Martinot-Lagarde : " Je suis increvable "

Martinot-Lagarde : " Je suis increvable "©Panoramic, Media365

Aurélien CANOT, Media365, publié le vendredi 25 mars 2022 à 10h28

Médaillé d'argent pour la troisième fois de sa carrière, le week-end dernier sur le 60m en salle des Mondiaux de Belgrade, Pascal Martinot-Lagarde (30 ans), déterminé comme jamais et toujours présent dans les grands rendez-vous, assure que le plus beau est peut-être à venir pour lui qui rêve comme tout Français de faire résonner la Marseillaise à Paris en 2024.


Pascal Martinot-Lagarde, « PML » a encore frappé, avec cette très belle médaille d'argent ramenée de Belgrade...
Oui, j'ai essayé de répondre présent et dans la continuité de ce que j'avais déjà fait cet hiver. Mais c'est toujours important de confirmer. Finalement, c'est à ça que je mesure mes progrès au fil des années. Renaud Lavillenie ou Kevin Mayer font des bonnes performances toute la saison, mais c'est vraiment sur les grands championnats qu'ils arrivent à passer des trucs de fou. J'essaye aussi de faire de belles choses en championnat, et ça me réussit plutôt bien.

Vous faites donc partie vous aussi de cette race des grands champions ?
En tout cas, j'assume la pression des championnats. J'arrive bien à la digérer.

Diriez-vous que vous êtes monté en puissance sur cette journée ? Avec des séries qui n'avaient pas débuté forcément idéalement...
De toute façon, monter en puissance, j'ai fait ça toute la saison. C'est ce qu'il faut réussir à faire en championnat, car la série ne sert qu'à se qualifier pour les demi-finales et les demi-finales ne servent qu'à se qualifier pour la finale. La course, sur laquelle il faut tout déployer et se donner à mille pour cent, c'est la finale. C'est ce que j'ai fait sur ce championnat.

Vous aviez donc préparé parfaitement votre coup ?
Attention : ce n'est pas volontaire de ma part d'aller plus lentement. C'est comme si je courais la série à cent pour cent, la demi-finale à 110 pour cent et la finale à 200 pour cent. C'est un peu ça qu'il faut se mettre en tête. La capacité à faire la finale et à se révéler vraiment au top du top en finale, c'est ça qu'il faut faire.

Ce qui explique pourquoi vous ne semblez jamais vous affoler...
Oui, moi, quand je fais ma série, qui paraît lente aux yeux du monde - je fais 7"69 et ça ne s'est pas très bien passé, avec notamment des péripéties, mais l'important, c'était que ça passe en demi-finales - je ne me suis absolument pas affolé. Dès les demi-finales, j'ai envoyé un peu plus, et en finale, j'ai tout donné. La sérénité est une vertu importante en championnat. Il ne faut pas laisser de place au doute et réussir vraiment à se mettre en tête que la série est une course, la demi-finale, une autre, et la finale, encore une autre. Donc même si tu fais une série pourrie, ça ne définit pas le reste du championnat.

« Plus déterminé que moi, il n'y a pas ! »

Avez-vous toujours pensé comme ça ?
Oui, j'ai toujours eu plus ou moins cette manière de penser pendant que je le fais. Après la série, je me pose quelques petites questions, mais vraiment pas longtemps, et je passe tout de suite à autre chose. Il faut vraiment se dire que chaque course est nouvelle.

Cette médaille d'argent vous laisse-t-elle une déception ?
Non, pas du tout. Il n'y a aucune déception. Il faut bien se mettre en tête que la demi-finale a été la course la plus rapide du monde, puisque l'Américain champion du monde ensuite Grant Holloway a égalé son record du monde. A partir du moment où j'étais dans la course du recordman du monde, se satisfaire d'une médaille d'argent, ce n'est pas trop demander.

Est-ce que cela signifie que vous avez fait ce que vous pouviez faire de mieux sur cette finale, même avec du recul ?
Oui, oui. Allez chercher un 7"39, c'est un truc que je ne pouvais pas prétendre faire sur cette course. Sur le plan technique ? Quand tu ressors d'une course de championnat, tu retiens l'intensité et la bestialité que tu as mises, mais pas du tout l'aspect technique. Je n'ai aucune idée de si j'ai bien attaqué ou si j'étais bien dans mon placement. En revanche, je peux te dire que j'avais une détermination telle que je suis allé plus vite que les autres. En revanche, si ma technique a été bien, je n'en sais rien.

