Thomas Siniecki, Media365 : publié le mardi 15 février 2022 à 09h30
Avant de se retrouver en 2015 en Ligue des champions (puis en 2018 et 2019), il fallait remonter à 1993 pour retrouver trace d'un affrontement entre le Paris Saint-Germain et le Real Madrid. Retour sur une nuit magique.
Le 2 mars 1993, en quarts de finale aller de Coupe de l'UEFA, le Paris Saint-Germain s'incline 3-1 sur la pelouse du Real Madrid. L'ultime but de Michel à la 89eme minute fait très mal dans la perspective d'une qualification. C'est pourtant lui qui, finalement, participera activement à écrire la légende, en obligeant ainsi le PSG à remonter ces deux buts de retard. Quinze jours plus tard, le Parc est très chaud. Il devient bouillant quand, à la 33eme minute, George Weah ouvre le score de la tête en coupant parfaitement - et puissamment - au premier poteau. Puis incandescent, bien plus tard. A la 81eme minute, quand David Ginola conclut d'une demi-volée à l'entrée de la surface une action déroulée par Valdo, George Weah puis Daniel Bravo.
Et à la 89eme, cette même minute qui avait donc vu le but de Michel pour les Merengue deux semaines auparavant, Paris s'embrase. "Je n'oublierai jamais cette feinte de frappe de Valdo. Tout le monde est par terre. C'est magnifique." Ces propos sont ceux du président de l'époque, Michel Denisot, le sourire éternellement accroché aux lèvres. Le génial Brésilien inscrit le but du 3-0. Le PSG réussit un exploit tonitruant, mais... Si les hommes d'Artur Jorge sont à l'abri d'une élimination, ils ne le sont toujours pas d'une prolongation. Et c'est Ivan Zamorano qui, à la 92eme minute, installe ce qu'on appellerait désormais une climatisation géante, en ramenant justement le Real à 3-1. L'arbitre M. Puhl accorde, à la 96eme, un ultime coup franc aux locaux.
Le Guen : "Un moment rare, parfois jamais vécu"
La performance est alors démultipliée et la soirée entre dans la légende : Antoine Kombouaré, surnommé depuis "Casque d'or", coupe à son tour de la tête en pleine surface et bat le gardien Buyo sur sa droite. Fernando Hierro ou Luis Enrique sont abasourdis. Pour Michel Platini, "ça ne pouvait pas se passer différemment" : "Je le sentais, je ne peux pas l'expliquer." David Ginola est pris d'émotion : "Je me rappelle avoir suivi la trajectoire du ballon, ça semble une éternité quand on y repense. J'étais fier pour lui, c'est un super mec." Celui qui deviendra, près de 20 ans plus tard, le premier coach du PSG sous la présidence de Nasser al-Khelaifi (il était arrivé avant, en 2009, puis a été vite été remercié au profit de Carlo Ancelotti), vit un rêve éveillé.
"C'est ma Coupe du monde à moi. C'est très fort mais je n'ai pas de souvenir, car on est léger, on vole, on plane... J'ai eu la chance de le vivre, mais ça n'arrive qu'une fois. Je le souhaite à tout le monde." "On entre dans les foyers quand on donne de l'émotion et qu'on renverse des situations incroyables, juge encore Michel Denisot. Tous les amateurs de football s'en souviennent, quelle que soit leur équipe favorite." Interrogé lundi par Eurosport, Bernard Lama se rappelle, après ce match, n'avoir "pas dormi pendant 48 heures" : "C'était impossible. Le niveau d'adrénaline était tellement élevé : waouh, waouh, waouh ! Je m'en souviendrai toujours. Pour nous, c'était la première fois qu'on vivait ce niveau d'émotion."
Sur le moment, Paul Le Guen parlait déjà d'un "match fou, fou, fou, extraordinaire à jouer" : "On savoure d'autant plus qu'elle a été difficile, on est vraiment allés la chercher. A 3-1, je crois avoir sorti toute une série d'injures invraisemblables. Je m'en voulais, je nous en voulais, je maudissais tout le monde, le ciel nous tombait sur la tête. La déception était énorme. Je me suis tout de suite mis dans la tête qu'on allait jouer les prolongations. Et puis, ce quatrième but est venu d'une manière incroyable. C'est mon émotion la plus forte sur le terrain. Le bonheur que je ressens est un moment rare dans une carrière, parfois jamais vécu. Je sais déjà qu'il ne pourra pas s'effacer de ma mémoire." La trace est indélébile pour tous. Joueurs, spectateurs et bien sûr téléspectateurs, portés par Thierry Gilardi et Charles Biétry.
Pour beaucoup de supporters du Paris Saint-Germain, il s'agit toujours du plus grand match de l'histoire du club, devant même la finale de Coupe des Coupes remportée en 1996 face au Rapid Vienne (1-0). Ce soir-là, le club de la capitale écrivait son formidable recueil européen du coeur de cette décennie 1990, qui l'a vu enchaîner deux demi-finales de C2 et C3 (1992, 1993), deux demies de C1 (1994, 1995) et donc deux finales de Coupe des Coupes (1996, 1997).
Plus globalement, ce PSG - Real reste une des plus belles réussites du football français sur la scène européenne. Jamais, que ce soit sous l'ère Zlatan Ibrahimovic ou ensuite avec Neymar et Kylian Mbappé, les Parisiens du 21eme siècle n'ont pu associer tous ces ingrédients : celui d'un match retour à domicile, dans un Parc bondé, qui aboutirait à une qualification homérique. Le PSG - Dortmund de mars 2020 (2-0 après une défaite 2-1 en Allemagne, en huitièmes de finale de C1), par exemple, avait dû se disputer à huis clos face au début de la pandémie de Covid. On était loin, de toute manière, de l'intensité peut-être inégalable du 18 mars 1993.