Portrait : Merckx, une légende vivante qui raflait tout, partout

Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le mercredi 13 mai 2020 à 11h55

Coureur à l'appétit insatiable, Eddy Merckx s'était forgé un palmarès incomparable. Vainqueur de 11 grands Tours, 625 courses au total, le Belge, surnommé le « Cannibale » tant il gagnait tout et partout, s'est inscrit comme le plus grand cycliste de tous les temps.

Le « Cannibale ». Cela vous dit quelque chose ? Il faut remonter à une cinquantaine d'années pour retrouver l'origine du terme désignant l'un des plus grands sportifs de tous les temps. Un champion à placer probablement dans le Top 10 de l'histoire au côté des Michael Jordan, Mohamed Ali et autre Pelé. « Cannibale », car Eddy Merckx gagnait tout, absolument tout. Partout. Insatiable, il ne laissait quasiment rien à ses rivaux. Seulement quelques petites miettes par-ci par-là... « Les cadeaux, on les fait à Noël et pas lors d'une course cycliste », proclamait-il.

C'est simple, son palmarès donne le vertige. Vous êtes prêts ? Alors au tableau de chasse du grand cycliste passé par les équipes Solo-Superia, Peugeot BP Michelin, Faema, Faemino-Faema, Molteni, Fiat France et Camp;A : 5 Tours de France, 5 Tours d'Italie, un Tour d'Espagne, soit 11 grands Tours (un record) sur lesquels il a raflé 65 victoires d'étapes. Merckx, c'est aussi 31 classiques glanées, dont 19 « Monuments » (7 Milan-San Remo, 2 Tour des Flandres, 3 Paris-Roubaix, 5 Liège-Bastogne-Liège et 2 Tours de Lombardie). Attendez, ce n'est pas encore fini. Ajoutez-y 3 Championnats du monde et le record de l'heure pour un géant également à l'aise sur la piste et en cyclo-cross.

Merckx adorait se « faire mal » et imposait sa puissance

Au total, Eddy Merckx, anobli par le Roi des Belges, a collectionné 625 courses ! Avec le détail suivant : 525 victoires sur route, 98 sur la piste et 2 bouquets de cyclo-cross. N'en jetez plus ! Merckx, c'est plus de succès que Fausto Coppi, Louison Bobet et Jacques Anquetil réunis ! Ça vous pose un pedigree, n'est-ce pas ? Allez, si on cherche la petite bête, on peut trouver qu'il est devancé par Anquetil au nombre de podiums finaux sur les grands Tours (12 contre 13 au Français).

A la fin des années 1960 et au début des années 1970, les courses cyclistes se concluaient de la même façon. Un peloton d'environ 130 coureurs s'élançait sur la ligne de départ d'un grand Tour pour un même résultat à l'arrivée : victoire implacable de Merckx (1,84 m) qui adorait se « faire mal » et imposait sa puissance. « Les cyclistes vivent avec la douleur. Si tu ne tiens pas, tu ne gagneras rien », disait-il.

Léon Zitrone : « Eddy Merckx, souvenez-vous bien de ce nom ! »

Fils d'un menuisier néerlandophone (puis épicier) et d'une mère francophone, Edouard Louis Joseph Merckx, dit Eddy, né le 17 juin 1945, appréciait le tennis, le basket et le foot avant de basculer sur le vélo en disputant une première course non officielle à 12 ans. Une première course officielle en juillet 1961 à Laeken puis une première victoire à Petit-Enghien et l'ambition de faire carrière se pointait dans l'esprit du petit Belge, dont la progression l'amenait à s'entraîner avec des coureurs professionnels en 1962. Déjà en vue sur sa monture, certains pros peinaient même à le suivre... Puis Merckx quittait l'école et décrochait le titre de champion de Belgique des débutants à Libramont.

Le 5 septembre 1964, sa carrière était définitivement lancée quand il glanait en solitaire son premier grand trophée, celui de champion du monde amateur à Sallanches. Il avait lâché tous ses adversaires à quelques encablures de l'arrivée. « Eddy Merckx, souvenez-vous bien de ce nom ! », envoyait alors Léon Zitrone, aux commentaires de l'épreuve. Un mois plus tard, le coureur belge prenait la 12eme place de la course sur route des JO de Tokyo puis basculait dans le monde pro avec un bilan de 84 succès en amateur.

Vainqueur du maillot jaune, maillot à pois et maillot vert sur le Tour de France 1969 !

De 1965 à 1968, c'était l'ascension vers le sommet pour Merckx qui allait ensuite briller de mille feux de 1969 à 1975. Le monde du cyclisme basculait dans « l'ère » du nom du Belge dont le règne était sans partage. Complet, « L'ogre de Tervueren », son autre surnom, attaquait partout et n'importe où. Sans pitié, le seigneur du vélo trustait les décorations sur tous les terrains. Il était de tous les défis, de tous les records. Merckx « moulinait » plus vite et plus fort que le reste du peloton qui présentait à force un complexe d'infériorité. Sur le plat comme en montagne. Il dominait physiquement et mentalement.

5 titres du Tour de France, 11 grands Tours, et des records sur des Classiques

S'empilaient le Tour d'Italie 1968 puis les Tours de France 1969 et 1970. Sur la Grande Boucle en 69, il remportait le maillot jaune mais aussi le classement de la montagne et celui par points, du jamais vu. L'impitoyable Belge allait réaliser trois doublés Giro-Tour (1970, 1972, 1974) et un doublé Giro-Vuelta en 1973. Merckx n'était aussi, donc, pas seulement qu'un vainqueur de grands Tours. A l'appétit gargantuesque, il s'offrait les plus belles Classiques. Avec à la clé plusieurs records qui tiennent toujours : 7 Milan-San Remo et 5 Liège-Bastogne-Liège.

Record de l'heure, son plus grand exploit sur un vélo selon certains

Les cinq monuments s'étaient tous offerts à lui et il demeure le seul à avoir signé pareil exploit avec Rik Van Looy et Roger de Vlaeminck, deux compatriotes. Et, s'il ne détient pas le plus de sacres sur Paris-Nice, Merckx l'introverti en possède nettement encore aujourd'hui le record en termes de victoires d'étapes (21 contre 14 à Sean Kelly, lauréat sept fois de la « Course au soleil »). Amical mais réservé avec le public, assez distant avec les journalistes, l'ogre du peloton avait également établi un incroyable record de l'heure, le 25 octobre 1972 à Mexico, avec 49km431. Son plus grand exploit selon certains.

Agé de 32 ans, celui qui était surnommé « Le Cannibale » prend sa retraite, mais quel sportif  !

Le Français Bernard Thévenet avait mis un terme à son hégémonie sur le Tour 1975 lors de l'étape de Pra Loup avant le déclin l'année suivante, malgré un ultime Milan-San Remo. Forfait sur le Tour de France, Merckx était devancé par son vieux rival Felice Gimondi sur le Giro. Sixième de la Grande Boucle en 1977, il se retirait au début de la saison 1978, lassé et victime de soucis de santé. Homme de records, Merckx détient toujours, quarante-deux ans plus tard, d'autres marques d'envergure : 54 victoires sur une saison, 34 victoires d'étapes sur le Tour de France où il a signé le plus de succès sur une édition (8, à égalité avec Charles Pélissier en 1930 et Freddy Maertens en 1976) et où il a plus porté le maillot jaune sur les épaules (96 jours, 111 en comptant les demi-étapes). Agé de 74 ans, il est une véritable légende vivante.

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