Coupe du Monde 1982 : le traumatisme des Bleus à Séville

Coupe du Monde 1982 : le traumatisme des Bleus à Séville©Media365
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Emmanuel LANGELLIER, Media365 : publié le vendredi 22 octobre 2021 à 18h01

Longtemps supérieure à l'Allemagne de l'Ouest, l'équipe de France dirigée par Michel Hidalgo avait pourtant été éliminée en demi-finales de la Coupe du Monde 1982 à l'issue d'une rencontre entrée dans la légende.

Le sacre des Bleus à l'Euro 1984 trouve probablement sa source dans la catastrophe de 1982. S'il faut retourner deux ans plus tôt pour trouver des motifs d'origine à la délivrance observée face à l'Espagne d'Arconada au Parc des Princes, c'est que la soirée de Séville fut si marquante. Et terrible. Ceux qui étaient nés et en âge de pouvoir saisir la résonnance d'un tel supplice s'en souviennent encore. Et ceux qui ne l'étaient pas encore en ont entendu parler un jour, c'est certain... Par un parent, un grand-parent, un frère ou une sœur, un oncle ou un ami.

Ce 8 juillet 1982, la France du foot vit une demi-finale de Coupe du Monde à la dramaturgie inégalée. Mais pourquoi donc ce match a-t-il autant marqué les mémoires, se demandent probablement les plus jeunes d'aujourd'hui ? Non, les Bleus n'ont pourtant pas gagné en cette chaude soirée sévillane. Mais ils ont tout de même écrit une des pages les plus fameuses de l'histoire du sport français. Une belle feuille, quelque part, mais aussi, et surtout, terriblement cruelle.

Michel Hidalgo reconduit son audacieux système

Car l'histoire, si bien entamée, s'est fichtrement mal achevée ! Cette deuxième demi-finale du Mundial 82 - l'Italie s'est adjugée la première quelques heures plus tôt à Barcelone devant la Pologne (2-0) grâce à un doublé de Paolo Rossi - se déroule dans le Stade Ramon Sanchez Pizjuan de Séville, ville réputée comme « la plus chaude d'Europe ». La France au dispositif offensif et technique, dirigée par Michel Hidalgo, disparu jeudi à 87 ans, et menée par Michel Platini, défie l'Allemagne de l'Ouest. Les Bleus cherchent à accéder à une première finale, la RFA est en quête de triplé après ses sacres de 1954 et 1974.

Michel Hidalgo reconduit son audacieux système aligné au match précédent face à l'Irlande du Nord (4-1) au second tour mêlant à la fois Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana et Bernard Genghini dans l'entrejeu, le fameux carré magique (intégré plus tard par Luis Fernandez).  Devant Jean-Luc Ettori, Maxime Bossis, Marius Trésor, Gérard Janvion et Manuel Amoros composent la défense tandis que Dominique Rocheteau et Didier Six animent l'attaque bleue au coup d'envoi. En face, la RFA démarre sans Karl-Heinz Rummenigge mais avec Harald Schumacher, Karl-Heinz Förster, Paul Breitner, Pierre Littbarski, Felix Magath, Manfred Kaltz et Ulrich Stielike.

Platini répond à Littbarski

L'équipe de France, qui dispute sa seconde demi-finale de Mondial après 1958, s'est hissée de justesse au second tour. Après un revers inaugural devant l'Angleterre (1-3), un succès face au Koweït (4-1) et un nul face à la Tchécoslovaquie (1-1), elle a enchaîné deux succès contre l'Autriche (1-0) et l'Irlande du Nord (4-1). Comme les Français, les Allemands de l'Ouest sont tombés dès leur entrée en lice, devant l'Algérie (1-2) à la surprise générale. Mais, ils ont réagi face au Chili (4-1) avant le célèbre « match de la honte » contre l'Autriche (1-0). Dans un groupe du deuxième tour relevé, les hommes de Jupp Derwall ont été accrochés par l'Angleterre (0-0) avant de porter un coup fatal à l'Espagne (2-1), pays organisateur.

Grosse machine bien huilée, rigoureuse et physique, la formation ouest-allemande réalise un meilleur départ. Après avoir fracassé la transversale d'Ettori, Littbarski ouvre la marque à la 18eme minute (1-0). Formant une équipe joueuse, les Tricolores, surnommés les « Brésiliens de l'Europe », ne s'affolent pas et montent en gamme. Accroché dans la surface de réparation, Rocheteau obtient un penalty que transforme sans trembler Platini après avoir embrassé le ballon (27eme, 1-1). Les hommes de Hidalgo dominent ensuite sans être dangereux.

L'attentat de Schumacher sur Battiston

De retour sur le terrain, ils déplorent une mauvaise nouvelle : Genghini se blesse à la cheville et doit rapidement sortir (50eme). Battiston le remplace. Le joueur de Bordeaux ne va rester que dix petites minutes. Et l'un des plus grands scandales de l'histoire du ballon rond intervient. Suite à un but de Rocheteau refusé, Platini délivre un service lumineux vers Battiston qui se présente face à Schumacher et place un tir lobé du pied gauche dont la trajectoire échoue à côté du but adverse. Mais le portier, battu sur l'action, se désintéresse complètement du ballon et vient violemment percuter le défenseur girondin. K.-O et inconscient, Battiston perd trois dents et est évacué sur une civière, soutenu dans sa sortie par Platini qui lui tient la main. Le dernier rempart de Cologne n'est même pas averti par l'arbitre, le Néerlandais M. Corver, après son agression.

Révoltés par cette injustice, les Bleus accentuent leur domination et réalisent une superbe seconde période. Mais ne concrétisent pas leurs nombreuses occasions. Dans les derniers instants du temps réglementaire, Amoros propulse le ballon sur la transversale de Schumacher puis Ettori sauve les siens. Une prolongation se dispute donc. Elle va être folle. Grâce à Trésor qui place une volée soudaine (93eme) et Giresse (99eme), la France prend deux buts d'avance (3-1) en poursuivant son élan offensif. La finale se profile sérieusement.

Bossis rate son tir au but...

Mais il reste encore une vingtaine de minutes. A peine entré en jeu, Rummenigge réduit le score (3-2, 103eme). L'attaquant du Bayern Munich perturbe Platini et ses partenaires qui subissent désormais les offensives allemandes. Le rêve bleu est remis à plus tard lorsque Fischer égalise sur un splendide retourné acrobatique (3-3, 108eme). Plus rien ne sera marqué et deux équipes vont être départagées aux tirs au but pour la première fois de l'histoire de la Coupe du Monde.

Là encore, les Bleus débutent le mieux. Giresse, Amoros et Rocheteau transforment leurs tentatives alors que Stielike faute après les tirs réussis par Kaltz et Breitner. 3-2 pour la France. Mais Six rate à son tour. Littbarski remet les deux équipes à égalité puis Rummenigge répond à Platini (4-4). Enorme durant la rencontre sur le côté droit de la défense, Bossis voit ensuite sa frappe repoussée par Schumacher. Le défenseur de Nantes s'accroupit de dépit après son échec. Et ce qui devait malheureusement arriver, arrive. Hrubesch ne laisse pas passer l'occasion et offre la qualification pour la finale sur une frappe prenant Ettori à contre-pied (5-4). Incrédules, les Bleus quittent la compétition et font 55 millions de déçus. Il faudra attendre seize ans supplémentaires et la Coupe du Monde 1998 pour les voir enfin en finale.

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