Portrait : Jacque, le champion du monde qui a réveillé la moto française

Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 08 octobre 2021 à 09h00

Alors que le sport français est suspendu à l'officialisation du titre de champion du monde MotoGP de Fabio Quartararo, c'est l'occasion de replonger 21 ans en arrière, quand Olivier Jacque inscrivait à nouveau les Bleus au palmarès.

Originaire de Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacque commence à se révéler en tant que vice-champion d'Europe espoirs en 1993 derrière Régis Laconi, un autre pilote français. Ce dernier a alors 18 ans, Jacque 20 ans. Mais c'est bien lui qui va rester plus durablement dans les mémoires, particulièrement du public peut-être un peu moins averti, grâce à une remarquable fin de siècle dans la foulée en 250 cc, l'ancêtre de la Moto2 : vainqueur au Brésil en 1996, il termine troisième du championnat ; double vainqueur en 1997 et quatrième du championnat ; cinquième en 1998 ; vainqueur en Argentine en 1999 et septième du championnat ; et enfin la consécration en 2000, champion du monde au guidon de sa Yamaha après avoir gagné trois Grands Prix.

"A 27 ans, c'était un peu la dernière chance pour moi", rappelait-il à L'Equipe l'an dernier, afin de célébrer les 20 ans de son titre. C'est bien lui qui va succéder à Valentino Rossi, vainqueur en 1999 de sa deuxième couronne après les 125 cc en 1997 (et en attendant ses six titres suprêmes en MotoGP, de 2001 à 2005 puis en 2008 et 2009) et même mettre fin à six saisons de domination italienne, après Max Biaggi (de 1994 à 1997) et Loris Capirossi (1998). Jacque est aussi le premier champion du monde français depuis Christian Sarron en 1984, déjà en 250 cc. Ce délai de seize ans a été le plus long, et de loin, pour récompenser à nouveau la moto tricolore. Si Fabio Quartararo finit par bel et bien remporter le premier sacre MotoGP de l'histoire du pays, le scénario n'aura pas été le même que celui de Jacque...

"Pendant un temps, je pensais avoir perdu"

Il peut être sacré à trois courses de la fin, au Brésil : "Mais après avoir décroché la pole, je me suis emballé et j'ai chuté dans le deuxième tour." Au Japon, son coéquipier Shinya Nakano revient à deux petits points. C'est l'heure des braves, en Australie. Le circuit de Phillip Island sera le juge de paix de cette cuvée 2000 si stressante. Il s'impose avec 142 minuscules millièmes d'avance sur Nakano, pour un des titres les plus dingues de l'histoire : "Pendant un temps, je pensais avoir perdu. Je n'ai même pas aperçu le drapeau à damier, tellement j'étais fixé sur la ligne d'arrivée. Puis un membre de l'équipe m'a tendu le drapeau de champion du monde. Sur le moment, je ne pense pas au championnat. Mais quand j'ai réalisé après, c'était un sentiment très fort."

La tension avec son jeune partenaire, habituellement ami, était devenue inévitable, comme il le rappelle cette fois à Nice-Matin : "Notre relation était excellente. Mais là, on ne se parle plus, on ne se regarde plus. Jusqu'au départ, le temps m'a semblé très long. La course, en revanche, m'a parue très courte." Jacque fera le grand saut vers la MotoGP dans la foulée, sans grande réussite. Il ne parvient pas à décrocher la moindre victoire. Après sa séparation avec son historique équipe française Tech3 en 2003, il réussit à grimper sur le podium avec Kawasaki en 2005, terminant deuxième du Grand Prix de Chine. Arnaud Vincent lui avait déjà succédé, en 2005, comme champion du monde tricolore en catégorie 125 cc, avant Mike Di Meglio dans la même catégorie en 2008 puis le doublé 2015 et 2016 de Johann Zarco en Moto2.

Jacque, il y a 21 ans, est donc devenu le quatrième des sept champions français de l'histoire, un palmarès ouvert par Patrick Pons en 1979 (750 cc) et enrichi par Jean-Louis Tournadre en 1982, déjà en 250 cc. Retiré en Espagne, d'où est originaire sa femme, il s'occupe tranquillement de ses affaires immobilières et se dit ravi de voir grandir ses enfants depuis une décennie (ils sont désormais âgés de quatorze et onze ans). "Je n'ai pas eu cette sensation de vide dont on parle souvent, sans doute parce que j'ai décidé de tirer un trait sur la compétition dès 2007, le jour où je me suis blessé en Chine et où j'ai eu peur parce qu'il n'y avait personne pour intervenir, se remémore-t-il encore (pour Moto-station.com). Je me voyais me vider de mon sang, je ne savais pas si c'était une artère, si c'était grave ou pas."

Le manque de moyens semblait alors pour le moins criant : "Un Chinois est arrivé avec... un mouchoir en papier ! Je lui ai dit qu'ils se foutaient de moi ! On a fini par m'embarquer en hélicoptère jusqu'à l'hôpital le plus proche. Là-bas, ça hurlait dans tous les coins, ça m'a marqué, je me suis fait vraiment fait peur. Et dès lors, il n'était plus question de continuer la course. Par conséquent, le manque d'adrénaline que ressentent beaucoup de pilotes fraîchement retirés de la course, pour ma part, je ne l'ai pas subi. Ma décision était prise depuis cet accident, je ne suis pas revenu dessus." Régulièrement invité à réagir aux exploits de Zarco et Fabio Quartararo en MotoGP, il y a fort à parier que Jacque puisse encore confier dans très peu de temps toute son admiration pour son cadet de 25 années. Fabio Quartararo avait un an lorsque Jacque célébrait son titre.

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