Portrait : O'Sullivan, le Maradona du snooker

Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 22 avril 2022 à 12h00

Ronnie O'Sullivan démarre vendredi son deuxième tour (huitièmes de finale) au championnat du monde de snooker, qui a lieu jusqu'au 2 mai. L'occasion de braquer les projecteurs sur l'incroyable personnalité du génie anglais.

Il y a les fléchettes, dont les championnats du monde se sont achevés il y a moins de deux semaines. Et bien sûr, il y a également le snooker pour compléter le duo des activités les plus symboliques de tout pub britannique digne de ce nom. Comme les "darts" - le nom anglais des fléchettes -, le billard dans sa spécialité snooker (rentrer alternativement une bille rouge et une bille d'autre couleur, sur un nombre de manches défini au préalable) suscite un engouement difficile à imaginer en France. Avec, pour sublimer l'histoire, une véritable rock star dans ses rangs, tel Diego Maradona ou George Best alias le cinquième Beatle en son temps : monsieur Ronnie O'Sullivan, considéré par beaucoup comme le plus grand joueur de l'histoire de sa discipline.

L'Ecossais Allan McManus, vainqueur du Masters 1994 et désormais consultant pour Eurosport, va même bien plus loin : "En talent pur, on peut probablement l'intégrer à la demi-douzaine de sportifs les plus doués de tous les temps. Il a ce don qui lui permet de faire des choses que d'autres ne pourront jamais réaliser. Il est dans la catégorie de Lionel Messi et de Roger Federer. Il est incroyable. Mon opinion est forcément biaisée, parce que je sais à quel point le snooker est un sport difficile. Mais il faut échanger des coups avec lui à la table, et le regarder, pour comprendre que ce qu'il fait est différent de ce que tous les autres dans l'histoire de ce sport ont pu faire."

"J'ai tout fait. Les alcooliques anonymes, les drogués anonymes, et même les réunions pour les addictions au sexe"

De retour en tant que n°1 mondial à 46 ans, il a été champion du monde sur trois décennies de rang. "C'est une vraie star au Royaume-Uni, mais aussi au Canada, en Australie, en Chine et dans une partie de l'Europe, explore le spécialiste Desmond Kane. Chez nous, il est une figure aussi populaire et identifiable que la plupart des joueurs de Premier League. Son imprévisiblité n'a fat que renforcer sa cote, le public britannique aime que ses héros soient authentiques."

Ronnie O'Sullivan, c'est un gamin de quatorze ans déjà en smoking face aux plus grands en 1990. Ronnie O'Sullivan, c'est aussi ces parties jouées de la main gauche, avec laquelle il est aussi à l'aise que la droite. En 1996, il bat de cette manière son adversaire canadien Alain Robidoux, qui se sent humilié et refuse de la saluer à l'issue de la partie. "Je joue mieux de la main gauche que lui de la droite", affirme le jeune effronté anglais, obligé ensuite par l'organisation de le prouver face au champion du monde en jouant à nouveau de la main gauche : il gagne ses trois parties, comme il le fera encore lors du Mondial 2004. "Jouer de la main gauche me permet de rester concentré sur le jeu."

Ronnie O'Sullivan, ce sont également les 147 points, le fameux break - score - maximal en cinq minutes et huit secondes en 1997, ce qui reste encore le record du monde. Et semble parfaitement imbattable. Il a réalisé ces 147 points à quinze reprises dans sa carrière. Mais Ronnie O'Sullivan, c'est donc un écorché vif, ravagé dès 1991 par la condamnation de son père à 18 ans de prison pour meurtre. En 1998, il est disqualifié de l'Open d'Irlande pour consommation de drogue. Et ça ne s'est pas limité à une seule année, loin s'en faut... "Au fond du trou, je pouvais m'allumer un joint dès sept heures du matin", sans préciser de date. "Certains soirs, j'enquillais jusqu'à quinze pintes. J'ai tout fait. Les alcooliques anonymes, les drogués anonymes, et même les réunions pour les addictions au sexe."


En 2006, il quitte son championnat national en pleine partie car il est simplement énervé ! Il sera sanctionné, bien sûr. Et alors ? C'était face à l'Ecossais Stephen Hendry, un de ses nombreux meilleurs ennemis, qu'il peut rejoindre à sept titres mondiaux en cas de nouvelle victoire finale dans dix jours à Sheffield (finale les dimanche 1er et lundi 2 mai), après ses six couronnes internationales de 2001, 2004, 2008, 2012, 2013 et 2020. C'est la 30eme participation de "The Rocket" (surnom hérité de sa rapidité de jeu) à la compétition suprême, un nouveau record.

Décoré par la reine en 2016, écrivain à succès à ses heures perdues, Ronnie O'Sullivan est un showman terriblement attachant, vous l'aurez compris. Il n'est pas le dernier à le savoir, ce qui ajoute à son magnétisme. "Comme Tiger Woods, Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Lionel Messi, je suppose que les gens me regardent jouer parce que j'apporte des choses, qu'on est toujours intrigué." Jamais meilleur que lorsque l'ambiance monte, il puise une certaine force en "Djoko" : "Le génie et la méchanceté ne te font pas gagner de titres mondiaux, il faut être stable comme lui. Il n'a pas le brio de Roger Federer ou le coup droit de Rafael Nadal, mais il est là du début à la fin, constant." Pas certain que ça plaise beaucoup au Serbe. Ni vraiment à Ronnie O'Sullivan, au fond.

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