Comment vous situez-vous par rapport à votre médaille de bronze des Mondiaux de 2019 ?
C'est similaire. Je ne suis ni plus ni moins rapide. J'ai une certaine régularité année après année... Je m'en suis surtout rendu compte l'année des Jeux Olympiques. Toute l'année, j'ai été blessé, je me suis préparé ric-rac au dernier moment pour les JO, et j'ai quand même été finaliste des Jeux Olympiques. Et ce truc de savoir que je suis capable en dépit des péripéties d'être prêt le jour J fait qu'en 2019, en 2021 comme cette année, j'ai cavalé (sic). J'ai un niveau relativement constant et qui, par chance, me permet d'avoir des médailles.

Votre détermination n'est-elle pas encore supérieure à celle de vos plus jeunes années ?
Non, plus déterminé que moi, il n'y a pas, je crois (rires). Que ce soit maintenant ou il y a dix ans. Ça aussi, c'est relativement constant. Je veux toujours gagner, et je n'ai peur de personne. Ça, ça ne bouge pas. Après, effectivement, l'expérience entre en jeu. Si je suis capable de sortir la course en finale au bon moment, c'est parce que j'ai une certaine expérience de la piste et du championnat.

« Holloway est imbattable en salle. En plein air, c'est autre chose »

Vous vous sentez donc capable d'encore enchaîner les performances de ce calibre sur les années à venir ?
Mais, moi, je suis increvable ! Vous pouvez me retrouver encore. En tout cas, jusqu'aux Jeux de Paris 2024, ça c'est probable. Et peut-être même que j'irai au-dessus.

Paris 2024, c'est forcément LE rendez-vous pour vous, qui faites partie des champions français ?
Quand vous évoluez à domicile, l'engouement est toujours plus grand. Surtout que la pression et moi, c'est OK. J'aurai vraiment les épaules pour faire de beaux Jeux Olympiques à la maison. J'ai hâte de voir ça, j'espère que je serai au top. On va voir.

Vous avez 30 ans aujourd'hui. Abordez-vous cette deuxième partie de carrière avec cette même sérénité qui vous colle à la peau depuis vos débuts ?
Avec plus de sérénité encore. Car j'ai encore plus conscience de mon niveau aujourd'hui. Avant, je le découvrais. Aujourd'hui, je sais qui je suis. Pour rappel, le champion olympique de Tokyo Hansle Parchment avait 33 ans (il en avait 31 en réalité). C'est bien beau le numéro 1, mais ne vous inquiétez pas : il y a encore des jambes.

De qui devez-vous vous méfier sur les années à venir ? Grant Holloway en premier lieu ?
C'est sans doute le plus grand hurdler du monde de tous les temps. Il a battu le record du monde en salle et est à un centième du record du monde en plein air. Il ne l'a pas encore battu, mais c'est sans doute le meilleur hurdler du monde qui n'ait jamais existé. Donc, oui, ce sera sûrement le plus grand adversaire pour moi.

Vous n'êtes pourtant pas du genre à qualifier l'un de vos adversaires comme « imbattable »...
En salle, Holloway est relativement imbattable. Après en plein air, c'est autre chose. En plein air, j'ai beaucoup plus de chance d'aller le chercher qu'en salle.

Vous n'avez pas été le seul à briller à Belgrade, puisque votre jeune compatriote Cyréna Samba-Mayela a remporté la médaille d'or chez les femmes. Que vous inspire sa performance ?
C'est vraiment du très lourd. C'est de la jeunesse hyper talentueuse. Les haies françaises ont connu beaucoup de championnes dans les années 80, avec Patricia Girard, Maryse Ewanje-Epee ou d'autres énormes hurdleuses encore, qui se tiraient la bourre. Après, ça a été aux hommes de se révéler avec Ladji ou encore d'autres générations. Et là, avec l'arrivée de Cyrena, il va y avoir un nouvel élan d'hurdleuses. Et ça fait du bien. Moi, champion du monde, ça fait dix ans que j'essaye de l'être, mais je n'ai jamais réussi à l'être. Je suis triple vice-champion du monde et j'ai eu une fois la médaille de bronze, mais je n'ai jamais été champion. Et là, Cyréna a frappé fort. Elle vient confirmer que la discipline à la barrière (sic), c'est un truc typiquement français.

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