Paul Rouget, Media365 : publié le vendredi 13 août 2021 à 16h05
Dernier vainqueur français du Tour d'Espagne, en 1995, Laurent Jalabert avait impressionné et réussi un rare triplé sur la Vuelta.
Ils sont huit Français à avoir réussi à remporter le Tour d'Espagne. Dont Jacques Anquetil (1963), Raymond Poulidor (1964) ou encore Bernard Hinault, à deux reprises (1978 et 1983). Le dernier vainqueur tricolore reste toujours Laurent Jalabert, sacré en 1995, soit onze ans après Eric Caritoux, l'avant-dernier lauréat hexagonal. Et depuis le triomphe de "Jaja", aucun Français n'a réussi à finir sur le podium. En 1995, c'est un Jalabert au sommet de sa forme qui l'avait emporté en Espagne. Cette saison-là, il avait déjà remporté Paris-Nice, Milan-San Remo, la Flèche wallonne et le Tour de Catalogne, finissant au pied du podium du Tour de France en décrochant une victoire d'étape à Mende.
Et il va s'emparer du maillot jaune de leader de la Vuelta dès la troisième étape, en s'imposant à Alto del Naranco. "Je vais essayer de garder le maillot encore quelques jours. La Vuelta, c'est un parcours qui convient mieux à (Alex) Zülle...", confiera-t-il alors modestement. Mais deux jours plus tard, le coureur de la Once récidive, sous la pluie, et devance Bjarne Riis à Orense pour conforter sa place de leader. Une position qui ne tiendra plus qu'à un fil lors du contre-la-montre de Salamanque. Abraham Olano termine avec le meilleur temps, et Jalabert perd vingt-trois secondes sur l'Espagnol, qui ne pointe alors plus qu'à six petites secondes au classement général. Mais il va vite reprendre ses distances.
"Je craignais de tout perdre"
Dès le lendemain, il remporte ainsi à Avila sa troisième étape, avec une facilité déconcertante. "Je me suis surpris à monter très vite. Je me disais : mais ça va bien finir par te lâcher !", assure-t-il ensuite à L'Equipe. Olano est dépassé, et accuse désormais plus de cinq minutes de retard sur le maillot jaune, plus impressionnant que jamais. Et on n'a encore rien vu. Lors de la douzième étape, il laisse d'abord la victoire à l'Allemand Bert Dietz, qui s'était échappé en solitaire. Mais trois jours après, il ne laisse à personne d'autre le soin de s'imposer à Barcelone. Il fausse compagnie au peloton à moins de deux kilomètres de l'arrivée pour venir dépasser Jesus Montoya et Orlando Rodrigues, qui pensaient se disputer la victoire.
Il ne peut alors plus se cacher. "Je suis maintenant convaincu de gagner la Vuelta. Mais par respect pour mes adversaires, je ne vais pas le crier sur les toits...", lâche-t-il tout de même. Il n'avait toutefois pas terminé de tourmenter ses adversaires. Il n'est pourtant pas très confiant à l'heure d'aborder les Pyrenées, et notamment la 17e étape, avec une arrivée prévue à Luz-Ardiden. "J'étais très inquiet, parce que j'avais pris le maillot jaune très tôt et à l'approche des dernières étapes difficiles, dans les Pyrénées, j'ai commencé à avoir mal au genou et le doute s'est installé. Je craignais de tout perdre", s'est-il souvenu il y a quelques années pour France 2.
"Lourd à porter"
Une attitude qui ne s'est pas trop ressentie tant « Jaja » a une nouvelle fois mis tout le monde d'accord. Après avoir dépassé un Richard Virenque très remuant, il dompte aussi son coéquipier Johan Bruyneel et, dans des conditions pas évidentes, va une nouvelle fois s'imposer en solitaire, et remporter ainsi sa cinquième étape lors de cette Vuelta 1995. Et c'est donc un Jalabert triomphant qui va débarquer à Madrid quatre jours après, en ayant tout raflé ou presque, puisqu'en plus du classement général, il s'adjuge aussi le classement par points et celui de la montagne, un triplé alors uniquement réalisé par Eddy Merckx (Tour d'Italie 1968 et Tour de France 1969) et Tony Rominger (Tour d'Espagne 1993).
"C'était une sacrée aventure, je garde un excellent souvenir de ce Tour d'Espagne. Mais il m'a aussi tordu le ventre. Parce que c'est beaucoup, beaucoup de stress, jour après jour. La fatigue physique est bien présente, mais nerveuse aussi. Être leader d'un grand Tour presque pendant trois semaines, c'est lourd à porter quand même, se rappelle-t-il encore pour France 2. Cette Vuelta n'a pas vraiment changé ma vie. Après ça j'ai cru que je pouvais gagner le Tour. Je ne dirais pas que j'ai pris la grosse tête mais j'ai peut-être cru que j'étais plus fort que je ne l'étais réellement. J'y ai cru mais la suite m'a montré que la marche était trop haute." Il ne parviendra effectivement plus à rentrer dans le Top 10 du Tour de France, mais finira quatrième du Giro en 1999, et vainqueur du classement par points, un qu'il parviendra à ramener également à deux reprises sur la Vuelta (1996 et 1997), où il terminera cinquième en 1998.