Tour de France 1952 : Coppi, l'inimitable

Thomas Siniecki, Media365 : publié le mardi 22 juin 2021 à 21h52

Le Tour de France 1952 reste un des plus grands monuments de l'histoire de la course, marqué par la domination incroyable de Fausto Coppi. Cet été-là, le coureur italien a largement contribué à écrire sa formidable légende.

Déjà vainqueur du Tour de France en 1949, dixième l'année suivante, Fausto Coppi va écraser la course en 1952, pour ce qui sera sa troisième et ultime participation. Il remporte cinq étapes tout en s'adjugeant le maillot de meilleur grimpeur, conservant enfin le maillot jaune durant deux semaines. "Il y en avait un comme lui, mais pas deux, se remémore la légende Raphaël Géminiani (96 ans). Il était aérien, on aurait dit qu'il ne touchait pas terre... Je m'honore de l'avoir bien connu et d'avoir été son équipier, ainsi que son adversaire." Lors de ce Tour 1952, c'est bien en tant que partenaire qu'il le côtoie sur les pentes de son exploit. "Il a tenu à ce que je sois dans son équipe, je suis donc le seul coureur français à avoir couru un an avec lui."

A la sortie du Giro, qu'il vient de gagner pour la quatrième fois, il réussira le deuxième doublé Italie - France de sa carrière (après 1949, donc). Mais celui-ci a bien failli ne jamais se produire... La faute, en partie, à Gino Bartali, car Fausto Coppi ne veut pas disputer le Tour avec lui. Il le soupçonne d'une volonté contre-productive, le considérant plus comme un ennemi que comme un ami. C'est pour ça, notamment, qu'il a réussi à attirer Raphaël Géminiani et a pris d'ailleurs un certain plaisir à le voir terminer meilleur grimpeur du Giro plutôt que Bartali... Face à cette brouille, l'Italie est à deux doigts de renoncer à envoyer une équipe (puisque ce sont encore les pays qui étaient représentés). L'affaire se règle à la dernière minute.

Géminiani : "Tout était facile pour lui, pendant que nous on piochait"

Deuxième de la cinquième étape qui arrive à Namur, en Belgique, Fausto Coppi démarre sa moisson par un contre-la-montre à l'occasion de la septième étape, en dépit de deux crevaisons ! Et puis c'est le début de son récital de montagne... D'abord la dixième étape reliant Lausanne à L'Alpe d'Huez, où il s'empare du maillot jaune en devançant le Français Jean Robic de plus d'une minute. Puis la onzième, dès le lendemain, où il colle pas moins de sept minutes à tout le monde entre Le Bourg-d'Oisans et Sestrières. "Il était d'une aisance, on aurait dit qu'il avait un moteur dans le vélo, reprend Raphaël Géminiani. Il ne bougeait pas dans l'effort, il montait sans cesse et tout était facile pour lui, pendant que nous on piochait."

Les organisateurs tentent de motiver les poursuivants en augmentant les primes des deuxième et troisième. Mais devant, toujours le même nom : celui de Fausto Coppi, qui vole à nouveau dans les Pyrénées et s'impose entre Bagnères-de-Bigorre et Pau (en passant par l'Aubisque et le Tourmalet), avant de réitérer une cinquième et dernière fois entre Limoges et le Puy de Dôme. Le génial Italien termine au général avec près d'une demi-heure d'avance sur Stan Ockers, plus de 28 minutes exactement, ce qui constitue un record jamais égalé depuis. Hommage de Jacques Goddet, fondateur de L'Equipe et ex-patron du Tour : "Fausto Coppi est au-dessus d'Eddy Merckx, parce qu'il s'est manifesté dans des conditions qui atteignaient le divin, le surhomme, par sa morphologie et sa nature physique."


"Il était affable et gentil, rappelle encore Raphaël Géminiani. C'était un comportement inhabituel, pas celui d'un tueur. Un gagneur, mais à sa manière. Il s'excusait presque de gagner avec cinq minutes d'avance. On doit la popularité du cyclisme à des champions comme lui, populaires par ces si beaux exploits... Le cyclisme sans lui, c'était un Noël sans Père Noël." Au moment d'évoquer le seul regret de sa si riche carrière, Fausto Coppi estime qu'il en faisait trop : "Je ne me lancerais plus dans ces interminables échappées qui ont marqué le début de ma carrière. J'éviterais de gagner des courses avec plusieurs minutes d'avance. C'est un effort insensé qui ne rime à rien. L'essentiel, c'est de figurer au palmarès."

Ce Tour 1952 reste comme le monument de sa vie, bien trop vite et brutalement achevée huit années plus tard. En 1960, à seulement 40 ans, Fausto Coppi est en effet terrassé par la malaria. Il laisse une trace indélébile dans l'histoire du cyclisme, et notamment toujours dans ce Tour 1952, avec la fameuse photo du passage de la gourde entre lui et Bartali, finalement engagé sur cette édition en dépit des inimitiés. C'était lors de l'étape arrivant à L'Alpe d'Huez, celle qui ouvrait donc ses quatorze jours de grâce. "Il dépasse le statut de champion, conclut son fils Faustino, qui ne l'a connu que cinq ans (pour Les Dernières Nouvelles d'Alsace). Mon père était un personnage de l'Italie de cette époque. Un personnage près du peuple et qui aimait profondément les gens. Il avait connu la guerre et la misère."

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