendant les Jeux. On a envie de retrouver l'ambiance incroyable de fraternité, où les supporters se mélangent comme lors de la Coupe du monde chez nous. On a envie de retrouver ces bonheurs-là, de les partager avec la Ligue nationale de rugby, avec qui on travaille main dans la main. Je pense que le rugby français est fort quand la Fédération et la Ligue, se parlent d'une seule voix et c'est vraiment le cas. On bosse ensemble pour développer le rugby et lui donner la belle image qu'il mérite.