Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mardi 06 octobre 2020 à 09h57
Alors que Novak Djokovic a de nouveau touché un juge de ligne, lundi à Roland-Garros, et qu'il veut supprimer ces officiels placés au bord du court, un ancien célèbre arbitre s'oppose au numéro 1 mondial.
Disqualifié à la stupeur générale lors du dernier US Open après avoir frappé une juge de ligne sur un geste d'énervement, Novak Djokovic a encore frappé lundi. Lors de son huitième de finale disputé sur le court Philippe-Chatrier de Roland-Garros contre Karen Khachanov, le numéro 1 mondial a cette fois touché un juge de ligné placé sur sa droite sur un retour de service. De manière involontaire encore. L'officiel a été heurté en plein visage mais a pu poursuivre la rencontre.
Djokovic s'est vite excusé et après sa victoire, il a confié espérer que le juge de ligne aille bien. Ces officiels autour du court, le Serbe aimerait les supprimer, comme il l'avait déclaré samedi après son 3eme tour remporté face à Galan. «La technologie est tellement avancée à l'heure actuelle qu'il n'y a pas de raison de conserver des juges de ligne, à part la tradition de ce sport. Je ne vois pas pourquoi on n'utiliserait pas partout la technique que nous avions à New York », avait-il dit.
« Il faut faire confiance au juge de ligne. Il en faut absolument sur terre »
Sur ce point, l'ancien arbitre international Bruno Rebeuh s'oppose totalement à « Djoko ». « Aujourd'hui, il y a 230 arbitres et juges de lignes à Roland-Garros. Ils sont ravis de venir ici, lâche le Français dans L'Equipe, mardi. À part une dizaine de pros, ce ne sont que des amateurs qui ont posé quinze jours de congés. Pourquoi ils sont là ? Parce que Roland, c'est LA récompense. Tout au long de l'année, ils officient avec des - 2/6, ou en championnats par équipes, chez les juniors, les seniors... On leur dit : "Tu arbitres dans ton club de la Creuse, ou à 50 bornes de chez toi, sans être payé, mais si tu es bon, après un certain nombre de matches, tu viendras à Roland ". Si demain, il n'y a plus de juges de lignes ici, est-ce que ces bénévoles ne vont pas arrêter l'arbitrage ? »
L'ex-arbitre majeur des années 1980 et 1990 explique qu'il faut à tout prix des arbitres sur les courts en terre battue. « Il y a des procédures d'inspection de traces, il ne faut pas laisser l'arbitre tout seul, parce que la lecture de la marque sur la "longue" (ligne du couloir) opposée à la chaise est très difficile, comme sur la "médiane", au service. On n'est pas dans le sens du jeu et on ne voit pas, il peut aussi parfois y avoir un court un peu lourd, où les traces sont moins lisibles ; il faut faire confiance au juge de ligne. Il en faut absolument sur terre. »
« Les matchs sur terre sont plus sympas à suivre parce que l'arbitre descend de sa chaise »
« En étant tous les jours à Roland-Garros, je croise beaucoup de gens qui sont nostalgiques des années 1980-1990, poursuit Bruno Rebeuh. Les Becker, McEnroe, Noah, Connors, tous leur manquent. Ce qui leur manque, c'est aussi de voir un arbitre se faire chahuter par les joueurs. Est-ce que le tennis n'est pas victime de toute cette réglementation, d'un code de conduite trop sévère, du hawk-eye qui enlève toute contestation ? Les matchs sur terre sont plus sympas à suivre parce que l'arbitre descend de sa chaise, le joueur encercle une marque, ça parlemente ; tout ça fait aussi partie du spectacle. Djokovic n'a pas la notion de tout ça. Et on ne peut pas lui en vouloir. »
A l'US Open, les courts secondaires étaient privés de juges de ligne. Un « vide d'émotions » pour le Français. « L'animation, c'est quand l'arbitre se fait un peu secouer, que le public manifeste. Il y a moins d'engouement aujourd'hui et ça m'inquiète. D'autant qu'on a perdu beaucoup de joueurs charismatiques. J'espère que c'est cyclique. En tout cas, il ne faut pas que ce sport devienne un jeu vidéo », conclut Bruno Rebeuh.