JO 2012 : Agnel marche sur l'eau, un 4x100 m dans la légende

JO 2012 : Agnel marche sur l'eau, un 4x100 m dans la légende©Media365

Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 30 juillet 2021 à 21h36

Yannick Agnel a porté tout un pays vers les sommets à Londres, il y a neuf ans. Parfaitement laissé dans les clous par ses trois camarades du relais, il finissait alors de gagner à lui tout seul une mythique médaille d'or olympique.



En 2012, le relais 4x100 m français arrive à Londres avec une étiquette plus que solide : six médailles lors des six derniers grands championnats, le bronze aux Championnats d'Europe 2006 puis aux Mondiaux 2007, l'argent aux Jeux 2008, le bronze aux Mondiaux 2009, l'argent aux Championnats d'Europe 2010 puis aux Mondiaux 2011. Toujours placé mais jamais gagnant, donc. Pas encore... Fabien Gilot est le dénominateur commun, présent dans ces six courses et qui fait la passe de sept à l'Aquatics Centre, au sein du Parc olympique de Stratford. Mais celui qui vient tout bouleverser s'appelle Yannick Agnel. Engagé parmi le relais argenté de 2010 à Budapest, où il a éclos à la face du monde à seulement 18 ans, il dispute sa première finale olympique.

Mieux que ça, Agnel intègre le relais uniquement pour cette finale. C'est Gilot qui remplace Alain Bernard, la jeune tornade niçoise suppléant de son côté Jérémy Stravius. Par rapport au relais de 2008, Clément Lefert fait également office de nouveau. Au contraire d'Amaury Leveaux, autre témoin de cette défaite à Pékin face aux Etats-Unis, pour huit minuscules petits centièmes. Des regrets qui ne seront finalement pas éternels. Leveaux s'élance en premier et termine son aller-retour troisième à 0"24 des Américains. Face à Michael Phelps, Gilot perd du terrain mais gagne une place, deuxième à 0"76. Lefert, a priori le moins armé, réussit un excellent troisième relais en lançant Agnel à 0"55. Suffisant pour que la magie puisse opérer.

"L'impression de voler"

"Si, à un moment donné dans ta carrière et ta vie de sportif, tu dois donner quelque chose, c'est là", se souvenait Agnel l'an dernier pour France Télévisions, où il est désormais consultant pour les Jeux de Tokyo. "J'ai eu l'impression de voler sur l'eau. Il n'y a pas beaucoup de courses dans ta vie où les planètes s'alignent, où tout est facile. C'est une des plus grandes courses de ma vie. J'étais en surconfiance. Rien ne pouvait m'arriver, tout ce que je décidais de faire se déroulait exactement comme je l'avais prévu. Une journée parfaite, sans pression particulière. Juste l'envie de mettre une raclée mémorable à tout le monde (sourire)." Et pourtant, celui qui sera champion olympique du 200 m - le lendemain - se souvient d'un premier plongeon "médiocre" : "J'ai eu l'impression de prendre 1,50 m."

Mais à la nage, Agnel est juste sur une autre planète. Il sera le seul de la course à boucler son 100 m sous les 47 secondes (46"74). En direct, le consultant Michel Rousseau le sent : "Dans les 25 derniers mètres, il peut ajuster ça. Lochte n'est pas capable de finir aussi vite." Et dans ce fameux dernier quart, l'ancien nageur comprend qu'Agnel va gagner alors qu'il n'est même pas encore revenu à la hauteur de Lochte. Roxana Maracineanu en abandonne le micro pour hurler en fond. "J'ai une sensation de légèreté, je suis à fond et ça fonctionne, poursuit Agnel dans son récit de ce moment de grâce. Aux quinze derniers mètres, je sais que je suis devant. Mais je me dis de surtout continuer, de ne pas m'arrêter, car je ne sais pas si des Australiens, des Russes ou des Chinois, que je ne verrais pas, ne nous dament pas le pion..."

Les analyses scientifiques indiquent que le Français de 2,02 m, sur sa dernière ligne droite, a respiré 18 fois contre treize fois seulement pour Lochte. Son moteur est mieux alimenté, car mieux oxygéné. Sur son relais, il reprend une seconde à son adversaire américain ! "Quand j'arrive, tout est peut-être une grande blague, car je ne connais toujours pas le chrono, je n'ai jamais regardé le tableau. Je pense qu'on est champions olympiques, car je lève directement les yeux vers mes trois compères et je les vois exploser de joie comme on ne peut le faire que lorsqu'on est champions... Je me suis senti léger, fait pour ce moment. Il n'y a pas beaucoup de courses dans la vie où tout semble facile comme ça, elle en fait partie."

A chaud, Gilot n'en savourait déjà pas moins : "Il y a quatre ans, on perd pour huit centièmes, l'an dernier pour 14, autant dire rien. Cette année on gagne, je pense qu'on est récompensés de toutes ces années au plus haut niveau (...) On a l'expérience, ça fait des années qu'on est là sur le 4x100m. On gagne cette année, peut-être que l'an prochain on ne gagnera pas... Mais celle-là, on l'a. Ce relais, c'est une histoire de sept mecs, même 8 avec Bousquet qui était là il y a quatre ans." A Barcelone, aux Mondiaux de 2013, puis aux Championnats d'Europe 2014 et encore aux Mondiaux 2015, la moisson se poursuivra avec trois nouveaux titres. Florent Manaudou a dû se battre pour intégrer ce relais, preuve de l'excellence. Après une deuxième place aux Jeux 2016, l'incroyable série ne s'est arrêtée qu'en 2017.

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