Le vélo est-il devenu « un sport de riches » ?

Le vélo est-il devenu « un sport de riches » ? ©Icon Sport, Media365
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Mathieu Warnier, Media365 : publié le mardi 04 novembre 2025 à 16h20

Alors que plusieurs équipes vont disparaître du paysage au terme de la saison 2025 et que des modèles alternatifs ont déjà été présentés, le cyclisme professionnel est à la croisée des chemins. Pour le sortir de l'ornière, les idées foisonnent mais pourraient en changer les fondements.

Le cyclisme professionnel arrive à un tournant. Après un cycle de trois ans, l'Union Cycliste Internationale (UCI) se prépare à distribuer ses licences pour les saisons 2026, 2027 et 2028. Ainsi, l'instance basée à Aigle a dévoilé le 20 octobre dernier la liste des candidats pour ses deux divisions, qui sont le World Tour et les ProTeams. En ce qui concerne l'élite, le règlement prévoit 18 places, mais il y a pas moins de 20 candidatures à l'heure actuelle. Une liste dans laquelle deux noms n'apparaissent pas : Arkéa-BxB Hotels et Intermarché-Wanty. Alors que la formation bretonne va fermer ses portes, son homologue belge prépare activement une fusion avec Lotto. De plus, Jean-René Bernaudeau a désormais la certitude de perdre son partenaire-titre TotalEnergies au terme de l'exercice 2026.

Pour sa part, l'équipe Cofidis pourrait pâtir d'une relégation en deuxième division si son dossier est refusé par l'UCI. Des décisions qui illustrent surtout le problème de fond que vit actuellement le cyclisme professionnel qui, selon l'ancien coureur et directeur d'équipe Jérôme Pineau, est « un système d'ultra-riches » dans lequel « il n'y a pas d'oseille ». Celui qui a vu son équipe BxB Hotels p/b KTM disparaître à la fin de l'année 2022 après l'échec d'un potentiel partenariat avec la Ville de Paris assure dans un entretien accordé à RMC que « le vélo est en train de se tuer à cause de ça ». Un discours qu'a également tenu Marc Madiot qui voit « un sport populaire, d'ouvriers et de paysans, qui devient un sport de riches ».

Une absence de redistribution pointée du doigt

A ses yeux, les deux principaux responsables de cette situation sont l'UCI elle-même et les organisateurs des principales épreuves du calendrier comme Amaury Sport Organisation (ASO), RCS Sport ou encore Flanders Classics. Des instances et sociétés privées qu'il considère dirigées par des gens qui « voient les choses en grand parce qu'ils se mettent un tas d'oseille dans les poches ». Jérôme Pineau pointe ainsi du doigt une redistribution financière insuffisante de la part des organisateurs avec les seules primes remportées par les coureurs qui leur sont versées. En effet, il n'est pas question de primes de participation ou de redistribution plus ou moins égalitaire des revenus issus des droits de diffusion envers les équipes participant aux épreuves. « A côté de cela, les équipes meurent.

Mais il ne faut surtout pas oublier que ce sont elles qui font le spectacle, a martelé l'ancien coureur. Sur la scène mondiale, on est les seuls artistes qui ne touchent pas d'argent pour leur spectacle. » Face à cette situation, le projet de ligue fermée « One Cycling » porté notamment par le patron de l'équipe Visma-Lease a Bike Richard Plugge a essayé de faire bouger les lignes grâce à un financement venu du fonds souverain d'Arabie Saoudite (PIF). Mais il tarde à se matérialiser face aux réticences des tenants du système en place. La question qui se pose est alors celle des moyens de faire entrer de l'argent dans les caisses alors que le cyclisme est un sport connu pour son accès facile et gratuit pour les spectateurs.

Des solutions clivantes mises sur la table

« Privatisons les cinq derniers kilomètres de l'Alpe d'Huez, faisons payer l'entrée, faisons des VIP, créons quelque chose pour faire gagner de l'argent », a ainsi lancé Jérôme Pineau en évoquant le fait que le prochain Tour de France passera deux fois par la station alpine en 2026. L'ancien dirigeant d'équipe prend ainsi exemple sur l'espace VIP installé à proximité de la Trouée d'Arenberg lors de Paris-Roubaix par ASO, qui en récupère tous les bénéfices quand « les coureurs ont zéro sur la feuille des rentrées d'argent ». Son compère Marc Madiot, s'il est « pour la gratuité » du cyclisme qui est « une de ses forces », appelle à « trouver des sources de revenus et un meilleur équilibre entre les différentes familles, que ce soit les coureurs, les équipes ou les organisateurs ».

Et, pour cela, il envisage « un combat à mener sur une égalité de fonctionnement des équipes, qu'on soit tous à peu près dans le même système ». Le patron de l'équipe Groupama-FDJ évoque ainsi la fiscalité française qui est un frein pour les formations hexagonales par rapport à leurs rivales. Au-delà d'une limite au niveau des salaires comme en Top 14 ou des budgets comme en Formule 1, l'ancien vainqueur de Paris-Roubaix a lancé une idée étonnante. « Pourquoi ne pas évoquer que toutes les équipes soient basées en Suisse en termes juridiques pour avoir le même coût social ? », a-t-il lancé lors de cet entretien. Ce qui apparaît certain, c'est la nécessité de faire bouger les positions de chacun pour permettre au cyclisme professionnel de trouver une voie lui permettant de regarder vers un avenir pérenne à long terme.

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