Mondiaux : Le double arc-en-ciel d'Alaphilippe

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Thomas Siniecki, Media365 : publié le vendredi 15 avril 2022 à 15h00

Non content de réussir un formidable exploit en 2020, Julian Alaphilippe a bissé en 2021 pour un nouveau sacre, confirmant sa maturité. Et surtout son talent phénoménal qui le place parmi les meilleurs Français de l'histoire.

2020

Quand Julian Alaphilippe aborde la course en ligne des Mondiaux de Monza, il s'attaque au rêve de sa carrière. Dixième en 2017, huitième en 2018, il n'était pas encore entré dans le coeur des Français, comme il l'a fait ensuite avec son incroyable Tour en 2019 où il a porté le maillot jaune jusqu'à l'antépénultième étape du vendredi. Puis encore quelques semaines avant le grand rendez-vous international de 2020, en endossant à nouveau la tunique de leader durant trois jours en début de course, celle-ci ayant été décalée à septembre à cause du Covid. Bref, "Alaf" a changé de statut. Et ce sera bel et bien définitif ce dimanche 27 septembre en Italie.

D'abord, il y a ce déménagement du parcours, comme un signe du destin. Ces Mondiaux devaient initialement se tenir en Suisse, à Martigny, sur un tracé favorable aux vrais grimpeurs. De l'autre côté des Alpes, l'ouverture devenait à nouveau claire pour les puncheurs comme lui. "Je savais que ça me correspondait bien", confirmera-t-il à l'arrivée, nanti de son nouveau maillot arc-en-ciel (pour Eurosport). Julian Alaphilippe a tenu jusqu'au sommet de la dernière difficulté, à douze kilomètres de l'arrivée sur le mythique circuit automobile. C'est à ce moment-là qu'il a placé son accélération décisive, se détachant seul pour conclure avec 24 secondes d'avance sur Wout van Aert, annoncé grand favori, ainsi que Marc Hirschi, Michal Kwiatkoswki, Jakob Fuglsang et Primoz Roglic.

Plusieurs stratégies étaient envisagées du côté de l'équipe de France et son coach Thomas Voeckler. Guillaume Martin, au fur et à mesure de la course, s'est transformé en lieutenant du futur roi Julian Alaphilippe. Lequel rit au moment de retrouver son sélectionneur, lui rappelant que ça ne s'est "pas vraiment déroulé comme prévu" (pour L'Equipe). Voeckler, évidemment, n'en a cure et ne peut que s'incliner face au panache de son champion : "A l'instinct !" "C'était un objectif si important, reprend le héros sur Eurosport. Le maillot arc-en-ciel, c'est le sommet. C'est incroyable de gagner la course qui te fait le plus rêver." Quelques mois après la mort de son père Jo, il devient à 29 ans le neuvième champion du monde français de l'histoire, le premier depuis Laurent Brochard en 1997.

2021

Encore porteur du maillot jaune une journée lors du Tour, cette fois repositionné de manière classique entre juin et juillet, Julian Alaphilippe arrive en tout frais père de famille à Louvain (en Belgique) pour défendre son titre. Malgré l'énorme pancarte dans le dos, il fait preuve d'une maestria, d'une pugnacité et au final d'une facilité encore plus fabuleuses qu'un an plus tôt. C'est en effet sur sa sixième attaque (!), à 17 kilomètres de l'arrivée, qu'il parvient enfin à lâcher tous ceux qui s'accrochaient encore. Voeckler va encore plus loin dans sa stratégie, ordonnant par exemple à Benoît Cosnefroy d'attaquer à 190 kilomètres de l'arrivée !

"Pour dérouter l'adversaire, laisser croire qu'il peut aussi être un des leaders", expliquera plus tard le sélectionneur (pour L'Equipe). Ce qui n'a pas été anodin, l'Italie, la Belgique ou même les Pays-Bas de Mathieu van der Poel se trouvant obligés de se fatiguer et parfois même piégés. Julian Alaphilippe continue de demander à ses coéquipiers, Cosnefroy et Anthony Turgis en tête - mais aussi Valentin Madouas et même le sprinteur Arnaud Démare - d'attaquer sans cesse. "Finalement, il les a lâchés dans la côte la plus facile : il les avait usés mentalement", estime le fils de Laurent Madouas. Plus fort que jamais, le vainqueur de Milan-San Remo 2019 devient le seul coureur français double champion du monde. Le septième de l'histoire, aussi, à conserver son maillot arc-en-ciel d'une année sur l'autre.

Il rejoint ainsi Peter Sagan (2015, 2016, 2017), Paolo Bettini (2006, 2007), Gianni Bugno (1991, 1992), Rik Van Looy (1960, 1961), Rik Van Steenbergen (1956, 1957) et Georges Ronsse (1928, 1929). A l'arrivée, il certifie qu'il ne pensait "pas être capable de tenir jusqu'au bout" (pour France Télévisions) : "C'était horrible, je me suis fait violence, je pensais à mon petit... Beaucoup de supporters belges m'ont demandé de ralentir, avec des mots pas très sympas, et je les en remercie car ils m'ont poussé à tenir." De quoi faire une nouvelle belle photo pour la Belgique, un peu plus de trois ans après un autre grand moment de sport qui avait consacré la France face à nos amis d'outre-Quiévrain. Mais Julian Alaphilippe, en allant directement cueillir la gloire au plat pays, a poussé le concept encore plus loin.

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