Ayrton Senna : Un pilote d'exception à la destinée tragique

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Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 01 mai 2020 à 14h28

Triple Champion du monde de Formule 1, Ayrton Senna reste l'un des éléments les plus marquants de l'histoire du sport. Disparu tragiquement lors du Grand Prix de Saint-Marin le 1er mai 1994, le Brésilien s'était illustré par un pilotage audacieux et une incroyable rivalité avec Alain Prost.

Un champion hors du commun. Adulé, notamment dans son pays, dont il portait les couleurs sur son masque jaune. Un pilote d'exception parti trop vite. Trop tôt. Ayrton Senna s'en est allé, fauché en pleine gloire à 34 ans dans la courbe de Tamburello, le 1er mai 1994. Il y a pile 26 ans, déjà. Triple Champion du monde de Formule 1 comme Jack Brabham, Nicki Lauda, Nelson Piquet et Jackie Stewart, combien d'autres couronnements aurait-il décroché sans avoir connu la mort au tournant ? Peut-être quelques-uns supplémentaires, mais on ne le saura jamais...

Même si longtemps après sa disparition, Ayrton Senna reste bien ancré dans les livres d'histoire de la F1. Champion précoce, le Brésilien demeure en très bonne place malgré les passages des phénomènes Michael Schumacher et Lewis Hamilton. Cinquième au nombre de victoires (41, loin derrière les 91 de « Schumi »), Senna siège toujours sur le podium des pole positions réalisées. Avec 65 premières places au départ des courses (en 162 Grands Prix, soit une réussite exceptionnelle de 40%), il n'est devancé que par Schumacher (68) et Hamilton (88). Il pointe également au quatrième rang en termes de tours en tête (2931) et à la septième place en nombre de podiums (80). Preuves irréfutables qu'il a marqué son époque.

Premier coup d'éclat en F1 à Monaco

Né le 21 mars 1960 à Sao Paulo au sein d'une famille aisée, Ayrton Senna da Silva avait été initié au pilotage dès son plus jeune âge et avait débuté son apprentissage au karting, comme la plupart des futurs cadors. Deux fois vice-champion du monde en 1979 et 1980 après ses premières compétitions en Amérique du Sud en 1977, il avait ensuite brillé en Formule Ford en étant sacré Champion de Grande-Bretagne (1981 et 1982) puis en Formule 3. Lauréat dans la spécialité, Senna, coureur très rapide au style déjà agressif, poursuivait son ascension en débarquant logiquement en Formule 1.

Au volant d'une modeste Toleman-Hart, Senna ne tardait pas là aussi à se signaler. Dès sa cinquième course (le sixième GP de la saison), il frappait les consciences avec sa monoplace blanche sur le circuit de Monaco, le 3 juin 1984. Il affichait toute sa science de la conduite sous la pluie et décrochait un premier podium sous des trombes d'eau. Frondeur, il avait refusé de stopper sa voiture devant la ligne de départ alors que le Grand Prix avait été stoppé après seulement 32 des 77 tours prévus. Auteur du record du tour, le pilote au tempérament de feu avait donc franchi le premier la ligne d'arrivée. Finalement deuxième après s'être élance en 13eme position et après avoir échappé à la disqualification, Senna avait fini à 7 secondes d'Alain Prost, à qui il avait repris 25 secondes en une douzaine de tours.

Coureur très doué prenant des gros risques pour dépasser ses concurrents

Derrière son futur rival, Senna avait stupéfait l'assistance et était ainsi « né » une deuxième fois, sur le tracé monégasque. Un prochain très grand coureur, annonçait-on. Le coureur carioca obtenait ensuite deux autres podiums en Grande-Bretagne (3eme) et au Portugal (3eme) dans une voiture manquant cruellement de fiabilité (11 abandons en 16 courses). Sa dixième place au Championnat du monde avait aiguisé les appétits. Lotus-Renault empochait le morceau.

Coureur très doué prenant des gros risques pour dépasser ses concurrents, observateur et déterminé, Senna, également un des meilleurs metteurs au point, parfaisait sa conduite pendant trois saisons au volant d'une élégante monoplace noire. Avec l'écurie britannique, il confirmait sa progression, remportait six courses, signait seize pole positions et concluait l'exercice 1987 à une belle troisième place au Championnat. Il était alors temps de migrer vers d'autres cieux et de rejoindre une formation du haut du panier pour viser le titre. S'ensuivait une riche expérience et la consécration chez McLaren durant cinq saisons, dont deux au côté de... Prost.

