Rédaction Media365, publié le mardi 18 mai 2021 à 21h00
Karim Benzema est donc de retour en équipe de France. Cela s'explique notamment par son niveau de jeu affiché ces dernières années.
En football plus qu'ailleurs, il y a des mots qui collent à la peau. Demandez-donc à Didier Deschamps : culture de la gagne, pragmatisme. Les termes lui vont comme un gant parce qu'ils définissent autant sa méthode, opérationnelle, que son approche globale du métier. Le sélectionneur des Bleus ne s'en est jamais caché : la ligne d'arrivée lui importe plus que le chemin à emprunter. Prime à la finalité. Or, depuis quelques années, une fracture avec un joueur de très haut niveau avait suffi à égratigner sa philosophie. Touché, rancunier, Deschamps le Basque a été poussé dans ses retranchements mais l'histoire retiendra que son pragmatisme a repris le dessus. En homme de devoir qu'il est. Comme d'autres bannis avant lui, Karim Benzema fait son retour en équipe de France.
Dialogue et performances, ce qui a fait pencher la balance
Écarté des Bleus en 2015 après un feuilleton extra-sportif, Benzema a été engouffré dans un tourbillon qui lui a certainement échappé. Le silence tabou entre ces deux-là a longtemps contrasté avec les commentaires extérieurs, médiatiques ou politiques. Il a été rompu. Il est ici question d'humain. Le foot est un reflet de la vie. Le dialogue y est primordial, comme partout. « Je n'ai pas la capacité de revenir en arrière, ni Karim. Le plus important, c'est aujourd'hui et demain. Il y a eu des étapes importantes. Une, très importante, où l'on s'est vus, où l'on a discuté longuement. A partir de là, j'en suis arrivé à prendre cette décision-là. Je ne vais pas vous dévoiler un mot de la discussion, cela nous regarde tous les deux », a expliqué le sélectionneur sur TF1 et M6.
Surtout, Karim Benzema est aujourd'hui la tête de gondole du Real Madrid, et c'est bien la raison principale de ce comeback inattendu. Deschamps encore : « En le sélectionnant, je considère qu'en faisant ce choix-là c'est pour le bien de l'équipe de France. Et que l'équipe de France est censée être meilleure avec lui ». Depuis sa dernière sélection à l'automne 2015, contre l'Arménie, le numéro 9 du Real a ajouté suffisamment de cordes à son arc pour faire basculer son destin.
Son rôle de buteur pur, déjà. À savoir sa fonction première. À Madrid, le départ de Cristiano Ronaldo a permis à Benzema de s'attribuer le capital-but de l'équipe, sans atténuer pour autant les autres attributs de son jeu. Plus concentré sur sa finition, le Français reste influent dans la création et la construction. En d'autres termes, le facilitateur, créateur et passeur qu'il a toujours été assume pleinement sa fonction de buteur. Benzema se refuse à n'être qu'un homme de chiffres, mais ses chiffres, justement, lui sont salutaires, aujourd'hui : 30 pions toutes compétitions confondues il y a deux ans, 27 la saison passée, 29 actuellement. L'attaquant nage tout simplement dans les mêmes eaux que Messi. Cela fait toujours son effet.
La seconde corde ajoutée concerne un aspect très précis de sa palette : le jeu aérien. Un point plus important qu'il n'y parait pour Deschamps. Parce qu'il concerne les deux surfaces. Et parce qu'Olivier Giroud, que l'on oppose à tout-va à Benzema depuis le départ, s'est toujours distingué par cette spécificité. Aujourd'hui, dans son style à lui, l'enfant de Bron est bien une référence du genre, avec un sens du timing bonifié au fil des années. En cela, le Benzema de 2021 n'est pas un autre joueur, mais un meilleur joueur.
Griezmann - Mbappé - Benzema : en plus de faire rêver, l'association a du sens
Mariées à sa justesse technique naturelle pour donner de la continuité au jeu, ces habitudes nouvelles de neuf pur et dur ont certainement fait pencher la balance. Elles donnent plus de pertinence à son jeu, surtout dans le logiciel de l'équipe de France. Le pragmatisme se situe là : mesurer le rapport bénéfice - risques. En s'octroyant des qualités étiquetées Giroud sans jamais renier les siennes, Benzema a réglé une grande partie de l'équation. Maintenant, tout cela devra se traduire sur le rectangle vert.
On touche du doigt l'ultime raison. Cet appel d'une combinaison fantastique de talents, associant trois des attaquants les plus brillants de leur époque. En dépit de son différend avec le bonhomme, Didier Deschamps n'est pas fou. L'influence d'Antoine Griezmann et l'émergence de Kylian Mbappé lui ont permis de décrocher l'étoile au terme d'une épopée exceptionnelle, mais le vécu de sa première vie de champion du monde lui rappelle cette vieille règle, selon laquelle il faut savoir changer, un peu, pour continuer à régner. L'enchaînement 1998-2000 avait été le fruit d'une évolution, sans révolution. La tranche 2018-2021 doit s'inscrire dans le même ordre d'idée.
Karim Benzema parle le même football qu'Antoine Griezmann et Kylian Mbappé. Il a couvé le premier, encensé le second. Les grands joueurs s'observent, se reniflent. Leur désir commun à jouer ensemble est la première condition du succès. Eu égard à la situation d'Olivier Giroud, un rôle d'avant-centre titulaire attend Benzema. Avec ce schéma, l'intelligence de jeu, la générosité et le flair d'Antoine Griezmann seront précieux dans cette quête d'équilibre, où les compensations sont obligatoires - costume que le Mâconnais a déjà endossé en Russie pour laisser la lumière à Kylian Mbappé. Devenu une incroyable machine à scorer, le prodige de Bondy est dans la rupture. L'accélération. L'explosion.
Il y a donc un sens à associer ces trois grands footballeurs aux approches bien distinctes. Parce que ce sont trois fortes personnalités, animées par une même destinée. Trois gagneurs. Trois buteurs, aussi. Parce que l'association, plurielle, semble idéale pour optimiser largeur et profondeur ; marier sens de l'organisation, justesse dans la construction et exceptionnelle capacité de percussion. C'est forcément prometteur, sur le papier. Mais l'histoire reste à écrire, désormais. Elle est entre leurs pieds...