Mathieu Warnier, Media365 : publié le dimanche 03 mars 2024 à 22h10
Alors que la densité du calendrier du circuit ATP est souvent la cible de critiques, la multiplication des exhibitions pourrait pousser les instances dirigeantes du tennis mondial à changer de posture afin de garder les meilleurs joueurs dans leur giron.
C'est une affiche encore très rare. Depuis ses débuts sur le circuit ATP en 2021, Carlos Alcaraz n'a croisé le fer que trois fois avec Rafael Nadal avec deux victoires pour le « Taureau de Manacor » puis un premier succès pour le plus jeune des deux Espagnols, en quarts de finale du Masters 1000 de Madrid en 2022. Ces deux joueurs ont rendez-vous ce dimanche mais cette confrontation n'aura pas lieu dans le cadre d'un tournoi officiel. En effet, c'est la plateforme américaine Netflix qui a su les convaincre de faire une escale à Las Vegas sur la route d'Indian Wells pour un match exhibition. Pourtant, la participation de Carlos Alcaraz à un tel événement va à contre-courant de ses récentes déclarations concernant le calendrier du circuit ATP. « Le calendrier est trop exigeant et ils nous obligent à jouer de nombreux tournois dans l'année, a confié l'actuel numéro 2 mondial dans un entretien accordé au site argentin Olé Tennis. L'ATP joue aussi beaucoup avec la santé des athlètes, et je pense que cela doit changer. » Une critique qui n'a pas été du goût d'Andy Murray, qui a répondu que « les joueurs sont un peu hypocrites concernant le calendrier » et n'ont pas l'obligation d'aller aux quatre coins du monde pour jouer.
Les exhibitions se multiplient
Mais si les deux joueurs espagnols ont accepté de faire un détour dans le Nevada, c'est sans doute grâce à un argument massue sorti par Netflix, une dotation financière loin d'être négligeable. Toutefois, la plateforme américaine n'a pas la primeur concernant les exhibitions dans le tennis. En effet, la Laver Cup a débuté sous cette forme avant d'obtenir le blanc-seing de l'ATP quand Patrick Mouratoglou a lancé en 2020 son Ultimate Tennis Showdown (UTS) avec la volonté d'expérimenter des règles qui touchent aux fondements de la discipline. Toujours prompte à investir dans le sport pour changer son image, l'Arabie Saoudite compte s'inviter à la table. Alors que son fonds souverain est devenu le partenaire du classement ATP, le royaume wahhabite a annoncé au début du mois de février la tenue du « 6 Kings Slam » en octobre prochain avec à l'affiche Novak Djokovic, Rafael Nadal, Carlos Alcaraz, Jannik Sinner, Daniil Medvedev et Holger Rune. Pour le « Taureau de Manacor », cela va même plus loin car il a récemment signé avec la Fédération Saoudienne de tennis pour en devenir l'ambassadeur. Un tournoi qui tirera les leçons de la « Riyadh Season Cup » en décembre dernier, qui a vu Aryna Sabalenka affronter Ons Jabeur puis Carlos Alcaraz dominer Novak Djokovic. De nouvelles compétitions hors du champ de l'ATP qui ont le potentiel de faire de l'ombre aux tournois les moins cotés du circuit officiel, notamment les ATP 250.
Les organisateurs de tournois expriment leur inquiétude
« C'est une concurrence pour les tournois ATP, a confirmé Lionel Maltese, organisateur de l' Open 13, dans des propos recueillis par France Info. Les joueurs sur le marché, Andrey Rublev, Holger Rune et Gaël Monfils par exemple, ne sont pas venus à Marseille et ont joué l'UTS au même moment. » Le patron du tournoi organisé dans la cité phocéenne ne cache pas que la multiplication des exhibitions pourrait s'avérer être un problème à l'avenir pour des événements comme le sien. « Ceux qui ont déjà des difficultés financières pourraient se dire que c'est moins rentable d'organiser neuf jours de tournoi avec des joueurs moins connus et pourraient devenir des exhibitions avec de plus grosses têtes d'affiche et une durée moins longue », a-t-il confié. Egalement interrogé par France Info, Arnaud Clément ne cache pas que « ça peut être sympa » d'avoir quelques événements plus exotiques dans la saison. Toutefois, l'ancien capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis lance un avertissement afin d'éviter que le tennis ne termine comme le golf avec la création d'un circuit parallèle plus rémunérateur à même d'attirer les meilleurs joueurs. « Ce n'est pas une bonne chose pour le sport de ne pas avoir tous les meilleurs sur le même circuit, a-t-il confié. On en est encore loin, mais il faut faire attention à cela. » La balle est désormais autant dans le camp des joueurs que des instances pour éviter une scission qui pourrait ne pas connaître de gagnants.