Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le jeudi 28 mai 2020 à 13h28
En finale du 400 mètres des Championnats du monde d'athlétisme 2003, Marc Raquil avait arraché la médaille de bronze à l'issue d'une dernière ligne droite ahurissante.
Ce n'est pas le nom le plus connu de l'athlétisme français mais son look et sa manière de courir ont laissé de grands souvenirs à certains passionnés et certains jeunes éléments de l'époque. Ceux-là se souviennent très sûrement d'une incroyable soirée d'été lorsque ce grand coureur tricolore de 1,92 mètres avait surgi de nulle part pour signer une dernière ligne droite fabuleuse et arracher une médaille de bronze sur 400 mètres aux Championnats du monde 2003. Une breloque qui allait se transformer en argent plusieurs années après. Cet athlète, c'était Marc Raquil.
Raquil, cela vous rappelle quelque chose ? Ce sportif à la chevelure blonde décolorée et aux lunettes teintées masquant ses grands yeux. Un « grand blond aux lunettes noires » exubérant qui assumait un côté flambeur mais qui cravachait aussi sur les pistes. Il y a déjà de quoi imprimer la mémoire. Mais alors en plus avec sa fabuleuse performance au Stade de France... Car oui, cette fameuse ligne droite s'était déroulée dans l'écrin dionysien savoureux où les Bleus du football avaient décroché la lune 5 ans plus tôt.
Marc Raquil : « En finale, tout peut arriver »
Ce soir du mardi 26 août 2003, Marc Raquil sait que tout peut advenir. « En finale, tout peut arriver. Mon final me permet de remonter certains adversaires, alors si je ne suis pas trop largué et que je peux remonter deux ou trois places, il est tout à fait possible d'envisager un podium », a-t-il confié deux jours plus tôt après avoir remporté sa demi-finale du 400 mètres. Le chrono ? 44''88.
Une marque proche de son record de France, fixé à 44''80, à même de lui laisser imaginer une éventuelle médaille lors de la grande finale. Et puis après tout, dans ces Mondiaux 2003, il a signé le cinquième temps sur le tour de piste derrière les Américains Jerome Young et Tyree Washington, le Mauricien Eric Milazar et Alleyne Francique (Grenade). Sur le sol national, les espoirs sont bigrement autorisés en vue d'un podium.
Avant le 400m de 2003, l'explosion de Marc Raquil en 2001
En ralliant la finale, Raquil fait déjà mieux qu'aux Mondiaux 2001 où il a échoué en demies. 2001, une année signant l'explosion de celui qui a été marqué par Stéphane Diagana un soir d'août 1995 devant sa télévision. Très ému par l'énorme finale du 400 mètres haies des Mondiaux que son compatriote achève à la troisième place, le grand échalas de Créteil veut connaître de telles
Maigrelet, le jeune Raquil craque pour le 400 après avoir commencé par le cross lors de l'hiver 1995. Il va vite progresser. Il rafle le bronze aux Championnats d'Europe Espoirs de Göteborg 1999 en 46''18 puis intègre le relais 4 x 400 de la grande équipe de France aux Mondiaux de Séville, la même année. Il échoue au pied du podium mais se venge deux ans plus tard en descendant sous les 45 secondes lors de la Coupe d'Europe 2001 à Brême. Avec un temps de 44''95, il devient le nouveau recordman de France et efface la marque d'Olivier Noirot qui tenait depuis dix ans.
Un style inimitable en course
Les performances à l'échelle planétaire lui sont promises et s'inscrivent dans son viseur. En cette chaude soirée d'août 2003, il n'y est plus très loin après avoir galéré durant un an et demi après la Coupe d'Europe de 2001 et il fait partie des huit finalistes. Encore un effort pour aller tutoyer les sommets. Enfin, un effort, on ne croit pas si bien dire... Car Raquil, qui imprime déjà la rétine par un style inimitable et une fréquence de course étonnante, va se surpasser.
Sur la piste, l'intéressé offre en effet une vision particulière. Avec une foulée singulière et des bras écartés, il court sensiblement différemment des autres concurrents. Il part lentement, ne semble pas vraiment entrer dans sa course, puis relance et finit fréquemment fort dans la dernière ligne droite. « Je n'arrive pas à entrer dans une course tout le temps. Il y a des fois où ça passe, mais la plupart du temps, 90% du temps même, dans les autres courses, je n'y arrive pas. Je fais les mêmes erreurs », reconnaît-il. Alors son finish est souvent spectaculaire et le public adore. Celui du Stade de France va s'en souvenir longtemps...
Un départ médiocre sur le 400m pour cette finale du championnat du monde, comme souvent
Malgré sa façon de terminer en trombe, le multiple champion de France est confronté à de redoutables clients en finale des Mondiaux 2003, dont son pote Leslie Djhone, et il faut qu'il parte plus vite pour espérer une breloque. 21h50 ce 26 août, le Stade de France retient son souffle avant la dernière épreuve de la soirée. Raquil, dont le patronyme est chaleureusement applaudi par le SDF, affiche une concentration maximale.
Au coup d'envoi, comme très souvent, le Français signe un départ médiocre. C'est mal barré... A la sortie du premier virage, Tyree Washington a déjà avalé son décalage. Il est revenu à la hauteur de Raquil. Djhone est lui bien parti. Comme tout le monde en fait, excepté Raquil... Le Cristolien affiche un énorme retard. Bon dernier à l'approche de la ligne droite finale, l'athlète aux cheveux peroxydés est sérieusement à la traîne.
Raquil produit un effort sensationnel, double Leslie Djhone, puis la clameur du Stade de France retentit
Mais ses bras s'activent et se balancent frénétiquement. Raquil dépasse son plus proche poursuivant. Il amorce sa folle remontée. La ligne d'arrivée se rapproche à grands pas. Grands pas comme ceux réalisés par le Français dont l'effort est sensationnel. L'ami Djhone est doublé, les grands compas continuent de mouliner, Raquil est maintenant le plus rapide et s'est lancé dans un sprint long. Il a grignoté devant lui et se jette sur l'ultime segment. Patrick Montel est comme un fou aux commentaires sur France 2 mais demeure dans l'indécision. Le stade est plongé dans un suspense entier.
Le premier de la course est certain (Jerome Young), comme le deuxième (Tyree Washington). « Est-ce qu'il y a la médaille ? », répète deux fois le journaliste TV. La France est suspendue à ses lèvres et à l'écran affichant le classement final. Raquil a-t-il arraché la troisième place ? En attendant le verdict, il reprend son souffle, allongé au sol, main dans la main avec Djhone. On attend la photo finish lorsqu'une clameur assourdissante résonne dans le Stade de France. A l'issue de la course de sa vie, Raquil est troisième pour un centième de mieux avec un record de France à la clé (44''79). Son incroyable retour lui offre une splendide médaille de bronze. Le 26 février 2009, elle se convertira en argent suite au déclassement pour dopage de Young.
Raquil : « J'ai mis le turbo, quoi ! »
« Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais à 80 mètres de l'arrivée, j'ai vraiment le sentiment que je vais plus vite que les autres. C'est dans la tête : je ne sens pas de blocage lactique dans les jambes et ma vélocité, au contraire, augmente. Je pars un peu dans tous les sens mais je me fixe sur la ligne d'arrivée et j'essaie de me concentrer sur chacun de mes appuis afin qu'ils soient efficaces. J'ai mis le turbo, quoi ! », savoure ensuite l'intéressé, hilare.