Cohabitation explosive avec Alain Prost

« J'ai déjà piloté de concert avec Lauda et Rosberg qui sont de très grands pilotes et cela s'est très bien passé. Pourquoi cela ne serait pas le cas avec Ayrton ? », prophétisait le Français. « J'y vais pour le battre et sans perdre de temps », lâchait Senna. La cohabitation allait s'avérer explosive et déboucher également sur l'une des plus grandes rivalités de l'histoire du sport. Les deux coureurs étaient à armes égales, coéquipiers dans les paddocks, concurrents sur la piste. En 1988, Senna obtenait le dernier mot. Senna réussissait d'abord à battre Prost pour la première fois le 1er mai à Saint-Marin. Puis, le duel se poursuivait.

Au coude à coude pour le titre, les « partenaires » se défiaient le 30 octobre à Suzuka. Au départ de l'avant-dernière course de l'année, Senna calait et Prost s'envolait jusqu'au 28eme tour. Mais, incroyable, auteur d'une remontée fantastique, le Brésilien doublait le Français, victime d'un souci mécanique, et décrochait son premier titre de Champion du monde. Les deux rivaux écrivaient l'une des pages les plus célèbres de l'histoire de la Formule 1, un an plus tard au même endroit. Cette fois, malgré quatre succès contre cinq à Senna, Prost dominait assez facilement le Championnat et prenait les commandes au Japon, où Senna, qui devait absolument briller pour continuer à rêver du sacre final, réalisait la pole. Juste derrière, Senna s'accrochait et tentait le dépassement au 47eme tour. Refusant de céder, le coureur tricolore fermait la porte. Et l'inéluctable se produisait : un accrochage qui mettait fin à la course des deux cadors. « Le Professeur » terminait cette fois avec le titre en poche, son troisième après 1985 et 1986.

Senna n'avait rien oublié et percutait violemment Prost

Malgré le départ chez Ferrari de Prost, lassé par la guerre fratricide avec Senna, la rivalité continuait en 1990. Et encore une fois, le duel connaissait un épisode décisif à Suzuka. En tête du classement mondial, le Brésilien, pole position en poche, affichait de solides arguments mais Prost réussissait le meilleur démarrage de l'épreuve nippone. Senna n'avait cependant rien oublié de l'année précédente et percutait violemment la voiture de son rival dès le premier virage. Les deux véhicules partaient dans le décor, les deux ennemis abandonnaient... Senna était sacré Champion du monde pour la deuxième fois.

« Jusqu'à présent, j'ai cru qu'il était un adversaire très dur mais correct sur la piste. Je ne le pensais pas capable de faire ça. Il a montré son vrai visage. Mon premier réflexe aurait pu être de lui mettre mon poing dans la figure mais j'ai préféré me retenir car tout ceci ne m'inspire que du dégoût. La rivalité existe mais il y avait une autre manière de conclure le Championnat », regrettait Prost qui terminait loin derrière Senna, titré pour la troisième et dernière fois, en 1991. Après deux années 1992 et 1993 plus délicates, le natif de Sao Paulo rejoignait en 1994 l'écurie Williams, avec qui Prost s'était retiré sur un dernier titre. Senna, dont les relations avec le Français s'étaient apaisées (un rival qui va lui « manquer » avoue-t-il à Prost sur le podium du dernier GP en Australie en 93), avait le dessein de conquérir une quatrième consécration majeure.

Un mort et un accident la veille de la course d'Imola

Et puis, il y avait le funeste Grand Prix de Saint-Marin, troisième manche du Championnat. Sur le circuit d'Imola, où l'Autrichien Roland Ratzenberger s'était tué la veille et où le Brésilien Rubens Barrichello s'en était sorti avec seulement quelques blessures, Senna s'élançait en tête après avoir signé une 65eme pole position. La course était neutralisée après un accrochage lors du départ entre le Portugais Pedro Lamy et le Finlandais JJ Lehto puis la voiture de sécurité s'effaçait après cinq tours au ralenti. Senna, qui avait confié la veille ne pas vouloir disputer la course avant de changer d'avis, fonçait en tête, bien qu'anxieux et préoccupé suite aux premiers accidents, selon ses coéquipiers.

Un crash à 305 km/h

Après un seul tour bouclé à pleine vitesse, le Brésilien, talonné par Michael Schumacher, dominait au début de la septième boucle et perdait le contrôle de sa voiture qui quittait la piste subitement à 305 km/h et partait tout droit dans la courbe très rapide de Tamburello. Le choc contre un mur de béton était terrible. Evacué successivement vers deux hôpitaux, Senna perdait la vie. Réconcilié avec Prost, il lui avait adressé un joli message le matin même lors d'un tour du circuit commenté : « Avant de commencer, un bonjour spécial à mon... à notre ami Alain. Tu nous manques à tous, Alain ! »

Trois jours de deuil national et funérailles de chef d'Etat

Après l'annonce de la mort de la star adulée, l'émotion était immense et planétaire. Surtout au Brésil, sa patrie qui décrétait trois jours de deuil national et à laquelle il était très attachée. Senna recevait des funérailles de chef d'état. Depuis, on lui voue un culte. Senna, homme et coureur d'exception, pour toujours dans la légende.

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